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Le grand invité Afrique

Liberia: «Le président Weah n'a pas pu produire les résultats, il a déçu», estime Mathias Hounkpè

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Le Liberia s’apprête à tourner une page : celle des années George Weah. L’ancien footballeur, largement élu président en 2017, a été battu d’un cheveu la semaine dernière, lors du second tour de la présidentielle, par un vieux routier de la politique libérienne : Joseph Boakai, 78 ans, qui a été durant douze ans le vice-président d’Ellen Johnson Sirleaf. Vaincu en 2017 par George Weah, Joseph Boakai a donc pris sa revanche. Comment analyser ce résultat ? George Weah a-t-il fait les frais d’un bilan jugé par certains très décevant ? Et quel avenir désormais pour le pays ? Mathias Hounkpè, directeur pays de la Fondation internationale pour les systèmes électoraux (IFES) au Mali, est notre invité.

Mathias Hounkpè, politologue, est directeur pays de l'Ifes (la fondation internationale pour les systèmes électoraux) au Mali.
Mathias Hounkpè, politologue, est directeur pays de l'Ifes (la fondation internationale pour les systèmes électoraux) au Mali. © RFI/Florence Morice
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RFI : Joseph Boakai a été déclaré lundi vainqueur de l’élection présidentielle avec 50,64% des voix, une victoire à l’arraché. Mais dès vendredi, avant même la proclamation des résultats, George Weah avait reconnu sa défaite. C’est là un geste très rare ?

Mathias Hounkpè : Disons que c’est un geste assez rare lorsque vous êtes en Afrique subsaharienne et en Afrique de l’Ouest, et donc je pense qu’il faut saluer le président sortant George Weah pour avoir posé cet acte qui a réduit de façon considérable les risques de protestation ou les tensions dans le pays, surtout lorsqu’on sait que les résultats de la présidentielle étaient très serrés.

Les soutiens les plus radicaux de George Weah appelaient l’ex-chef de l’État à contester les résultats du scrutin. Lundi, à Monrovia, une voiture a foncé sur une foule de partisans du vainqueur, faisant plusieurs morts. Avec ce résultat très serré, un peu plus de 20 000 voix d’écart, doit-on craindre une montée en tension dans le pays, selon vous ?

Je pense que ça dépendra en partie de la manière dont le nouveau président, donc le président Boakai, va gérer le pays. Parce que lorsqu’on hérite d’un pays aussi divisé, il faut d’abord attendre et voir les résultats des élections au niveau du Sénat et de l’équivalent de l’Assemblée nationale, la première chambre, pour voir si à ce niveau également les chambres ne seront pas pratiquement divisées en deux parce que ça, ça peut rendre la gouvernance politique même difficile. Et ensuite, le nouveau président, comme je le disais, aura la responsabilité de réunir le pays. Et lorsque vous écoutez le discours de Weah où il a concédé la victoire au nouveau président, l’un des défis sur lequel il a attiré son attention, c’est justement la nécessité d’unir le pays. 

Joseph Boakai a donc pris sa revanche sur George Weah, après son revers de 2017. George Weah a-t-il fait les frais de son bilan, jugé décevant par certains, voire même très décevant ?

Oui, à mon avis, la raison fondamentale, c’est vraiment que George Weah n’a pas eu de résultats, et ceci pour diverses sortes de raisons. En-dehors de quelques secteurs, par exemple les infrastructures, un peu quand même dans le domaine de l’emploi, je crois que le président Weah n’a pas pu vraiment produire des résultats, a déçu et aussi a adopté des comportements qui donnaient le sentiment que s’occuper des préoccupations des citoyens n’était pas vraiment sa première préoccupation. Par exemple, lorsqu’on l’a vu passer une dizaine de jours pendant la Coupe du monde [de football au Qatar en 2022] pour aller regarder les matchs, on a vu que dans le pays, il était devenu comme un prêtre qui animait des messes, il a construit une maison de composition en musique, etc. Donc je pense que les citoyens ont eu le sentiment à un moment donné que le président Weah n’avait pas vraiment à cœur leurs préoccupations.

Vous diriez que ce sont ses résultats en matière de lutte contre la pauvreté et contre la corruption qui lui ont coûté l’élection ?

Oui, surtout la lutte contre la corruption. Je pense que Weah n’a pu rien faire contre ça. Vous vous rappelez que dans ce pays, il y a deux ou trois juges de l’équivalent de la Cour des comptes qui ont été tués, simplement parce que l’équivalent de la Cour des comptes était sur un dossier qui était très sensible. Donc je pense que non seulement il n’a pas réussi mais il n’a même pas laissé la marge aux institutions mises en place pour aider la lutte contre la corruption. De mon point de vue, c’est l’un des grands défis auxquels le nouveau président aura à se confronter.

Pour gagner, Joseph Boakai a bénéficié du soutien du très influent Prince Johnson. Or, ce sénateur est un ancien chef de guerre accusé de nombreux meurtres pendant la guerre civile. Est-ce à dire que le Liberia ne va jamais juger ses bourreaux des années 90 ?

Je pense que ça va être très difficile pour lui et pour le Liberia, parce que j’ai le sentiment, en ce qui me concerne, que l’un des prix pour obtenir la stabilité dans le pays c’est aussi de savoir gérer cet aspect de leur histoire et essayer d’éviter de rechercher nécessairement à sanctionner, à punir, etc. Ce n’est pas surprenant que Prince Johnson continue d’être dans l’espace politique, comme Charles Taylor à travers son parti politique. Donc, je pense qu’ils ont peut-être décidé de s’accommoder de ça, afin de garantir la stabilité et éviter encore des facteurs qui pourraient contribuer à raviver les plaies qui peut-être avec le temps sont en train de se cicatriser.

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