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Invité international

Adhésion à l'UE: «La Géorgie n’a pas le droit de rater cette chance», avertit la présidente Zourabichvili

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Manifestation et contre-manifestation en Géorgie autour du projet de loi controversé sur l'influence étrangère, voulue par le gouvernement. L’opposition accuse le parti au pouvoir, le Rêve géorgien, d'agir sous pression du voisin russe. L’UE, pour sa part, a déjà fait comprendre à la Géorgie que cette loi était incompatible avec le statut de candidat à une adhésion. La présidente Salomé Zourabichvili, qui œuvre depuis des années en faveur d'un avenir européen pour son pays, s’oppose au gouvernement et soutient les manifestants. Elle a accordé un entretien exclusif à RFI.

La présidente géorgienne Salomé Zourabichvili lors des célébrations pour le 75e anniversaire de l'UNESCO à Paris, le 12 novembre 2021.
La présidente géorgienne Salomé Zourabichvili lors des célébrations pour le 75e anniversaire de l'UNESCO à Paris, le 12 novembre 2021. © AP - Julien de Rosa
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De notre envoyé spécial à Tbilissi,

RFI : Comment jugez-vous ce projet de loi sur l'influence étrangère, porté par le gouvernement ?

Salomé Zourabichvili : Pour la population, dans sa très grande majorité, comme pour moi, ça ne fait aucun sens. Au moment où la Géorgie vient de recevoir le statut de candidat, en décembre 2023, et se prépare à pouvoir ouvrir avec l'Union européenne les négociations d'adhésion - c'est en tout cas ce qui est une perspective possible -, il est totalement absurde de repasser une loi qui a été rejetée non seulement par toute la population l'année dernière, mais qui a également été rejetée par nos partenaires européens.

[Ces derniers] ont très clairement indiqué que ce n'était pas souhaitable d'avoir une loi qui est un décalque de la loi poutinienne sur le même sujet et qui a eu pour conséquence de pratiquement tuer le socle non gouvernemental, la société civile, en Russie.

Avez-vous le sentiment qu'on vit maintenant un moment historique ?

Je partage avec vous l'idée que nous sommes à un moment historique. Je pense que le moment historique sera le moment des élections [le 26 octobre 2024, NDLR], et que là, la Géorgie devra conforter son choix, son choix européen et que ça sera absolument déterminant.

Vous avez appelé Emmanuel Macron et Charles Michel pour leur demander d'aborder cette situation en Géorgie lors du Conseil européen. Quelle réaction de l'Union européenne pourrait-être à la hauteur de cette situation ?

Le but de mes communications, c'était qu’à un moment où il se passe beaucoup, beaucoup de choses sur le reste de la planète, des crises qui mobilisent l'attention, que cette attention nous soit également accordée. C'est-à-dire que la Géorgie ne sorte pas du champ d'attention de nos partenaires principaux parce que nous sommes à un moment déterminant et que nous serons dans cette situation, jusqu'à la fin de l'année, jusqu'aux élections et jusqu'au moment où se déterminera l'ouverture des négociations d'adhésion.

Et cette attention, je dois dire qu'elle existe, j'ai eu des réponses de l'un et de l'autre. Je sais que la question a été discutée lors du Conseil européen, même si ça ne figurait pas sur l'agenda formel, et c'est très important que cette attention demeure, que les visites de haut niveau se poursuivent et que la Géorgie demeure sur l'écran, je dirais.

Pour le reste, c'est à nous de mettre en œuvre tout ce qui est possible pour que les élections donnent le résultat souhaitable et que les recommandations qui sont sur notre table soient effectivement remplies, de façon à nous permettre de commencer les négociations d'adhésion. La Géorgie n'a pas le droit de rater cette chance.

Le Parlement européen a adopté une résolution qui conditionne le début des négociations à l’adhésion du pays à l'Union européenne par le rejet de cette loi…

Je vais mettre ce veto et j'ai mis le veto sur l'ensemble des lois - il y en a eu plusieurs - qui allaient à l'encontre des recommandations européennes, et c'est un geste hautement symbolique qui tient compte de la volonté de la population géorgienne. La réponse au fait que le veto sera sûrement outrepassé par un Parlement, qui a le nombre de voix qui est nécessaire, sera dans les urnes en octobre.

Ce sont les élections qui vont déterminer la perspective européenne et le choix européen, et il est clair que le gouvernement de coalition qui sortira des élections, si la population confirme son choix européen, est un gouvernement qui rejettera l'ensemble de ces lois qui ne sont pas des lois européennes.

Je crois et je pense et je suis persuadée que les autorités européennes, et elles l'ont dit à plusieurs reprises, attendent les élections, le déroulement des élections et le résultat des élections pour savoir ce que veut la Géorgie. Et c'est ça qui conditionnera [leurs] réactions, et rien entre-temps ne va déterminer des changements brutaux de la position européenne.

On appelle cette loi, « la loi russe ». Quand on parle de l'influence russe ici, en Géorgie, qu’est-ce que cela veut dire ?

Cette loi russe ne correspond à aucun besoin. Le fonctionnement et le financement des organisations non gouvernementales ou des organisations internationales qui aident la Géorgie depuis son indépendance, tout cela était [déjà] très transparent. Il n'y a aucun besoin de cette loi.

Si cela sert les intérêts de quelqu'un, ce sont ceux de Moscou parce que ça distancie la Géorgie de l'Union européenne, ce qui est une des ambitions de la politique russe depuis toujours et réactivée aujourd'hui. Donc ça, c'est un signe de l'influence russe. La loi sur les offshores transformée ici [une loi fiscale qui permettrait le contournement des sanctions occidentales, NDLR] qui sert les intérêts des oligarques russes, possiblement sanctionnables ou déjà sanctionnés, est également une marque de l'influence russe ainsi que la propagande sur les lois LGBT… Enfin, tout ce que l'on connaît de la propagande russe en Russie et que l'on retrouve en action ici.

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