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Le grand invité Afrique

Règne d'Elizabeth II: «elle a embrassé la cause anti-apartheid»

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La reine Elizabeth II, décédée le 8 septembre à l'âge de 96 ans en Écosse, sera inhumée ce lundi 19 septembre 2022 à Windsor. La souveraine s'est parfois engagée, notamment au sein du Commonwealth, la grande organisation intergouvernementale composée de 56 États membres, dont 21 Africains, presque tous d'anciens territoires de l'Empire britannique. La reine s'est notamment opposée à la ségrégation raciale, appliquée en Rhodésie du Sud et en Afrique du Sud avec l'apartheid. Pour en parler, Virginie Roiron, maîtresse de conférences à Sciences Po Strasbourg.

Le 16 octobre 1985, la reine Elizabeth II se trouve aux côtés des chefs d'États des pays du Commonwealth pour le sommet officiel à Nassau au Bahamas.
Le 16 octobre 1985, la reine Elizabeth II se trouve aux côtés des chefs d'États des pays du Commonwealth pour le sommet officiel à Nassau au Bahamas. AP - Dave Caulkin
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RFI : Quel rôle la reine a-t-elle joué dans la lutte contre la ségrégation et notamment au sein du Commonwealth ?

Virginie Roiron : Elle a joué un rôle que beaucoup maintenant estiment assez crucial. Dans son souci de garder le Commonwealth uni, elle a embrassé la cause anti-apartheid, donc de la lutte contre ces régimes, ces derniers vestiges du colonialisme, que ce soit la Rhodésie du Sud ou l’Afrique du Sud.

Une étape importante a été notamment le sommet du Commonwealth de 1979 en Zambie, où on a vu une opposition entre la reine Elizabeth et sa Première ministre Margaret Thatcher sur le dossier de la Rhodésie du Sud, le futur Zimbabwe, qui appliquait la ségrégation…

C’était une zone qui était peu sûre puisqu’il y avait des combats, notamment puisque la Zambie accueillait les mouvements de lutte contre le régime rhodésien et les soutenait, etc. Le gouvernement Thatcher était très opposé au fait que la reine se déplace. Mais la reine a résisté et y est allée pour ouvrir cette conférence qui s’annonçait cruciale dans le destin de la Rhodésie du Sud, qui est ensuite devenue le Zimbabwe.

On sait que la reine n’a pas à exprimer ses opinions politiques. Est-ce qu’on sait ce qu’elle pensait de ces régimes ségrégationnistes et de ces apartheids ?

On ne peut pas le savoir réellement. Ce qu’on sait, c’est ce qu’elle a fait. Elle a voulu être présente à ce sommet pour symboliser le soutien du chef du Commonwealth à ce qui était en train de se passer, à la volonté d’amener tout le monde à la table des négociations et de résoudre le problème de l’indépendance du futur Zimbabwe. Son souci premier à elle, c’était de maintenir l’unité du Commonwealth. Maintenir l’unité du Commonwealth, c’était aller dans le sens de ce que la majorité des membres souhaitaient, à savoir mettre un terme à ces régimes qui étaient des vestiges du colonialisme.

►À écouter aussi : Invité Afrique - Décès d'Elizabeth II : « De nombreux territoires africains ont eu des réactions contrastées »

D’ailleurs, cette opposition entre Margaret Thatcher et la reine Elizabeth a continué et a même empiré sur le dossier sud-africain. Quelle était la situation du Commonwealth sur cette affaire et les actions menées par la reine ?

Là, on a eu une opposition sur le fond. Le gouvernement Thatcher était contre l’apartheid, mais n’était pas d’accord avec les sanctions économiques. Or, le Commonwealth entendait imposer des sanctions économiques. On a eu une très grosse tension, des menaces de quitter le Commonwealth de la part d’un certain nombre d’États, le boycott des jeux du Commonwealth de 1986 par 32 États. Des articles sont sortis dans la presse sur les tensions entre Downing Street et le palais. Il y avait vraisemblablement une intention de montrer que la reine, chef du Commonwealth, était au-dessus de la mêlée et que les décisions du gouvernement britannique n’étaient en aucun cas des décisions qu’elle cautionnait. Et en tant que chef du Commonwealth, la reine a fait ce qui était dans ses possibilités, on va dire, pour faire passer le message. Elle était surtout inquiète pour l’unité du Commonwealth avec les menaces de boycott et de quitter le Commonwealth d’un certain nombre d’États.

Vous pensez, comme l’a dit le président zambien Kenneth Kaunda, que la reine a quelque part sauvé le Commonwealth de l’explosion dans ces années-là ?

D’une certaine manière, oui. Elle a montré que, en tant que chef du Commonwealth, elle n’était pas le gouvernement britannique et qu’elle était capable d’avoir des positions qui pouvaient être à l’opposé de ce que le gouvernement considérait comme étant l’intérêt du Royaume-Uni. La reine a aussi évité une division du Commonwealth sur un plan racial, c’est-à-dire les Blancs d’un côté et les autres de l’autre.

Et sur ces positions de la reine Elizabeth, il y a quand même eu son refus de se rendre en Rhodésie du Sud et en Afrique du Sud où elle n’est pas allée pendant plus de 40 ans…

On a cette figure de la reine qui n’est jamais allée en Afrique du Sud surtout, et qui n’y est retournée qu’en 1995, qui en 1991, au sommet de Harare [Zimbabwe], quand Nelson Mandela est arrivé, il n’était pas prévu au banquet qu’elle donnait, elle a demandé qu’on lui fasse une place à côté d’elle. Certes, elle était dans son rôle, mais elle a incarné ce rôle et, par des petits gestes effectivement, elle a montré son engagement dans la lutte contre les discriminations et pour l’égalité. Mais elle l’a fait aussi parce qu’elle était chef du Commonwealth, garante de l’unité du Commonwealth.

►À lire aussi : Elizabeth II, témoin privilégié de la fin de l'empire britannique et des indépendances africaines

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