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Grand reportage

En Autriche, les victimes oubliées du château de Hartheim

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Durant la Seconde Guerre mondiale, le château de Hartheim fut l’un des centres de mise à mort de l’opération d’euthanasie forcée des personnes souffrant de maladies psychiques ou de handicaps physiques et mentaux, mise en œuvre par le régime nazi. Entre 1940 et 1944, 30 000 personnes y furent assassinées. Des victimes longtemps restées dans l’oubli.

« Les photos sont tirées du rapport d'enquête américain de 1945. Elles ont été prises par les auteurs des crimes à l'époque du centre de mise à mort. »
« Les photos sont tirées du rapport d'enquête américain de 1945. Elles ont été prises par les auteurs des crimes à l'époque du centre de mise à mort. » © NARA/centre de documentation Hartheim
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« Ce que vous voyez là, c’est le mur d’origine », désigne Walter Brezina, 86 ans, devant le château de Hartheim. « C’est à cet endroit qu’on faisait descendre les personnes du bus, elles devaient ensuite se déshabiller et entrer dans la soi-disant salle de douche, où elles étaient gazées. 30 000 personnes ont été assassinées ici, une folie ! »

Comme chaque année, Walter a fait le voyage depuis Vienne avec ses deux enfants, Norbert et Brigitte, pour rendre hommage à sa mère, Marie, qui fut gazée à Hartheim le 15 juillet 1940, à l’âge de 32 ans. « Ici, c'est le seul lieu où je sais qu’elle a vraiment été, alors c’est important pour moi de venir. C’est lui rendre justice », explique Walter. En 1937, Marie Brezina a tenté de se jeter par la fenêtre. C’est ce geste de désespoir qui la conduira dans un asile viennois, puis à la mort, au château de Hartheim. Elle fut l’une des nombreuses victimes du programme « Aktion T4 » mis en place par les nazis dès 1939, qui visait à « euthanasier » – selon la terminologie national-socialiste – les handicapés physiques et mentaux, des personnes considérées comme inutiles par les nazis.

L'historien me précise : « Les photos sont tirées du rapport d'enquête américain de 1945. Elles ont été prises par les auteurs des crimes à l'époque du centre de mise à mort. »
L'historien me précise : « Les photos sont tirées du rapport d'enquête américain de 1945. Elles ont été prises par les auteurs des crimes à l'époque du centre de mise à mort. » © NARA/centre de documentation Hartheim

Un tournant dans la Seconde Guerre mondiale

Hartheim eut un rôle essentiel dans l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. Par l’ampleur du nombre de victimes d’abord : « le château de Hartheim a été l'établissement du programme "Aktion T4" qui a fonctionné le plus longtemps et enregistré le plus grand nombre de victimes », explique Florian Schwanninger, historien au mémorial de Hartheim depuis 2005. Certes, en 1941, face aux protestations de l’Église et d’une partie de la population, le programme « Aktion T4 » est stoppé, mais les meurtres, eux, ont continué : « les meurtres se sont déplacés. Les personnes souffrant de maladies psychiques et de handicaps ont été assassinées dans les établissements où elles se trouvaient à l'aide de médicaments. Elles ont également été victimes de la faim. (...) Ces personnes n'ont donc plus été assassinées à Hartheim à partir de 1941, mais les nazis ont trouvé un nouveau groupe cible : les détenus des camps de concentration, souvent des détenus malades ou invalides. » Ainsi, entre 1940 et 1941, 18 000 personnes souffrant de maladies psychiques ou de handicaps ont été gazées à Hartheim et entre 1941 et 1944, 12 000 autres, des détenus de camps pour la plupart, soit 30 000 personnes en tout.

Outre l’ampleur du nombre de victimes, c’est la méthode avec laquelle elles ont été assassinées qui fait de Hartheim un tournant dans la Seconde Guerre mondiale. « C’est la première fois dans l'histoire de l'humanité que des personnes sont assassinées dans des chambres à gaz sur une base quasi-industrielle », explique Herwig Czech, historien à l’Université de médecine de Vienne. « ‘L’Aktion T4’ est en fait le moment où cette méthode d'assassinat est développée : non seulement l’utilisation de chambres à gaz, mais aussi ce processus de dissimulation avec un examen soi-disant médical et des salles de douche. Cette méthode sera ensuite mise en œuvre à une plus grande échelle, à partir de 1941, dans la Pologne occupée, dans les camps d'extermination de Treblinka, Sobibor et de Belzec. »

L'historien me précise : « Les photos sont tirées du rapport d'enquête américain de 1945. Elles ont été prises par les auteurs des crimes à l'époque du centre de mise à mort. »
L'historien me précise : « Les photos sont tirées du rapport d'enquête américain de 1945. Elles ont été prises par les auteurs des crimes à l'époque du centre de mise à mort. » © NARA/centre de documentation Hartheim

Interroger le rôle de la médecine

Une étude, publiée le 9 novembre 2023 dans la revue scientifique britannique The Lancet, pointait le « rôle central » joué par le corps médical dans les crimes des nazis. Selon l’étude, les programmes eugénistes, d'euthanasie et les « expériences humaines brutales » mis en œuvre dans un cadre médical ont fait au moins 230 000 morts, parmi les handicapés, les patients juifs et les déportés. À Hartheim, c’était en effet deux médecins qui encadraient ce programme d’euthanasie forcée. C’est aussi cet aspect qu’il ne faut pas oublier selon Herwig Czech : « Hartheim est un sujet important parce qu'il permet d'apprendre beaucoup de choses sur certains dangers inhérents à la médecine et en particulier sur les dangers liés au fait d’opposer certains groupes de la société à d’autres en fonction de leur prétendue valeur biologique ou sociale. »

En 2003, le château de Hartheim est devenu un mémorial ainsi qu’un lieu d’apprentissage et de mémoire, que l’on peut visiter. L’exposition permanente, intitulée « Valeur de la vie », interroge notre perception de la « normalité », dans le passé mais aussi aujourd’hui : « il est important de ne pas considérer cette période du national-socialisme comme détachée et dissociée du reste de l'histoire », avance Irene Zauner-Leitner, qui travaille au mémorial de Hartheim. « Cela faciliterait les choses pour nous aujourd'hui, car nous pourrions alors dire : ‘c'était avant, cela n'a plus rien à voir avec nous’. Mais ce n'est pas le cas. C'est pourquoi il est très important de regarder ce qui s'est passé et de se demander quelles sont les continuités au cours de l'histoire. »

Comme un symbole, divers objets et effets personnels des victimes de Hartheim ont été découverts par hasard lors de fouilles aux abords du château en 2001 et 2002. L’endroit est depuis devenu un cimetière, un lieu où chacun peut venir se recueillir et rendre hommage à ces 30 000 vies arrachées.

L'historien me précise : « Les photos sont tirées du rapport d'enquête américain de 1945. Elles ont été prises par les auteurs des crimes à l'époque du centre de mise à mort. »
L'historien me précise : « Les photos sont tirées du rapport d'enquête américain de 1945. Elles ont été prises par les auteurs des crimes à l'époque du centre de mise à mort. » © NARA/centre de documentation Hartheim

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