Accéder au contenu principal
Européen de la semaine

André Ventura, nouveau champion de l’extrême-droite européenne

Publié le :

Il a créé la surprise au Portugal en raflant 18% des voix et une cinquantaine de sièges de députés lors des élections législatives anticipées du 10 mars. André Ventura, fondateur du parti Chega, est devenu l’un de nouveau champions de l’extrême-droite européenne aux côtés de Marine le Pen en France, de Georgia Meloni en Italie ou de Viktor Orban en Hongrie.

André Ventura, lors de l'annonce des résultats des élections législatives anticipées du 10 mars 2024.
André Ventura, lors de l'annonce des résultats des élections législatives anticipées du 10 mars 2024. © Joao Henriques / AP
Publicité

Les sondages prédisaient certes une percée de l’extrême droite portugaise, mais le résultat est tout de même spectaculaire pour un parti qui ne comptait qu’un seul député en 2019. Une percée qui est sans doute l’œuvre d’un seul homme : André Ventura, 41 ans, un juriste de formation dont le parcours, pour le moins étonnant, pourrait d’une certaine façon rappeler celui de Donald Trump… Car, comme l’ancien président américain, c’est grâce à la télévision qu’il s’est fait connaître du grand public.

« Il a fait des études de droit et il a même fait une thèse qui est aux antipodes des idées qu’il défend maintenant », détaille Victor Pereira, historien et chercheur à l’Institut d’histoire contemporaine de l’Université nouvelle de Lisbonne. « Il a ensuite commencé une carrière de commentateur à la télévision dans des émissions qui traitent de crimes puis il s’est fait un nom dans une émission qui commente non pas tant les matchs de football que les résultats et les différentes affaires qui entourent le milieu sportif. »Les débuts en politique d’André Ventura sont difficiles : en 2017, il se présente aux élections municipales dans la banlieue de Lisbonne sous l’étiquette PSD (centre droit), mais il est battu. « Il marque cependant les esprits avec des petites phrases sur la communauté tsigane », explique Victor Pereira, « et il se fait connaître comme cela, avec des propos xénophobes. »

À lire aussiLégislatives au Portugal: avec André Ventura, l’extrême droite revient sur le devant de la scène politique

Un succès auprès des jeunes

Des phrases percutantes, polémiques, un bagout médiatique et un talent certain pour utiliser les réseaux sociaux : André Ventura cartonne auprès des jeunes, avec des thèmes qui le placent très vite dans le camp des populistes d’extrême droite.

« Il insiste sur la défense des valeurs chrétiennes, sur la lutte contre la corruption, contre le “wokisme”, ce type de panique morale qu’il essaye de susciter », note Victor Pereira. « À l’étranger, notamment dans les grands rassemblements d’extrême droite, il s’aligne sur les idées de “grand remplacement”, sur les idées d’invasion et donc il s’aligne sur l’extrême droite populiste. Sur la politique économique, il est sûr des solutions plutôt libérales et il ne se pose pas en défenseur des travailleurs et de l’État-providence, à la différence du Rassemblement national en France. Il est encore sur un modèle assez libéral, mais son programme est souvent assez confus et répond surtout assez démagogiquement aux différentes inquiétudes des Portugais. »

À lire aussiLégislatives au Portugal: la percée de l’extrême droite « est un vote de protestation contre les élites »

La fin de « l’exception portugaise »

En 2019, il quitte le PSD et fonde Chega (« Ça suffit ! », en portugais). Il n’obtient qu’un siège aux élections législatives (qu’il occupe lui-même), mais va profiter pleinement des scandales de corruption qui vont toucher le gouvernement socialiste. Surtout, il parvient à mettre fin à ce que l’on a appelé « l’exception portugaise », à savoir la faiblesse de l’extrême droite dans un pays très marqué par la Révolution des œillets (dont on fêtera le cinquantenaire le 25 avril prochain), et où la figure de Salazar a longtemps joué un rôle de repoussoir.

Mais, au début des années 2020, deux choses vont faciliter l’ascension fulgurante de Chega : d’une part, le renouvellement des générations et la mémoire déclinante de la dictature ; d’autre part, la vague populiste qui submerge les démocraties occidentales. « Il s’est engouffré dans une brèche européenne et mondiale », décrypte Yves Léonard, enseignant à Sciences-Po Paris et spécialiste du Portugal, « reprenant un certain nombre de thèmes utilisés par d’autres leaders comparables tels que Matteo Salvini en Italie, Viktor Orban en Hongrie, Jair Bolsonaro au Brésil, Donald Trump aux États-Unis… Il y a eu au Portugal une banalisation de certaines thématiques que Chega a dédiabolisées. »

Prêt à gouverner en coalition avec le centre droit

Le 10 mars dernier, profitant du recul socialiste (passé de 42 % en 2022 à 28 % des voix) et du score maigrelet du PSD (29 % des voix), Chega devient la troisième force politique du pays, avec 18 % des suffrages et 48 sièges. André Ventura se dit aussitôt prêt à gouverner en coalition avec le centre droit, ou à l’issue d’un nouveau scrutin.« La stratégie de Ventura consiste à respecter certains fondamentaux comme la lutte anti-corruption, l’immigration zéro, la xénophobie », pointe Yves Léonard, « mais aussi à s’affirmer comme un parti de gouvernement attrape-tout, ce qui permet de picorer des thèmes et à siphonner des électorats de partis concurrents. C’est une stratégie que Ventura a beaucoup observée chez Giorgia Meloni, en Italie, ou chez Viktor Orban, en Hongrie. Et là, sur un point de départ qui offre des analogies, il peut s’en inspirer et espérer s’imposer dans un délai relativement court. »

Pour l’heure, le chef de file de la droite traditionnelle portugaise, Luis Montenegro, a refusé de s’allier à Ventura : « non, c’est non ! » a répété durant toute la campagne le dirigeant du PSD. Mais son résultat mitigé à l’issue du scrutin du 10 mars ne lui laisse que très peu de marge de manœuvre, et d’autre solution que de tenter de former un gouvernement minoritaire. De nouvelles élections ne sont donc pas à exclure, ce qui donnera certainement l’occasion à André Ventura de poursuivre son irrésistible ascension. En attendant, Chega s’est déjà fixé comme objectif d’envoyer le plus d’élus possible au Parlement européen à l’occasion des élections du 9 juin. 

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Voir les autres épisodes
Page non trouvée

Le contenu auquel vous tentez d'accéder n'existe pas ou n'est plus disponible.