Accéder au contenu principal
Aujourd'hui l'économie

La guerre en Ukraine relance la course à la production des isotopes

Publié le :

Le Congrès américain a profité du déblocage d’une enveloppe de 60 milliards de dollars à destination de l’Ukraine pour financer la relance de la production d’isotopes aux États-Unis. Ces produits de l’industrie nucléaire sont essentiels à de nombreux secteurs, de l’énergie à la recherche scientifique en passant par la production de médicaments et la médecine. Un marché aujourd’hui largement dominé par la Russie.

Le président russe Vladimir Poutine (gauche), le directeur général de Rosatom, Alexey Likhachev (centre) et le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique, Rafael Mariano Grossi (droite) assistent à une réunion à Sotchi, en Russie, le 6 mars 2024.
Le président russe Vladimir Poutine (gauche), le directeur général de Rosatom, Alexey Likhachev (centre) et le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique, Rafael Mariano Grossi (droite) assistent à une réunion à Sotchi, en Russie, le 6 mars 2024. © AP - Ramil Sitdikov
Publicité

Le vote, après plus d’un an et demi de tergiversations entre démocrates et républicains, d’un vaste plan d’aide des États-Unis à l’effort de guerre ukrainien a été beaucoup commenté cette semaine, mais une ligne du texte est largement passée inaperçue et a pourtant de quoi intriguer. Entre une dotation de 14 milliards pour fournir à l’Ukraine des armes et des munitions, et une autre de 9 milliards pour permettre le fonctionnement des institutions à Kiev, le texte voté successivement par la Chambre des représentants et le Sénat prévoit d’augmenter le budget du ministère de l’Énergie de 98 millions de dollars afin qu’il investisse « pour le développement de la production d’isotopes » sur le territoire américain. 

Le rapport avec l’Ukraine ne saute pas immédiatement aux yeux. Un premier indice : juste après cette ligne sur les isotopes, on trouve le déblocage de 150 millions de dollars pour préparer l’Ukraine à la perspective d’une attaque nucléaire sur son sol. Les isotopes ce sont des atomes avec des propriétés bien particulières, ils peuvent être stables ou radioactifs. Un exemple très connu : le carbone 14, utilisé en archéologie pour dater des objets ou des squelettes très anciens, est un isotope. Les isotopes existent à l’état naturel, mais ils peuvent aussi être créés de manière artificielle à l’aide d’accélérateurs de particules ou de centrales nucléaires. Ils servent dans l’industrie, dans l’énergie, pour la recherche scientifique, dans la production de médicaments, en médecine nucléaire. Ils sont notamment indispensables en imagerie médicale, pour diagnostiquer certains cancers par exemple. Il a même été question dans les années 1960 d’utiliser les isotopes pour relancer la production agricole en Afrique de l’Ouest.

La Russie, acteur incontournable de la filière des isotopes

Mais pourquoi inclure cette disposition sur les isotopes dans le paquet d’aide à l’Ukraine ? En vérité, le Congrès américain n’a pas adopté une enveloppe de 60 milliards pour l’Ukraine, c’est un raccourci, mais une extension du budget des États-Unis « dans le contexte de la situation en Ukraine ». Ce qui ne veut pas dire que l’essentiel de cette somme ne servira pas à fournir directement ou indirectement à Kiev les munitions et les ressources dont elle a besoin, après tout le budget consacré aux isotopes représente à peine un millième de l’enveloppe totale.  

À lire aussiGreenpeace accuse la France d'être «sous emprise» russe sur le dossier nucléaire

Mais la Russie domine aujourd’hui la chaîne de production des isotopes et des radioisotopes. Pour certains isotopes, elle est même le seul fournisseur au monde. L’invasion à grande échelle de l’Ukraine, deux ans après une première alerte liée à la pandémie de Covid-19, a fait prendre conscience aux Américains de leur dépendance vis-à-vis de Moscou sur ces produits sensibles et qui nécessitent d’être souvent remplacés. D’où cette ligne budgétaire au premier abord incongrue au milieu d’une liste de dépenses militaires.

L’industrie nucléaire russe échappe encore aux sanctions occidentales

La Russie, à travers Rosatom, le géant national du nucléaire, a continué – et continue encore – d’investir dans la production des isotopes, alors même que les vieux réacteurs européens, australien, sud-africain et canadien qui les produisaient déclinaient. Cette situation accentue encore la dépendance des Européens et des États-Unis vis-à-vis de Rosatom. Non seulement le géant nucléaire russe continue d’alimenter de 25 à 30% des centrales nucléaires européennes en uranium enrichi, mais Rosatom – et donc le gouvernement russe par extension – contrôle aussi les réacteurs de recherche qui produisent ces radio-isotopes.

Cette double dépendance explique que Rosatom échappe encore aux sanctions occidentales décidées après février 2022. Pour les États-Unis, il s’agit d’un enjeu de sécurité nationale. Fort de ce soutien public, des entreprises privées ont déjà entrepris de relocaliser une partie de la production. Mais il faudra du temps, on ne relance pas un processus industriel nucléaire d’un claquement de doigts. Les spécialistes prédisent que cette dépendance pourrait durer au moins jusqu’à 2032.

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Voir les autres épisodes
Page non trouvée

Le contenu auquel vous tentez d'accéder n'existe pas ou n'est plus disponible.