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Indonésie: Prabowo Subianto, le défi de la diplomatie

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Malgré son passé de criminel de guerre, l’ancien patron des forces spéciales indonésiennes est donné gagnant au premier tour de la présidentielle. Sauf surprise, il devrait s’en tenir au non-alignement cultivé par l’Indonésie depuis les années 1950, mais saura-t-il mettre en sourdine ses sorties-choc en matière de politique étrangère ?

Le ministre indonésien de la Défense et principal candidat à la présidence, Prabowo Subianto, prononce son discours alors que son colistier Gibran Rakabuming Raka, fils aîné du président indonésien Joko Widodo et actuel maire de Surakarta, se tient lors d'un événement montrant le décompte rapide des résultats des élections générales à Jakarta. , Indonésie, 14 février 2024.
Le ministre indonésien de la Défense et principal candidat à la présidence, Prabowo Subianto, prononce son discours alors que son colistier Gibran Rakabuming Raka, fils aîné du président indonésien Joko Widodo et actuel maire de Surakarta, se tient lors d'un événement montrant le décompte rapide des résultats des élections générales à Jakarta. , Indonésie, 14 février 2024. REUTERS - WILLY KURNIAWAN
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Le logiciel diplomatique de Prabowo Subianto, c’est le neutralisme historique de l’Indonésie, proclamé lors de la conférence de Bandung en 1955. Héritage de la guerre froide, on ne fait campagne ni pour un camp, ni pour un autre : ni pour Washington, ni pour Pékin. Prabowo l’a résumé d’une phrase pendant sa campagne, l’Indonésie « veut de bonnes relations avec tout le monde », dans la continuité du président sortant.

Sur le dossier chaud de l’agressivité chinoise, qui préoccupe l’ensemble des pays d’Asie du sud-est, il a soufflé le chaud et le froid. Quand l'actuel gouvernement indonésien est allé chercher des financements chinois pour construire une ligne de train à grande vitesse, la première de l'histoire de l'Indonésie, Prabowo a lâché quelques piques plutôt démago pour cultiver son étiquette nationaliste.

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Mais il a aussi parlé à plusieurs reprises de la Chine comme d'une « grande civilisation » et loué son développement économique fulgurant, laissant entendre qu’il se verrait bien en Deng Xiaoping indonésien, d’après le président chinois qui a ancré Pékin dans l'économie de marché.

Sur le papier, les États-Unis n’ont pas, à ce stade, de raison de s’inquiéter. Car si l’on jette un œil à la manière dont Prabowo a engagé depuis 4 ans, en tant que ministre de la Défense, la modernisation de l’armée indonésienne, on constate qu’il a tiré dans toutes les directions et fait ses emplettes un peu partout. L’Indonésie a signé pour 42 avions Rafale français et 24 chasseurs F-15 américains, commandé six frégates européennes FREMM et fait affaire avec la Turquie pour des livraisons de drones, de missiles et de simulateurs de vol. Soit la démonstration par A+B que les Indonésiens ne veulent surtout pas dépendre d’un seul partenaire. Prabowo a d’ailleurs rappelé son attachement au multilatéralisme incarné par l’ASEAN, l’Association des nations d’Asie du sud-est, bloc régional dont Jakarta a assuré la présidence tournante en 2023.

Reste à prendre de bonnes résolutions et à stopper les petites phrases assassines, comme celle claque anti-Bruxelles assénée il y a quelques mois, « l’Indonésie n’a plus besoin de l’Europe », une punchline visant le nouveau règlement européen anti-déforestation, qui menace les exportations indonésiennes d’huile de palme, de cacao, de thé ou de café.

Plus grave, ce plan de paix pour l’Ukraine sorti de nulle part et mis sur la table lors d’un discours à Singapour par un Prabowo alors simple ministre de la Défense. Il y invoquait l’organisation de référendums dans les zones envahies par la Russie, afin de déterminer qui de Kiev ou de Moscou serait le mieux placé pour y rester.

Ce scénario, imaginé sans concertation avec les diplomates indonésiens, a rendu fou Oleksiy Reznikov, l’ex-ministre ukrainien des Armées, qui l’a dézingué quelques minutes plus tard à la tribune. « Je vais essayer d’être poli, a taclé Reznikov, on dirait un plan de paix russe, pas un plan indonésien. On n’a pas besoin de ce genre de médiateurs ni de leurs solutions étranges ».

Avant de se lancer, Prabowo n’avait consulté ni le président en exercice, ni le ministère des Affaires étrangères, qui a dû réaffirmer la position officielle de l’Indonésie et renvoyer vers « l’initiative isolée » du candidat à la présidentielle. On verra très vite si le nouveau patron de l’Indonésie continue d’improviser ou s’il estime, comme c’est écrit dans la Constitution indonésienne, que l’État « doit contribuer à l’instauration d’une paix durable dans le monde ».

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