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Turquie / Etats-Unis

Ankara-Washington, une alliance à l’épreuve du conflit syrien

C'est une visite pour le moins délicate qu'effectue aux Etats-Unis Recep Tayyip Erdogan à l’occasion du Sommet sur la sécurité nucléaire qui aura lieu ce jeudi 31 mars. En déplacement officiel pour la première fois depuis 2013 à Washington, le président turc devrait recevoir un accueil bien peu chaleureux de la part de l’administration américaine. Entre Washington et Ankara les sujets de contentieux se sont en effet multipliés au cours des dernières années. Avec au cœur de ces tensions, une divergence stratégique majeure : l’attitude à adopter face au PYD, le mouvement kurde de Syrie.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan avait rencontré son homologue américain, en 2013. Il n'aura pas de tête-à-tête cette fois-ci.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan avait rencontré son homologue américain, en 2013. Il n'aura pas de tête-à-tête cette fois-ci. REUTERS/Kevin Lamarque
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La Turquie a beau être l'un des principaux alliés des Etats Unis au Proche- Orient, les deux pays ont bien du mal en ce moment à accorder leurs violons. En témoigne la froideur de l’accueil réservé par Barack Obama au président turc, à l’occasion de sa venue aux Etats-Unis. Seules des discussions « informelles » auront lieu entre le président américain et son homologue turc, en marge du Sommet sur la sécurité nucléaire – alors que la Turquie souhaitait obtenir un entretien bilatéral sous une forme plus officielle.

 

« Barack Obama et Recep Tayyip Erdogan s’entendaient très bien au début du mandat du président américain et puis la relation a commencé à se dégrader sérieusement dans le courant de l’année 2013, explique Dorothée Schmid, spécialiste de la Turquie à l’Institut français des relations internationales (Ifri). La Maison Blanche a été assez critique de la répression exercée contre les grandes manifestations du parc Gezi au printemps 2013. Il y a eu ensuite la brouille entre le président turc et l’imam Fetullah Gülen, cet ancien allié d’Erdogan, devenu son pire ennemi. » Le refus des Etats-Unis d’extrader l’imam vers la Turquie, malgré les demandes incessantes d’Ankara, n’a cessé, depuis ce jour, d’empoisonner les relations entre les deux pays.

Autre motif de crispation, les nombreux reproches formulés par Washington à l’encontre d’Ankara dans le domaine des droits de l’homme. « Traditionnellement, en plusieurs décennies de relations d’intérêt mutuel depuis l’intégration de la Turquie dans l’Otan en 1952, les Etats-Unis ont toujours été très prudents pour se prononcer sur l’évolution du régime, rappelle Dorothée Schmid. Or, depuis quelques années, Washington se montre beaucoup plus ferme dans la dénonciation des errances attribuées au gouvernement turc : [les Etats-Unis] s’inquiètent de la situation de la presse et ne sont pas à l’aise avec les affaires de corruption. Toutes ces affaires qui traînent dans les coins sont très mauvaises pour l’image de la Turquie et n’amènent certainement rien de positif dans la relation entre les deux pays », conclut la directrice du programme « Turquie contemporaine » au sein de l’Ifri.

Divergences stratégiques

A ces difficultés liées à la politique intérieure de la Turquie sont venues s’ajouter, avec l’émergence de l’organisation Etat islamique (EI), des divergences stratégiques profondes sur la conduite à tenir en Syrie. Washington a d’abord reproché à son allié turc son absence de réaction face à la montée en puissance de l’organisation jihadiste.

La Turquie a été accusée, dans un premier temps, de fermer les yeux sur le passage des armes et des combattants venus grossir les rangs de l’EI. Puis de rester inactive durant le siège de Kobané, à l’hiver 2014-2015, lorsque les combattants du groupe Etat islamique menaçaient de s’emparer de cette localité kurde située à quelques encablures de la frontière turque. Les attentats meurtriers qui ont ensanglanté la Turquie à l’été 2015 ont finalement permis d’aplanir ce différend, Ankara ayant décidé de traquer sur son territoire les cellules formées par l’organisation jihadiste.

Mais un autre point de désaccord est alors survenu entre les deux pays : l’attitude à adopter vis-à-vis des Kurdes de Syrie. « Ankara reproche à Washington ses liens avec le PYD, le principal mouvement kurde syrien, et avec sa branche armée, décrypte Jean Marcou, spécialiste de la Turquie à l’Institut d’études politiques de Grenoble. Ce mouvement est considéré par Ankara comme une mouvance terroriste directement liée au PKK turc. Or, les Etats-Unis ont décidé de ne pas envoyer de troupes sur le terrain, et ont de fait décidé de faire du PYD leur bras armé anti-Daech en Syrie, ce qui n’a pas manqué de susciter la colère d’Ankara. »

Cette divergence a éclaté au grand jour en février dernier, lorsque la Turquie a décidé de pilonner, depuis sa frontière, les positions du PYD au nord d’Alep. Ces tirs d’artillerie auront ouvert une brèche sans précédent dans l’alliance conclue entre les deux pays depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, puisque la Turquie, pays membre de l’Otan, s’en prenait directement à un mouvement considéré comme un allié indispensable des Etats-Unis dans la lutte contre le terrorisme. La trêve conclue le 27 février dernier sous l’égide de Moscou et de Washington aura mis un terme, au moins provisoirement, à cette situation pour le moins inconfortable entre les deux alliés. Mais la divergence demeure, et elle constitue un motif de tension très vif entre les deux pays.

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