Accéder au contenu principal
France / Irak

De Kévin à Abou Maryam: parcours d’un délinquant devenu kamikaze

Vendredi, près de la ville de Haditha dans l'ouest de l'Irak, deux kamikazes ont lancé des camions plein d'explosifs sur des installations de l'armée irakienne et des milices qui combattent à ses côtés. Une double attaque-suicide menée par deux jihadistes français et revendiquée par l’organisation Etat islamique.

Le Français Kévin Chassin, alias Abou Maryam, auteur d'un attentat-suicide dans l'ouest de l'Irak le 22 mai 2015.
Le Français Kévin Chassin, alias Abou Maryam, auteur d'un attentat-suicide dans l'ouest de l'Irak le 22 mai 2015. AFP PHOTO / HO / WELAYAT Al-FARAT
Publicité

Cela faisait deux ans que ceux qui répondaient aux noms d’Abou Abdoul Aziz al Faransi et d’Abou Maryam al Faransi se trouvaient au Levant. Al Faransi, en arabe, signifie le Français. Leurs nouveaux patronymes marquaient donc, comme souvent pour les jihadistes, leur origine géographique. Même si dans le cas d’Abou Maryam, la rupture avec son pays avait été consommée face à la caméra.

En novembre dernier, celui qui répondait avant au prénom de Kévin était apparu dans une vidéo publiée par l'organisation de l'Etat islamique. Une vidéo de propagande diffusée alors qu'en France, plusieurs responsables politiques réclamaient la déchéance de nationalité pour ceux qui vont gonfler les rangs des groupes terroristes. Comme en réponse à ce débat, trois jeunes gens - parmi lesquels le futur kamikaze - apparaissaient à visage découvert devant la caméra et brûlaient des papiers d'identité français. Des documents délivrés par des « koufars », c'est-à-dire des mécréants, disaient-ils pour justifier leur geste. La seule autorité qu'ils affirmaient reconnaître était celle du califat instauré sur les terres contrôlées par leur groupe. Et ils appelaient tous les musulmans à les rejoindre.

« Des têtes vont tomber »

Une vidéo sans meurtre celle-ci. Ce que semblait regretter Abou Maryam. Le jeune homme avait pleinement embrassé l’idéologie de l’EI et la violence à laquelle il s’est trouvé confronté ne l’effrayait pas. Au contraire. Dans un SMS envoyé à son frère Brice, Kévin écrivait qu'il n'avait pas eu « la chance » d'égorger quelqu'un. Sur son profil Facebook, il avait également publié une photo de lui tenant une tête décapitée. D’après Brice, il ne serait pas l'auteur de cette mutilation mais il avait posé pour cette photo à qui il a donné cette légende : « des têtes vont tomber ».

De la Syrie où il est resté jusqu’en mars dernier puis de l’Irak, Kévin n’a jamais perdu le contact avec son petit frère. Il lui écrivait « tous les jours » assure Brice, son cadet de quatre ans qui précise même à l'Agence France Presse qu'ils se parlaient plus depuis le départ de Kévin en Syrie qu'auparavant. Les deux garçons ont grandi séparés : Kévin avait été placé en famille d'accueil dès l'âge de 3 ans.

« Je t’aime. Bisous »

Dans ces échanges, Kévin racontait sa vie sur place. Il lui parlait de l'opulence dans laquelle il vivait: la grande maison dans laquelle il était hébergé en Syrie, son séjour - payé, à l'en croire, par l'EI - dans un hôtel de luxe à Mossoul quelques jours avant de mourir... Il le tenait au courant de sa vie personnelle, lui envoyant ainsi une photo de sa deuxième épouse entièrement voilée, comme de ses combats. Kévin lui faisait également suivre des vidéos de propagande de l'organisation, des images violentes de décapitation, mais il n'évoquait jamais ses projets. Une heure avant de lancer son attaque kamikaze vendredi, il avait ainsi envoyé un simple SMS à son frère : « Je t'aime. Bisous. »

Avant la Syrie, Kévin, converti à l’islam, avait également séjourné au Maroc. Il s’y était d’ailleurs marié une première fois. Son épouse était, disait-il, une « femme bien ». Le jeune homme était devenu pieux. Lui qui avait confié à son frère avant de partir se sentir mal aimé disait avoir trouvé un salut dans la religion. Mais sa foi ne l’avait pas éloigné de tous ses errements passés. Petit délinquant, il tente un casse en 2013 visant un dealer de drogue. L’opération s’est mal déroulée pour lui : roué de coups, séquestré, il s’en sort de justesse. Ce fut sa dernière tentative de vol en France : il part, dans la foulée, en Syrie. Un voyage qu’il n’entreprend pas seul. D’après son frère Brice, son « meilleur ami », l’accompagne : Abou Abdoul Aziz, l’homme qui a mené la seconde attaque suicide vendredi.

Hausse des départs

Selon le gouvernement français, un peu plus de 100 ressortissants hexagonaux seraient morts en combattant en Syrie ou en Irak. 450 autres seraient, eux, encore présents dans la zone et 260 auraient pris le chemin du retour. Des nombres toutefois plus difficiles à affiner que celui des décès : les morts sont en effet généralement annoncées aux familles par des membres de l'organisation. En revanche, il est plus difficile de savoir lorsqu'un jihadiste franchit la frontière turco-syrienne, que ce soit pour rejoindre les groupes terroristes ou pour quitter la zone de combat.

La France demeure néanmoins le pays occidental qui fournit le plus de combattants à ces groupes terroristes. Et le nombre de départs ne cesse d'augmenter malgré les mesures prises par le gouvernement. Un numéro vert a été mis en place il y a un an pour que chacun puisse signaler ses inquiétudes quant aux intentions d’un de ses proches. Et puis l'arsenal législatif a été renforcé à la fin de l'année : les passeports peuvent désormais être retirés et une interdiction de sortie du territoire prononcée par une autorité administrative. Mais depuis le mois d'octobre, le nombre de Français s'étant rendu en Syrie ou en Irak a malgré tout augmenté d'un tiers.

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Partager :
Page non trouvée

Le contenu auquel vous tentez d'accéder n'existe pas ou n'est plus disponible.