Accéder au contenu principal
Yémen

Un dialogue national semé d’embuches au Yémen

Ban Ki-moon, le secrétaire général de l'ONU, a félicité lundi 18 mars le président et le gouvernement yéménites pour l'ouverture du dialogue national dans le pays, dialogue issu de l'accord de transition de 2011 qui a mis fin aux violences et établi un calendrier. Ban Ki-moon a souligné que les autorités ont fait montre de «détermination et de sagesse en maintenant sur les rails le processus de transition malgré les obstacles». Car ces obstacles sont nombreux.

Le président Hadi (centre) entouré des membres participants au dialogue national le 19 mars à Sanaa.
Le président Hadi (centre) entouré des membres participants au dialogue national le 19 mars à Sanaa. Mohamed al-Sayaghi/Reuters
Publicité

Durant six mois, 565 délégués représentant les partis politiques, le sud du pays, la rébellion nordiste chiite et les composantes de la société civile, vont dialoguer. La conférence doit se tenir sous la présidence du chef de l'Etat, Abd Rabbo Mansour Hadi. L’objectif est de permettre d'élaborer une nouvelle Constitution et de préparer des élections pour février 2014. Date à laquelle la période de transition de deux ans depuis le départ du président Saleh sera achevée.

Mais avant même l’ouverture du dialogue, des difficultés étaient présentes, donnant le ton des discussions à venir. Quatre partis, membres du gouvernement d'entente nationale, ont ainsi émis leurs réserves sur la liste des participants. L'influent chef tribal Hamid al-Ahmar, faisant partie de la délégation du parti islamiste al-Islah n'est pas de la partie. Tawakkol Karman, prix Nobel de la Paix, a annoncé boycotter la conférence pour protester contre la marginalisation des jeunes ayant animé le soulèvement populaire contre l'ancien président Saleh et la participation de ceux qui les ont matés.

La réalité semble ainsi bien éloignée des déclarations de Ban Ki-moon et de son relatif optimisme affiché. Car sur tous les fronts, le Yémen,  l’un des pays les plus pauvres du monde, doit se battre pour son avenir.

Les aspirations houtistes inassouvies au Nord

Au Nord-Ouest, aux portes de l’Arabie Saoudite, la rébellion houtiste (une branche du chiisme) s'estime marginalisée par rapport au reste du pays et se bat depuis des décennies pour restaurer l’imamat zaydite d’avant 1962.

Le dialogue offre « l'occasion de régler les problèmes, aussi bien dans le Sud que dans le Nord où les guerres de Saada ont provoqué des blessures profondes », a déclaré l'émissaire de l'ONU, Jamal Benomar, à la séance d'ouverture du dialogue, faisant référence au conflit qui a opposé les houtistes aux forces gouvernementales avant le cessez-le-feu de février 2010.

L'accord de transition, signé en novembre 2011, n'a pas mis fin aux aspirations houtistes. Ils exigent l'autonomie de la province de Saada, qu'ils dominent depuis 2011. Et aujourd’hui, en plus de devoir « se battre » contre un pouvoir qui donne le sentiment de les avoir abandonnés, les houtistes doivent s’accommoder de plus en plus avec une présence salafiste montante, notamment à Dammaj (où se trouve l’une des plus importantes madrasas salafistes de la Péninsule), qui menace de saper l'identité religieuse historique de Saada.

L’unité du pays à l’épreuve dans le Sud

Mais le problème majeur vient du Sud où une révolution se joue dans la révolution. Plus qu’ailleurs, là-bas, l’unité du pays est à l’épreuve. Dans cette région stratégique riche en hydrocarbures, les affrontements entre les groupes séparatistes et l’armée sont quasi-permanents.

En 1990, les deux Yémens, l’un conservateur au Nord, l’autre communiste au Sud, ne font plus qu’un. Mais depuis vingt ans, beaucoup de sable

Le 23 février 2013 à Sanaa, des manifestants protestent contre les violence au Yémen du sud.
Le 23 février 2013 à Sanaa, des manifestants protestent contre les violence au Yémen du sud. Reuters / al-Sayaghi

a soufflé dans le désert. Les sudistes, portés par le parti al-Hirak (le mouvement), se disent eux aussi discriminés par rapport à leurs voisins du Nord que ce soit dans le domaine social comme dans celui de l’emploi ou vis-à-vis des ressources naturelles. Ils réclament un référendum populaire sur une indépendance du Sud, ou bien encore à la création d’une fédération pour d’autres. A la faveur du désordre national de la révolution, les sudistes se sont militarisés et aujourd’hui une kyrielle de groupes armés rivalisent.

Quelques jours avant l’ouverture du dialogue national, les tensions se sont exacerbées dans le sud du pays. Les troubles ont touché toutes les régions, d’Aden à l'Hadramaout où un manifestant à été tué par la police, de Mukalla au Lahj. « Non au dialogue, oui à l'indépendance », scandaient les populations dans toutes les grandes villes du Sud.

« La question du Sud est la clé pour le règlement de tous les problèmes » du Yémen, a déclaré le président Hadi lors de sa conférence d'ouverture du dialogue au palais présidentiel à Sanaa ce 18 mars. Et d’avertir que toute tentative « d'imposer une approche par la force armée sera vouée à un échec cuisant », en référence à la tendance dure d’al-Hirak, conduit par l'ancien président Ali Salem al-Baïd, en exil au Liban.

Le président Ali Abdallah Saleh le 25 septembre 2011 à la télévision nationale.
Le président Ali Abdallah Saleh le 25 septembre 2011 à la télévision nationale. REUTERS/Yemen TV

L’ombre de Saleh plane

En février 2011, lorsque le vent du printemps arabe a soufflé sur le Yémen, le peuple a réclamé dans le sang, la démocratie, de meilleures conditions de vie, la fin de la corruption, et l’arrêt de la mainmise du Congrès général du peuple (CGP, au pouvoir).

Il a obtenu le départ du président Ali Abdallah Saleh, qui avait tenu le pays pendant plus de 30 ans, en échange de l’impunité, mais il n’a pas obtenu sa radiation du parti qu’il dirige toujours.

Le 15 février dernier, le Conseil de sécurité de l'ONU a salué la convocation du dialogue national et menacé de sanctions ceux qui perturberaient la transition politique, dont l'ancien président Saleh. Ce dernier n'est pas convié à la conférence de dialogue mais le Congrès populaire général s'y taille la part du lion avec 112 sièges (le Mouvement sudiste en a 85 et la rébellion nordiste 35).

Et l’ombre de Saleh plane forcément sur le dialogue. Beaucoup de ses hommes sont encore au gouvernement et dans l’armée. Le général Ali Mohsen dirige toujours officieusement une grande partie de l’armée. Le fils de Saleh, Ahmed, est à la tête de la puissante ex-garde prétorienne du régime. Quant au président Abd-Rabo Mansour Hadi, il n’est autre que l’ancien vice-président de Saleh...

Le Yémen, également devenu en 2009 le terrain de chasse d’al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA) pour les drones Américains, n’aura pas trop de six mois pour tenter de réunir autour d'un avenir commun tous les Yéménites (société civile, femmes, etc).

Soutenue par l’ONU et largement financée par les bailleurs de fonds internationaux, la transition politique a ses chances dans un pays où la notion de consensus est omniprésente, culture tribale oblige. Le Yémen est le seul pays du printemps arabe où la révolte populaire a abouti à une solution négociée. L’antique Arabia Felix va peut-être l’être.

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Partager :
Page non trouvée

Le contenu auquel vous tentez d'accéder n'existe pas ou n'est plus disponible.