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REPORTAGE

Guerre en Ukraine: à Kharkiv, une vie sous les bombes

En Ukraine, les bombardements sont quotidiens depuis plusieurs semaines sur la seconde ville du pays, Kharkiv, à seulement 30 kilomètres de la frontière russe. L’armée du Kremlin vise les infrastructures critiques, énergétiques, mais des missiles ou des bombes planantes guidées s’abattent également en plein centre-ville, comme dans l’ancienne « rue Pouchkine », aujourd’hui débaptisée.

Des passants autour d'un cratère après une attaque dans un quartier résidentiel de Kharkiv, le 24 avril 2024.
Des passants autour d'un cratère après une attaque dans un quartier résidentiel de Kharkiv, le 24 avril 2024. AP - Yakiv Liashenko
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Avec notre envoyé spécial à Kharkiv, Stéphane Siohan

À Kharkiv, dans le café Makers, même à midi, il est difficile de voir la lumière du jour. Car toutes les ouvertures ont été remplacées par des plaques de contreplaqué, après un bombardement qui a ravagé une bonne partie de la rue, comme le raconte Dmytro Kabanets, propriétaire du bar.

« Ça s’est passé à 22 heures, et un quart d’heure plus tard, je suis arrivé. J’ai ouvert la salle, toutes les fenêtres avaient volé en éclats. Un de mes barmen était déjà là, et la première chose qui m’est venue à l’esprit, c’est qu’il fallait faire du café. Le lendemain, à 8 heures, on fonctionnait déjà en régime habituel, juste, il y avait de la casse », relate-t-il.

« Je n’aime pas les bombardements, mais j’aime ma ville »

Dans la ville au nord-est de l'Ukraine, désertée en 2022, près d’un million d’habitants sont revenus, et Dmytro remarque un véritable boum dans la création de commerces et de petites entreprises. Pour certains, travailler à Kharkiv, c’est un acte de résistance. Ainsi, malgré les coupures d’électricité, Anna Zori, une jeune entrepreneuse qui fabrique des sacs à mains, refuse d'exiler sa production.

« Je n’aime pas les bombardements, mais j’aime ma ville. Je ne veux pas en partir, je veux vivre ici. Un des principes de mon travail, c’est que je veux fabriquer des sacs "made in Kharkiv", et pas à Kiev. La ville continue à vivre quand les gens y restent. Je veux être Ukrainienne à Kharkiv, et c’est ma façon de protester contre les Russes. »

La seule raison qui pousserait Anna à partir, ce serait, si par malheur, les Russes arrivaient à hisser leur drapeau dans la ville.

Manque de munitions

En manque de munitions de défense anti-aérienne, l’armée ukrainienne n’a réussi à abattre que 59 des 76 drones et missiles tirés la nuit dernière par l’armée russe, qui s’en est pris à des usines de production d’électricité et à des sous-stations électriques, chargées de transporter l’électricité de région en région. 

Poltava, Zapoprijia, Lviv, Ivano-Frankivsk, Vinnytsia, un grand nombre de régions ont été touchées, et l’opérateur privé DTEK a indiqué que trois de ses centrales thermiques avait été sérieusement endommagées. Cette nouvelle frappe intervient dans un contexte où l’Ukraine a perdu 50% de sa capacité de production d’électricité, suite à la  multiplication des bombardements fin mars 2024. 

Sans aide occidentale en nouvelles batteries de DCA, l’Ukraine n’est pas en mesure de protéger à la fois le front, les villes à l’arrière, mais aussi ses infrastructures stratégiques. À l’approche de l’été, la consommation d’électricité est moindre, mais la compagnie nationale d’électricité Ukrenergo a prévu des coupures massives ce mercredi de 18h à 23h et a demandé aux Ukrainiens de réduire leur consommation, pour faire face à une situation très difficile. Si les bombardements se poursuivent au printemps et à l’été, la totalité du secteur énergétique ukrainien pourrait être touché, laissant entrevoir un hiver 2024-2025 dans le noir et le froid.

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La Russie tente de « profiter de la faiblesse actuelle de l'Ukraine »

Pendant que les soldats ukrainiens attendent désespérément les munitions promises par les Américains, les Russes tentent d'en profiter pour gagner du terrain. Ils multiplient les assauts ces trois dernières semaines pour conquérir des villages comme Otcheretyne, proche d'Avdiivka, cette ville qui a été conquise en février dernier sur le front est. Pour le général Dominique Trinquand, ancien chef de la mission française auprès des Nations-Unis (*), il s'agit « de profiter de la faiblesse actuelle de l'Ukraine. Une faiblesse dans trois domaines. Les matériels et les munitions ne sont pas encore arrivés. La défense ukrainienne ne s'est pas encore complètement installée, ils ont pris un peu de retard. Et enfin, la mobilisation en Ukraine est encore partielle et ils manquent de personnel. Donc, ces trois raisons poussent actuellement la Russie à profiter de son avantage et essayer de gagner le maximum de terrain.

Il y a un manque de munitions, c'est totalement évident. Maintenant, il y a les stocks d'armes et les stocks de munitions. Les stocks de munitions, ça peut aller très vite. Une partie de ces munitions était déjà présente en Pologne ou en Allemagne, et peut être acheminée rapidement. Cela correspond aux besoins immédiats de l'Ukraine. Donc, je pense que dans l'immédiat, l'important c'est d'apporter des munitions et, dans un deuxième temps, d'apporter des équipements : l'équipement anti-aérien, en particulier les patriotes avec les munitions patriotes… Pas tellement pour le front, mais pour défendre les villes ukrainiennes. »

(*) Le général Dominique Trinquand est l’auteur du livre Ce qui nous attend, paru aux éditions Robert Laffont.

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