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Après la France, Xi Jinping se rend en Serbie pour une visite symbolique et stratégique

Après la France et avant la Hongrie, le président chinois est attendu, mardi 7 mai en fin d'après-midi, à Belgrade (Serbie), un partenaire privilégié de Pékin en Europe. Mais la date précise de cette visite de Xi Jinping en Serbie prend une dimension particulièrement symbolique, marquant le 25e anniversaire du bombardement de l’ambassade de Chine à Belgrade, en pleine guerre du Kosovo.

Des personnes enroulent une banderole sur laquelle on peut lire «Bienvenue à Xi Jinping, président de la République populaire de Chine en visite en Serbie» devant le Centre culturel chinois, bâti sur les lieux de l'ancienne ambassade, avant la visite du président Xi Jinping à Belgrade, Serbie, le 6 mai 2024.
Des personnes enroulent une banderole sur laquelle on peut lire «Bienvenue à Xi Jinping, président de la République populaire de Chine en visite en Serbie» devant le Centre culturel chinois, bâti sur les lieux de l'ancienne ambassade, avant la visite du président Xi Jinping à Belgrade, Serbie, le 6 mai 2024. © Marko Djurica / Reuters
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Avec notre correspondant à Belgrade,

En pleine campagne de l’Otan en Yougoslavie, des avions américains bombardaient l'ambassade de Chine à Belgrade il y a exactement 25 ans, dans la nuit du 6 au 7 mai 1999, tuant trois journalistes. Les causes exactes de ce bombardement demeurent contestées : s'est-il agi d'une « bavure », d'une provocation ou bien d'un tir ciblé ? Car l'ambassade aurait abrité des dispositifs de communication serbes. Les multiples enquêtes menées sur le sujet n'ont pas apporté de réponses définitives.

Cette tragédie a toutefois marqué un tournant dans les relations de la Chine avec le reste du monde. Cela malgré les excuses présentées dès 2000 par les États-Unis. Aujourd'hui encore, pas un Chinois de passage dans la capitale serbe ne manque de venir s'incliner devant la plaque des « martyrs » : le président Xi Jinping le fera également, avant d'inaugurer l'immense Centre Confucius. Ce dernier a été construit sur l'emplacement de l'ancienne ambassade, et dont il avait lui-même posé la première pierre lors de sa précédente visite en Serbie, en 2016.

Partenaire essentiel en Europe

Plus qu’un partenaire important, la Serbie est devenue un partenaire essentiel pour la Chine. L'intérêt de Pékin pour les Balkans a commencé à s'éveiller à la fin des années 2000 et la Serbie s'est vite imposée comme le principal partenaire de Pékin dans la région. Depuis les ports grecs du Pirée et de Thessalonique – tombés dans l'escarcelle chinoise en raison de la crise économique grecque – la Serbie représente un axe de pénétration vers les marchés du centre de l'Europe. Cela dans le cadre des Nouvelles routes de la Soie, ce projet stratégique chinois lancé en 2013 et officiellement rebaptisé « La ceinture et la route ».

En dix ans, la Chine a investi plus de cinq milliards d'euros en Serbie, achetant en 2016 les immenses raffineries de Smederevo et, deux ans plus tard, les mines de cuivre de Bor. Aujourd'hui, la Chine est devenue le second partenaire économique de Belgrade, après l'Allemagne.

Lors du troisième sommet « Ceinture et route » en octobre 2023 à Pékin - boycotté par la plupart des pays européens en raison de la présence du président russe Vladimir Poutine -, la Chine et la Serbie ont signé un accord de libre-échange. Ce dernier a été aussitôt dénoncé par l'Union européenne, qui l'estime incompatible avec l'intégration européenne à laquelle prétend Belgrade.

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«La Chine investit en Serbie pour se positionner dans la région», selon Ana Krstinovska, présidente du think tank Estima et chercheuse associée à Choice, réseau d'observateur de la Chine en Europe centrale et orientale

Justine Fontaine

Taïwan et le Kosovo, la pomme de concorde entre la Chine et la Serbie

Entre la Chine et la Serbie, les liens ne sont pas qu'économiques, mais aussi politiques. Cette convergence sino-serbe se joue autour des deux dossiers du Kosovo et de Taïwan. Belgrade peut compter sur le soutien de Pékin au Conseil de sécurité des Nations unies pour bloquer toute reconnaissance de Pristina, tandis que le président serbe Aleksandar Vučić ne manque pas une occasion de rappeler que « Taïwan, c'est la Chine ».

L'attachement au sacro-saint principe de l'intégrité territoriale des États a tout pour rapprocher les deux pays, dans un monde de plus en plus instable.

25 ans après le bombardement de l’ambassade de Chine, Xi Jinping choisi la Serbie pour marquer son opposition à une expansion de l’Otan

Les cinq bombes américaines de haute précision qui ont frappé l’ambassade de Chine à Belgrade le 7 mai 1999, les trois journalistes chinois morts dans l’explosion et les manifestations monstres qui ont suivi dans toute la Chine figurent dans tous les manuels scolaires du pays, explique notre correspondant à Pékin, Stéphane Lagarde. À l’époque, l’Otan a évoqué une erreur de carte qui aurait faussé les GPS des missiles. Malgré les excuses et les compensations, l’évènement est devenu un symbole de la levée du peuple chinois contre l’impérialisme, dont la mémoire est régulièrement ravivée par les médias d’état. « La justice vaincra le mal, le sang des martyrs n’a pas été versé en vain », écrivait l’année dernière l’agence Chine Nouvelle. Un message rappelé par Xi Jinping lui-même dans une tribune intitulée « Que la lumière de l’amitié à toute épreuve illumine la route de la coopération sino-serbe » et adressée au journal serbe Politika en amont de sa visite. « Nous ne devons pas oublier qu'il y a 25 ans, l'Otan a ouvertement bombardé l'ambassade de Chine en ex-Yougoslavie, écrit le numéro un chinois dans le dernier paragraphe de l’article (...) Le peuple chinois chérit la paix, mais ne permettra jamais que les tragédies de l'histoire se reproduisent. L'amitié de fer forgée dans le sang entre les peuples chinois et serbe deviendra une mémoire commune, inspirant les deux parties à avancer ensemble. » Cette étape de la tournée européenne de Xi Jinping en Serbie et la commémoration des frappes permettent aussi de renforcer le narratif porté par la propagande et la diplomatie chinoise, d’un Otan agresseur et menaçant par son expansion la sécurité de la Russie et du monde. 

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