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#KremlinLeaks: comment Moscou organise et finance sa guerre de l’information?

De nouvelles révélations viennent éclairer le dispositif mis en place par l'administration russe pour s'assurer de la victoire de Vladimir Poutine aux élections du 17 mars prochain. Elles émanent d'une fuite de documents obtenus et analysés par le site d'information en ligne estonien Delphi, au sein d'un consortium de grands médias européens.

Ces nouvelles fuites de données renseignent sur l'outil de propagande russe en amont des élections du 17 mars dans le pays.
Ces nouvelles fuites de données renseignent sur l'outil de propagande russe en amont des élections du 17 mars dans le pays. © Grégory Genevrier/ RFI
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Le dossier des #KremlinLeaks publié par Delphi, média en ligne très populaire dans les États baltes, met au jour tout un dispositif de propagande et de censure destiné aux populations russophones. Les informations qui ont fuité proviennent des services de l’administration présidentielle, et plus précisément du département politique sous la direction de Sergueï Kiriyenko, l’un des principaux conseillers de Vladimir Poutine, en charge des territoires occupés en Ukraine, lui qui dès août 2022 appelait à une « guerre pour conquérir les esprits », dans un discours à l’adresse des fonctionnaires de l’État russe.

Parmi les documents récupérés, des tableaux Excel, des comptes-rendus de réunions, des présentations et des rapports internes à l’administration et surtout, des éléments du budget de la Fédération de Russie, que l’on ne trouve pas en accès public. Il en ressort que pour garantir sa réélection et consolider l’appareil de propagande en Russie et dans les territoires occupés d’Ukraine, l’administration russe ne lésine pas sur les moyens : l’équivalent d’1,1 milliard d’euros sont alloués à cet effet dans le budget de l’année 2024.

Propagandistes grassement payés

À titre d’exemple, l’enveloppe accordée au célèbre propagandiste Valdimir Solovyov serait passée à 3 milliards de roubles, soit l’équivalent de 30 millions d’euros pour 2024, le double de l’année précédente. Une note accompagne cette ligne budgétaire stipulant : « Nous attendons la tenue d’un rendez-vous entre Solovyov et le président. » L’enquête a pu établir qu’à ce jour, la société aux mains de Solovyov avait déjà encaissé 15 millions d’euros. Les documents chiffrés permettent également de remonter sur les traces des personnes décisionnaires. Il s’agit selon les cas du Premier ministre Mikhail Mishustin, voire de Vladimir Poutine en personne.

Guerre de l’information à usage interne

Sur un total de 1 milliard 100 millions d’euros, 631 millions sont alloués à la « guerre de l’information », expression employée à destination du public russe, qu’il s’agit de conditionner en amont des élections du 17 mars prochain, afin d’obtenir une importante participation favorable au renouvellement du mandat de Vladimir Poutine. L’analyste Mark Galeotti, interrogé par Delphi, y voit une restructuration idéologique de l’État russe jusqu’au niveau local. Cela révèle, selon lui, des marques d’inquiétude du régime et une volonté de contrôle absolu de la société. Le ministère de l’Éducation et des Sciences est explicitement sollicité à cette fin. Le Kremlin se montre soucieux de faire émerger de jeunes leaders d’opinion capable d’irriguer toutes les sphères de la société.

Les « nouvelles régions » sous contrôle

Tout un chapitre est consacré aux « nouvelles régions » occupées de l’Ukraine, Donetsk, Luhansk, Kherson et Zaporizhia. Le dispositif prévoit à la fois la prise en main par Moscou, le déploiement des moyens techniques pour intégrer ces territoires à la Fédération de Russie, et le blocage de tout accès à l’information autre que celle émanant de l’appareil russe. L’enquête fournit nombreux détails concernant les actions de propagande sur le terrain. Certaines précisions sont accablantes, comme le montant de 420 000 euros alloué à Maria Lvova-Belova, commissaire aux Droits de l’enfant, rattachée à la présidence russe, pour « le retrait des enfants de la zone d’occupation militaire spéciale », en d’autres termes, la déportation d’enfants ukrainiens, à l’origine du mandat d’arrêt lancé à son encontre par la CPI, la Cour pénale internationale, pour « crime de guerre ».

Le grand retour du cinéma de propagande

Enfin, cet arsenal comporte un volet « création de contenus » destinés à l’industrie du cinéma et autres producteurs de séries et jeux vidéo, sous la surveillance de commissaires, veillant au bon respect des directives du Kremlin. Des milliards de roubles sont injectés dans ce dispositif. Le dossier des #KremlinLeaks comporte un mémo préparé par l’équipe de Kiriyenko en octobre 2023, évoquant la mise à contribution d’une quinzaine d’organisations à but non lucratif, de 4 357 employés et d’un budget de 600 millions d’euros. Leurs productions doivent nécessairement remplir l’un des quatre critères suivants : défense des intérêts nationaux et valeurs traditionnelles, éloge des héros nationaux, projets « nous sommes ensemble », visant les résidents des « nouveaux » territoires.

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