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Chronique d’une victoire annoncée pour la droite italienne aux législatives

À la veille du scrutin législatif du 25 septembre, un nom fait la Une de la presse, bien au-delà des frontières du pays, celui de Giorgia Meloni, la cheffe de Fratelli d’Italia. Le parti post-fasciste est en tête des intentions de vote avec 25% des suffrages, devant le Parti démocrate. Le parti a pris le leadership de la coalition de droite devant La Ligue de Matteo Salvini et Forza Italia de Silvio Berlusconi. Cette coalition pourrait remporter plus de 60% des sièges du Parlement.

L'ancien président du Conseil, Silvio Berlusconi (à g.), et l'ex-ministre de l'Intérieur, Matteo Salvini (à dr.), entourent Giorgia Meloni, leader du parti Fratelli d’Italia, lors d'un meeting à Rome le 19 octobre 2019.
L'ancien président du Conseil, Silvio Berlusconi (à g.), et l'ex-ministre de l'Intérieur, Matteo Salvini (à dr.), entourent Giorgia Meloni, leader du parti Fratelli d’Italia, lors d'un meeting à Rome le 19 octobre 2019. © Andrew Medichini / AP
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La poussée est spectaculaire. De 4,3% aux législatives de 2018, Fratelli d’Italia pourrait passer à 24%-25% des voix ce dimanche. Cela ne signifie aucunement qu’un quart des électeurs italiens regrettent Mussolini, mais il est difficile de faire abstraction des racines du parti. 

En 1996, Giorgia Meloni expliquait, dans un reportage de nos confrères de France 3, que Benito Mussolini avait été « un bon politicien ». « Tout ce qu’il a fait, il l’a fait pour l’Italie et on ne trouve pas cela chez les politiciens qu’on a eus ces 50 dernières années », déclarait la jeune militante.

► À lire aussi : Donnée en tête des législatives italiennes, la cheffe de Fratelli d'Italia veut rassurer

Certes, la cheffe de Fratelli d’Italia avait alors 19 ans, et son discours a beaucoup changé. Prête à gouverner, elle maintient l’ordre dans ses troupes et a ainsi exclu, il y a quelques jours, un candidat qui laissait traîner des hommages à Hitler sur les réseaux sociaux. Mais c'est bien au sein du Mouvement social italien, fondé par les partisans de Mussolini au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, qu’elle a commencé sa carrière politique.  

Pour autant, personne ne redoute le retour des chemises noires. La menace est ailleurs, estime le professeur de sciences politiques Carlo Galli, de l’université de Bologne : « L’un des principaux risques est celui d’un changement radical dans le récit politique dominant. Dans ce qu’on enseigne à l’école, par exemple. En Italie, la Constitution est née de la lutte contre le fascisme, elle est née de la résistance et parmi les partis qui n’y ont pas souscrit, il y avait le Mouvement social italien. Imaginez ce que signifie le fait de voir ses héritiers arriver au pouvoir par les urnes. Ce n’est pas qu’ils soient fascistes au sens propre, non, mais on peut dire qu’ils ne sont pas complètement insérés dans la légitimité républicaine ». 

Une coalition, trois concurrents 

Mais Fratelli d’Italia n’accèdera pas seul au pouvoir. C’est bien une coalition de droite qui se présente aux électeurs. La Ligue nationaliste de Matteo Salvini y figure en deuxième position avec 12% d’intentions de vote, Forza Italia de Silvio Berlusconi en troisième avec 6%-7% des voix, selon les sondages.  

« La dynamique est très bonne pour le centre droit », commence Marco Valbrizzi, politologue à l’université de Bologne, avant de reprendre : « Enfin, je continue à dire centre droit, mais la composante de droite est prévalente. D’ailleurs, la question est aujourd’hui de savoir si les deux forces d’extrême droite, Fratelli d’Italia et la Ligue peuvent obtenir la majorité à elles seules – sans la petite composante modérée du parti de Berlusconi Forza Italia.  C’est une hypothèse qui n’est pas du tout improbable, et qui déplacerait fortement l’axe du gouvernement vers les composantes plus radicales de la coalition. »   

Portée par les sondages, Giorgia Meloni est en droit de prétendre à diriger le pays. Mais la lutte sera âpre au sein de la coalition pour former une équipe de gouvernement capable d’obtenir l’approbation du président de la République. Hormis « quelques grandes personnalités expérimentées et reconnues, issues des précédents gouvernements de Berlusconi, la droite a très peu de personnel politique, estime Carlo Galli, et c’est un problème, car la qualité des personnes compte, et comment ! »  L’autre inconnue est de savoir combien de temps la coalition pourrait résister aux divisions. S’ils ont beaucoup de valeurs communes (famille traditionnelle, libéralisme économique, christianisme…), les trois partis ont aussi de nombreuses divergences.

Mises en sourdine en début de campagne, elles ont commencé à ressurgir, constate le politologue Marco Valbrizzi qui évoque, parmi les sujets de discorde, l’usage des fonds de relance de l’UE – dont l’Italie est le principal bénéficiaire –, leur affectation et les réformes qui doivent les accompagner ; le soutien à l’Ukraine ; les positions sur les sanctions à la Russie, là encore pour n’en citer que quelques-unes. « Ces divisions seront cruciales au moment de former un gouvernement. De façon générale, sur les questions internationales, la coalition est divisée. »  

Quid de l’Europe ? 

La première fracture, et non des moindres, concerne l’Union européenne. Troisième économie des 27, l’Italie est aussi dans le top 10 des puissances mondiales. Et si Forza Italia, en tant que membre du PPE, le Parti populaire européen à Bruxelles, est au cœur et aux origines de la construction européenne, les deux autres sont clairement du côté des gouvernements nationalistes et illibéraux.

La Ligue est membre d’ID, Identité et démocratie, avec le parti du gouvernement de Hongrie, et Fratelli d’Italia est membre de l’ECR, le parti des Conservateurs et réformistes européens avec le parti du gouvernement polonais. Avec également l’extrême droite des Démocrates suédois et du parti Vox en Espagne. Le projet européen de Giorgia Meloni est clair, c’est celui d’une Europe des nations qui privilégie les prérogatives nationales.

Que pèsera Forza Italia dans la balance ? C’est l’une des clés de l’après 25 septembre. D’après les derniers sondages, face à un centre gauche morcelé et à un mouvement 5 étoiles en perte de vitesse – bien qu’en remontée –, les 47% de suffrages dont la coalition de droite est créditée pourraient se traduire par plus de 60% à 65% des sièges du Parlement.  Soit une vague bleue sur l'ensemble de la péninsule. 

► À écouter aussi : Italie: pourquoi dit-on que l'extrême droite est aux portes du pouvoir?

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