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Allemagne

Allemagne: la «Große Koalition», gros cadeau pour l'AfD?

Ce lundi marque la signature officielle du contrat de gouvernement de coalition entre les conservateurs d'Angela Merkel et les sociaux-démocrates, avant l'élection prévue de la chancelière par le Bundestag, ce mercredi 14 mars. La grande coalition est donc sur les rails, alors qu’en face, l’extrême droite de l’AfD et ses 90 députés sont bien installés au Parlement.

Alice Weidel, chef de file des députés du parti d'extrême-droite Alternative pour l'Allemagne (AfD), prend la parole au Bundestag, à Berlin, le 22 février 2018.
Alice Weidel, chef de file des députés du parti d'extrême-droite Alternative pour l'Allemagne (AfD), prend la parole au Bundestag, à Berlin, le 22 février 2018. Axel Schmidt / REUTERS
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L’Allemagne respire, l’Europe aussi : après des mois de surplace, un nouveau gouvernement va enfin entrer en fonction à Berlin. Mais une des conséquences de cette grande coalition est qu’elle installe définitivement l’Alternative pour l'Allemagne (AfD) comme premier groupe d’opposition au Bundestag. Soit une position qui donne des droits très concrets, comme des postes de premier plan auxquels le parti a désigné un radical, à chaque fois ou presque.

Toute la presse allemande s’est fait l’écho de la nomination à la présidence de la Commission des finances de quelqu’un qui insulte très durement Angela Merkel dans ses emails professionnels. Et ce n’est pas le seul à se faire remarquer dans ce registre : sur Twitter, un autre député a carrément qualifié le fils métis du joueur de tennis Boris Becker de « demi-nègre ».

« Ce genre de commémoration est hypocrite », dit un élu lors de la journée de l'holocauste

L’AfD sans filtres, sans retenue, sans limites aussi. Fin janvier, lors de la journée de l’holocauste, moment solennel au Bundestag, une survivante d’Auschwitz et de Bergen Belsen se trouvait à la tribune. À leurs sièges, des députés AFD qui font ostensiblement la moue. Cheveux blancs et lunettes sur le nez pour lire son texte, Anita Lasker-Wallfisch évoque les mois passés dans les camps de concentration et puis fait ce parallèle avec l'accueil des réfugiés depuis 2015 par l'Allemagne : « À l'époque, les frontières s'étaient fermées hermétiquement pour nous, contrairement à ce qui se passe ici maintenant : leur ouverture, dans ce geste d'une incroyable générosité, courageux, humain. »

À ce moment-là, et ces images sont passées et repassées dans les médias allemands, les députés AFD étaient nombreux à carrément croiser les bras et regarder ailleurs. Voire à assumer ensuite : « ce genre de commémoration est hypocrite », a déclaré un élu.

« Vous êtes faits du même bois qu'Erdogan », lance un député à l'AfD

Terminés les tabous de l’histoire. Au Bundestag, comme pendant les campagnes électorales, l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) assume le rôle de fer-de-lance de la radicalisation sans limites. Les durs du parti se lâchent, la direction aussi. Le mois dernier, le journaliste germano-turc Deniz Yücel était libéré après un an de prison près d’Istanbul. Soulagement général, sauf à l’AfD : « Deniz Yücel n’est ni journaliste ni allemand », dit la chef des députés Alice Weidel. La réplique, cinglante, vient du député écologiste Cem Özdemir, à la tribune :

« Comment quelqu’un qui méprise l’Allemagne, notre patrie, peut s’arroger le droit de dire qui est allemand et qui ne l’est pas ? Vous méprisez tout, oui, vous méprisez tout ce qui fait la réputation de ce pays dans le monde. Notre culture de la mémoire, moi j’en suis fier. Notre diversité, j’en suis fier. Bavarois, Souabes, ceux dont les ancêtres viennent de Russie ou d’Anatolie, eux aussi en sont fiers. Vous êtes tous faits du même bois que ceux qui ont arrêté Deniz Yücel. Vous êtes faits du même bois qu’Erdogan qui lui a volé un an de sa vie. Ici, c’est mon pays et je ne vous laisserai pas l’abimer. »

La coalition offrirait le rôle de « voix du peuple » à l'extrême droite

La vie parlementaire allemande était jusqu’ici très consensuelle ; elle s’est désormais réveillée : avec un retour du clivage politique, mais pas forcément pour le meilleur. C'est ce qu'analyse Yohann Chapoutot, historien et spécialiste du nazisme, enseignant-chercheur à la Sorbonne :

« [Une] grosse coalition républicaine démocratique, [un] gros centre consensuel sur des valeurs fondamentales versus une extrême droite de plus en plus vigoureuse… Il est terrible de constater que le réveil de la vie politique allemande passe par ça, alors que, précisément, c’est cette grande coalition qui n’en finit plus - puisque c’est la 3e fois en 4 mandats, c’est énorme - qui éteint le débat politique. On a au sein même du parlement une frange qui entre en quasi sécession politique et qui dit au peuple allemand "regardez, vous avez une coalition des intérêts, une coalition des égoïsmes, qui aboutit à une grande coalition absurde où la droite et la gauche font leur petit manège, nous, nous sommes les seuls à porter la voix du peuple". C’est le rôle qu’on leur offre sur un plateau, mais vraiment sur un plateau ! C’est catastrophique. Ça peut installer l’AfD de manière très privilégiée dans le paysage politique allemand pour 4 ans ».

5 ans d’existence pour l’AfD contre 45 pour le Front national en France, dt toujours de meilleurs sondages : entre 14% et 16%, soit presque le même niveau… que les sociaux-démocrates, qui ne cessent de reculer à chaque élection.

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