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Festival de Cannes 2015 / Cinéma / Grèce

«The Lobster», une satire dans un univers totalitaire

En lice pour la Palme d’or, « The Lobster » a déjà gagné le titre du film le plus loufoque et décalé de la compétition du Festival de Cannes. Le réalisateur grec Yorgos Lanthimos y raconte l’histoire d’un monde où tout célibataire est menacé d’être transformé en animal s’il ne trouve pas l’âme sœur dans les 45 jours. Une satire à la fois drôle et effrayante.

Colin Farrell et Rachel Weisz dans « The Lobster » de Yorgos Lanthimos, en lice pour la Palme d'or du Festival de Cannes 2015.
Colin Farrell et Rachel Weisz dans « The Lobster » de Yorgos Lanthimos, en lice pour la Palme d'or du Festival de Cannes 2015. Haut et Court
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Il pleut. On voit une femme au volant de sa voiture. Elle s’arrête en rase campagne, sort du véhicule avec un revolver et tire sur un des trois ânes qui paissent dans le champ. On ne comprend rien. On rit quand même. On est bien à la projection de « The Lobster ».

Un homme triste et perdu, magnifiquement campé par Colin Farrell, a été arrêté. Son crime : après s’avoir séparé de sa femme, il est devenu célibataire. Cela ne se pardonne pas dans ce pays qui ne connaît pas de nom ni d’époque, mais qui dispose d’un camp de rééducation conjugale appelé « Hôtel ». Une prison déguisée, sans murs et entourée d’un merveilleux jardin, spécialisée à trouver l’âme sœur aux fautifs célibataires. Car les règles sont simples : celui qui n’a pas réussi à conquérir un nouveau partenaire pour former un couple et satisfaire les exigences de la société dominante, sera transféré dans la mystérieuse salle de transformation d’où il ressortira changé en l’animal de son choix.

Notre héros malgré lui s’est déjà clairement exprimé par rapport au sujet : le cas échant, il sera un homard (lobster en anglais), animal doté d’une espérance de vie de plus de 100 ans, du sang bleu comme les aristocrates et en plus, il aime nager…

Le ciment de nos relations humaines

Le scénario d’une originalité rare et servi par des excellents acteurs qui ne jouent pas, mais investissent par leur présence naturelle le récit, expose avec minutie les détails et le ciment de nos relations humaines.

La voix off raconte ce monde complètement déglingué et déjanté avec un tel aplomb et une telle certitude qu’on peut en rire ou en mourir. Tout est prévu pour stimuler l’envie de se mettre en couple : des soirées dansantes, des thérapies de groupes, des séjours sur un voilier et même l’option de disposer d’enfants à la carte pour fortifier le couple ou des exercices pour améliorer l’érection chez les hommes. Et gare à celui qui enfreint les règles : l’homme surpris d’avoir pratiqué la masturbation sera obligé de mettre sa main dans un grille-pain allumé.

Tous les personnages sont définis par leur défauts : la femme qui saigne du nez, l’homme qui boîte, la femme sans cœur… Et chacun et chacune cherche son semblable. Une satire particulièrement cruelle et lucide sur l’amour, la solitude, la solidarité et le vivre ensemble dans une société de plus en plus individualiste et soumise à la rentabilisation. Et la seule solution pour échapper à l’ « Hôtel » ou à la transformation en animal, ne s’avère guère plus alléchante… Les Solitaires, une armée de célibataires cachée dans les bois est sous la commande d’un chef sans pitié. Interprétée par Léa Seydoux, ce petit dictateur a instauré un certain nombre de règles à respecter : chaque relation amoureuse ou action romantique est strictement interdite. Celui qui osera flirter sera amputé de ses lèvres qui avaient osé prononcer les mots incriminés.

L’avènement de sociétés totalitaires

Emballée dans un langage cinématographique très originel, souvent comique et à première vue amusante, l’histoire ne raconte rien d’autre que l’avènement de sociétés totalitaires. Avec une sorte de camp de concentration pour célibataires où chaque mouvement est contrôlé et chaque ennemi de la société en couple éliminé. Avec son début animalier, on pense naturellement à La Métamorphose de Kafka ou au court métrage Un Chien andalou de Buñuel, mais au final, The Lobster est probablement plus près du film hongrois Le Fils de Saul, cette plongée au cœur d’une machine à exterminer l’Autre. A un détail près : The Lobster se situe dans un futur proche. Après avoir remporté le prix Un certain regard en 2009 pour Canine, Yorgos Lanthimos est bien parti pour une nouvelle récompense.

► Qui gagnera la Palme d’or 2015? Le classement au jour le jour

 

 

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