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En Ukraine, le dossier de l'assassinat du journaliste Pavel Cheremet ressort du placard

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En Ukraine, l'échange massif de prisionniers du 29 décembre dernier n'a pas effacé la polémique en cours depuis plusieurs semaines autour de l'arrestation de trois suspects présumés dans l'assassinat à Kiev, en juillet 2016, du journaliste Pavel Cheremet.

Les enquêteurs ukrainiens inspectent l'épave de la voiture que conduisait le journaliste Pavel Cheremet lorsqu'elle a explosé, dans le centre ville de Kiev, mercredi 20 juillet 2016.
Les enquêteurs ukrainiens inspectent l'épave de la voiture que conduisait le journaliste Pavel Cheremet lorsqu'elle a explosé, dans le centre ville de Kiev, mercredi 20 juillet 2016. REUTERS/Valentyn Ogirenko
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À l’époque, l’explosion d’une bombe posée sous la voiture du journaliste avait choqué l’opinion, bien au-delà de l’Ukraine. Cela faisait trois ans que l‘enquête patinait, et tout d’un coup les autorités de Kiev ont sorti trois suspects de leur chapeau. Trois suspects dont l’arrestation ne semble pas clarifier les événements.

Pavel Cheremet était un célèbre journaliste âgé de 44 ans. Il avait commencé sa carrière à Minsk, où il était devenu un opposant au régime autoritaire d’Alexandre Loukachenko, avant d’aller travailler à Moscou, où il était très proche des cercles libéraux, notamment de Boris Nemtsov. Il avait quitté la Russie en 2014, au moment de l’annexion de la Crimée, et il s’était installé à Kiev.

En Ukraine, Cheremet était connu pour deux raisons. Il écrivait dans Ukrainska Pravda, un des médias de référence, et il animait une matinale sur Radio Vesti, une radio russophone. Une sorte de libre antenne où il offrait la parole aux gens de l’Est, confrontés à l’irruption de la guerre dans leur vie.

C’était une personnalité très indépendante, qui n’hésitait pas à critiquer le gouvernement post-Maidan. Le président Petro Porochenko avait à de nombreuses reprises promis de retrouver les commanditaires de son assassinat, mais depuis le 20 juillet 2016, l’enquête n’a jamais avancé.

Des profils différents

Coup de théâtre le 12 décembre. Le ministre de l’Intérieur, Arsen Avakov, a tenu une conférence de presse lors de laquelle il a annoncé tenir cinq suspects, dont trois d’entre eux ont été incarcérés, un homme et deux femmes : Andriy Antonenko, Ioulia Kouzmenko et Yana Dougar.

Le premier est un chanteur de rock un peu connu, la seconde est chirurgienne cardiologue, et la troisième est une membre des forces armées ukrainiennes. Le point commun de ces trois personnes, c’est qu’elles sont toutes des membres de la communauté des vétérans et des volontaires qui aident l’armée. Un véritable réseau social très puissant, qui bénéficie d’une aura forte et emblématique au sein de la population.

Le ministre Avakov a déclaré que les trois suspects avaient été identifiés sur des caméras de surveillance et qu’ils avaient planifié cet assassinat afin de « déstabiliser la situation dans le pays », mais aussi de propager des idées nationalistes et néo-nazies.

Les premières comparutions au tribunal auront lieu en février mais la colère est extrêmement forte, tout particulièrement au sein des milieux patriotes et liés à l’armée, mais également dans l’intelligentsia, qui soupçonne une affaire montée de toute pièce.

Des accusations qui peinent à tenir la route

Les faits reposent sur des captures d’écran de caméras de surveillance, pas entièrement convaincantes. De plus, au moins deux des accusés affirment détenir des alibis.

Il y a aussi quelque chose qui cloche avec le motif : les accusés sont certes des nationalistes, mais on ne saisit pas en quoi le meurtre d’un journaliste biélorusse servirait leur cause. Quant à l’idéologie néo-nazie évoquée, elle est cocasse quand on sait que le ministre de l’Intérieur lui-même est le soutien politique principal du bataillon Azov, la véritable mouvance extrémiste ukrainienne.

Toutes ces informations laissent un arrière goût de dossier mal fagoté. D’ailleurs, les proches de Pavel Cheremet, ses collègues du journal Ukrainska Pravda, se sont montrés très prudents, et refusent d’endosser les conclusions de l’enquête.

Or, en octobre, le président Volodymyr Zelensky a clairement demandé à tous ses ministres de montrer des premiers résultats avant la fin de l’année, et en particulier au ministre de l’Intérieur, dans le domaine des meurtres politiques.

Selon plusieurs sources, le très puissant Arsen Avakov se serait senti sur la sellette, et pas très regardant sur les questions de justice, il pourrait avoir été tenté de bâcler un dossier très politique, afin de redorer son blason.

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