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Aujourd'hui l'économie

Les manifestants d’Al Hoceïma, les oubliés du Rif marocain

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Au Maroc, la contestation ne faiblit pas dans la région du Rif, plus exactement dans la ville d'Al Hoceïma, où la mort accidentelle d'un vendeur de poisson en octobre dernier a déclenché ce vaste mouvement de protestation. Les difficultés économiques grandissantes que connaissent les habitants de cette région ainsi que l’absence de perspective expliquent en partie leur colère.

La ville de Al Hoceima, au nord du Maroc, sur la côte méditerranéenne, le 31 mai 2017.
La ville de Al Hoceima, au nord du Maroc, sur la côte méditerranéenne, le 31 mai 2017. Reuters/Youssef Boudlal
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Ce fait divers met en évidence quelques-uns des ingrédients historiques de l'économie de survie de cette région : la contrebande et la pêche. Le poissonnier a été broyé par une benne à ordure en essayant de sauver sa cargaison d’espadon, dont la pêche est interdite à cette période de l’année, c’est pourquoi la police voulait détruire cette marchandise.

La pêche légale, notamment de la sardine, qui a fait tourner jusqu'à cinq conserveries dans cette ville dans les années 90, est en train de mourir, à cause de l’épuisement des ressources halieutiques. Il n'y a guère d'autres activités. Le tourisme est resté balbutiant.

Pour survivre dans cette région longtemps oubliée du pouvoir central, surtout célèbre pour la culture du cannabis qui assure un revenu de subsistance aux paysans des montagnes avoisinantes, souvent on la quitte. Pour d'autres régions du Maroc, ou bien pour l'Europe. Mais migrer de l'autre côté de la Méditerranée est devenu de plus en plus difficile. Les habitants sont aujourd’hui à bout de souffle.

Aujourd'hui, la ville d'Al Hoceïma se meurt : six logements sur dix sont vacants, et le chômage est deux fois plus élevé que la moyenne nationale.

Depuis l'arrivée au pouvoir du roi Mohammed VI, il y a eu un effort financier considérable pour sortir le Rif de l'isolement et de l'extrême pauvreté avec de grands travaux d'infrastructure et d'industrialisation.

Avec un certain succès. Grâce à une route côtière qui relie d’ouest en est Tanger à la ville de Saïdia proche de la frontière algérienne, les quatre grands ports du nord du pays sont aujourd'hui connectés et les zones économiques spéciales créées à Tanger commencent à porter leurs fruits. « Il n'y a pas un Rif mais une réalité complexe, selon la chercheuse Kenza Afsahi, cette sociologue économiste du centre Emile Durkheim de Bordeaux travaille sur le marché du cannabis, avec des cités en pleine expansion et d'autres encore totalement enclavées, c'est le cas d'Al Hoceïma ». L'autoroute qui devait lui ouvrir les portes du sud n'est toujours pas terminée et le grand plan de développement de la ville n'a démarré qu'en 2015.

Les manifestants ont des revendications très concrètes, ils demandent des hôpitaux, des usines...

Parce qu'ils ne voient toujours pas les retombées de ce grand plan de développement. A cause de son isolement, Al Hoceïma est toujours la ville la plus chère du Maroc. Les contestataires irrités par les retards pris par certains projets « veulent aussi être mieux associés, explique Kenza Afsahi, ils n'adhèrent pas par exemple à la marina prévue. » Ils préféreraient des usines, des activités qui fourniront au plus vite un travail au plus grand nombre.

Enfin ils ont été échaudés par la perte de leur statut de chef-lieu quand les services administratifs ont été délocalisés à Tanger devenue capitale régionale dans le cadre du redécoupage territorial. « Les habitants veulent aussi des écoles, des universités pour leurs enfants. C'est l'une des rares régions qui n'a pas d'antenne universitaire. Et le développement passe aussi par l'éducation », ajoute Kenza Afsahi. Dans cette région l'analphabétisme concerne quatre personnes sur dix.

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