Accéder au contenu principal
Le grand invité Afrique

Hervé Ladsous: au Mali, «les questions politiques de fond ne sont toujours pas réglées»

Publié le :

Hervé Ladsous est sur le départ. Après bientôt six ans à la tête des opérations de maintien de la paix des Nations unies, le diplomate français ne cache pas qu’il va sans doute quitter ce poste. Il est vrai que son patron, Ban Ki-moon, vient lui-même de céder sa place à António Guterres. Quels sont, en Afrique, les points chauds où le chef des casques bleus attire l’attention de celui ou celle qui lui succèdera bientôt ? En ligne de New York, le secrétaire général adjoint de l’ONU répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

Hervé Ladsous
Hervé Ladsous Monusco
Publicité

RFI : En Centrafrique, trois soldats de la paix sont morts cette semaine. Deux d’entre eux, des casques bleus marocains, ont été tués mardi dans l’attaque d’un convoi près d’Obo, aux confins du Soudan du Sud. Est-ce un attentat de l'Armée de résistance du Seigneur (LRA) de Joseph Kony ?

Hervé Ladsous : C’est une possibilité. Dans cette région, de l’extrême-est de la République centrafricaine, on sait que la LRA est active, donc on enquête. Mais je crois que ça illustre aussi plus généralement le fait qu’il y a eu multiplication d’incidents sécuritaires dans plusieurs parties de la République centrafricaine et que les groupes armés, en fait, plus que jamais il faut les désarmer. Ça doit être la priorité. C’est vraiment tout le programme de DDR [Désarmement, démobilisation et réinsertion] qui doit maintenant être activé.

Oui, mais ils le refusent ?

Certains le refusent, mais c’est la raison pour laquelle la Minusca [Mission de l’ONU en République centrafricaine] prend une posture aussi proactive que possible sur le terrain parce que c’est inacceptable. Donc c’est vraiment une de nos priorités que de voir ce programme de démobilisation et désarmement se mettre enfin en place durant la première période de cette année.

Au Soudan du Sud, Salva Kiir et Riek Machar sont toujours à couteau tiré. Et plus grave encore, les combats s’étendent à la région de l’Equateur central. Est-ce qu’on va vers de nouveaux massacres ?

Le risque est très élevé en cette période de saison sèche, qui traditionnellement dans cette partie du monde est marquée par une recrudescence des hostilités. Et nous sommes d’une extrême vigilance. Ce conflit du Soudan du Sud, depuis qu’il a repris il y a exactement trois ans, a peut-être fait 60 000, 80 000 morts. Personne ne le sait en vérité. Mais c’est absolument lamentable et je dois dire que les dirigeants sud-soudanais portent une lourde responsabilité dans cette situation très grave.

D’autant qu’ils refusent toujours de se parler l’un et l’autre ?

Oui. Riek Machar, l’ancien vice-président, leader de l’opposition, est en train de se faire soigner en Afrique du Sud. Mais clairement, le gouvernement de Juba lui a signifié qu’il n’avait pas sa place. Or c’est quand même une force politique qu’on ne peut pas purement et simplement traiter par prétérition.

En juillet 2016, sur la base d’un mémorandum que vous avez rédigé vous-même, le Conseil de sécurité de l’ONU a autorisé le déploiement de quelque 230 policiers au Burundi. Mais six mois plus tard, ils ne sont toujours pas arrivés à Bujumbura alors qu’un rapport de l’ONU fait état de possibles crimes contre l’humanité ?

Ce qui est vrai, c’est qu’effectivement nous n’avons pas pu déployer aucun des 229 policiers dont le Conseil de sécurité avait demandé qu’ils soient mis en place dans un contexte qui, nous le savons, a été marqué par un certain nombre d’assassinats sommaires, de violations avérées des droits de l’homme. Et c’est probablement pour cette raison que le gouvernement burundais n’a pas accepté leur déploiement. Mais la question reste totalement ouverte bien sûr.

Voulez-vous dire que c’est fini, qu’il n’y a aucune chance que ces policiers puissent venir un jour au Burundi ?

Nous sommes en stand-by. Moi j’ai des équipes qui sont prêtes à partir pour Bujumbura sous quelques jours, mais il nous faut pour cela un feu vert minimal des autorités. Or nous n’avons rien vu de tel pour le moment.

Au Congo-Kinshasa, il y a eu une bonne nouvelle le 31 décembre cet accord pouvoir-opposition. Mais par ailleurs, la Mission de l’ONU pour la stabilité en RD Congo, la Monusco, forme la police congolaise et le 19 décembre, elle lui a même livré de l’équipement dans l’Est, à Goma et Bukavu alors que cette même police a interpellé de nombreux civils dans le pays. Beaucoup vous accusent de soutenir les forces de sécurité alors que, selon le Haut-Commissariat des droits de l’homme, elles sont la première source d’insécurité ?

Je crois que la première source d’insécurité dans l’est de la République démocratique du Congo, ce sont les groupes armés. Alors ceci étant, oui, il est exact que la police et l’armée, les forces armées congolaises n’ont pas toujours des comportements exemplaires et c’est à cela que nous travaillons, à les former dans le respect et notamment des droits de l’homme. Et je précise que nous ne donnons jamais d’équipements létaux. Quand nous transférons quelques véhicules, il s’agit uniquement d’équipements pour gérer la sécurité au quotidien.

Au Mali, l’insécurité s’étend au centre du pays dans la région de Mopti. Est-ce que la Mission de l’ONU au Mali, la Minusma, n’est pas débordée ?

Je ne pense pas qu’on puisse dire que la Minusma est débordée, pas plus que ne le sont les militaires français de Barkhane dont je salue d’ailleurs au passage l’action. Je crois que la réalité, c’est qu'effectivement ces groupes armés étendent leur l’influence, en profitant du fait que les questions politiques de fond ne sont pas réglées. Cela fait un an et demi qu’ont été signés les accords dits d’Alger et la mise en œuvre ne s’est toujours pas concrétisée : la mise en place d’une administration intérimaire dans tout le nord du Mali, l’organisation de patrouilles mixtes pour montrer aux populations que le gouvernement malien est de retour... Il n'y a rien de tout cela.

Depuis que les Pays-Bas ont retiré leurs hélicoptères de combat, est-ce que la Minusma n’est pas plus fragile ?

Nous avons constamment des tensions sur le plan des équipements, nous n’avons jamais assez d’hélicoptères, pas assez de blindés. Donc nous multiplions les demandes auprès des Etats membres. Il y a des progrès et, en particulier, sur le plan des blindés qui sont une nécessité quand nous sommes attaqués à la mine ou à l’explosif improvisé. Les hélicoptères, nous essayons de trouver des solutions. Le Sénégal est très impliqué. Il est sur le point de déployer, de redéployer en fait, une force de réaction rapide qui était jusqu’à présent basée en Côte d’Ivoire et qui va s’installer les prochaines semaines à Mopti dans la partie centrale du Mali. Une force qui sera d’ailleurs équipée aussi d’hélicoptères de combat, et je crois que c’est très bien.

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Voir les autres épisodes
Page non trouvée

Le contenu auquel vous tentez d'accéder n'existe pas ou n'est plus disponible.