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Chronique de Jean-Baptiste Placca

Littérature: Cheikh Hamidou Kane et la démocratie en Afrique

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Pour le dernier exercice de cette année 2016 nous devions parler avec Jean-Baptiste Placca des pays qui portent les espérances du continent en matière de démocratie et de développement. Finalement c'est de littérature dont il est question, et plus particulièrement du roman philosophique «L'aventure ambigüe» de Cheikh Hamidou Kane. Un texte qui fait écho aux réalités actuelles du continent.

Jean-Baptiste Placca.
Jean-Baptiste Placca. (Photo : Claudia Mimifir)
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Tous ceux qui aiment les belles lettres, la belle écriture, doivent avoir aimé plus que toute autre cette émission consacrée à Cheikh Hamidou Kane dans la série Les grandes voix de l’Afrique, présentée cette semaine sur RFI par Sayouba Traoré.

Il fallait ressusciter ces entretiens riches et d’une telle densité, il fallait les rassembler pour les proposer, si intéressants et tellement en rapport avec les réalités du continent aujourd’hui.

L’auteur de L’aventure ambiguë, répondant entre autres à l’immense Maryse Condé, parle ici de démocratie à travers le mode de désignation de l’Almâmy, chez les gens du Diallobé qui correspond à la société toucouleurs sur les deux bords de la vallée du fleuve Sénégal. Et de démontrer à quel point ce mode de désignation, bien avant la colonisation, était plus démocratique que ce que l’on peut trouver de mieux aujourd’hui partout dans le monde et pas seulement en Afrique.

Vous vous en souvenez peut-être, c’est ce peuple qui, dans son hymne, s’adresse à son leader pour lui dire : « Si tu ne peux organiser, diriger et défendre le pays de tes pères, fais appel aux hommes plus valeureux. Si tu ne peux dire la vérité en tous lieux et en tous temps, fais appel aux hommes plus courageux. Si tu ne peux être impartial, fais appel aux hommes plus justes ».

Cela semble loin, en effet, de ce que l’on voit et de ce que l’on vit dans certains pays du continent aujourd’hui.

Il y a mieux dans cette émission. Cheikh Hamidou Kane revient sur les choix déchirants des personnages de son roman philosophique, L’aventure ambiguë, qui sont aussi les choix auxquels on est confronté dans l’Afrique indépendante. Il parle bien, il parle juste et explique le silence soudain des écrivains de sa génération, si prolixes avant et quelque peu taiseux après les Indépendances.

A entendre Cheikh Hamidou Kane parler, on réalise à quel point ce continent est perdant à ignorer ces grandes voix qui recèlent tant de trésors d’expérience, qui pourraient être tellement utiles pour éviter à l’Afrique de devoir répéter sans cesse les mêmes erreurs, les mêmes choix aventureux.

Un demi-siècle avant le tristement célèbre discours de Dakar, Cheikh Hamidou Kane y avait répondu. Encore fallait-il au rédacteur dudit discours avoir lu L’aventure ambiguë pour ne pas risquer une telle méprise. C’est juste ce qu’un manifestant des printemps arabes un jour de colère a qualifié d’« arrogance de l’ignorance ».

Alors que doit préserver l’Afrique de son point de vue ?

Pour l’essentiel, dit-il, les hommes souffrent des mêmes maux, ils ont les mêmes caractéristiques fondamentales, quelle que soit leur race, quel que soit leur pays. Ils ont besoin de vivre, ils ont besoin de culture, ont besoin d’étudier, de progresser. Que l’on soit nègre, russe, chinois ou américain, c’est, dit-il, la même condition fondamentale de l’homme. Il se trouve que la façon dont on ressent ces besoins et la façon dont on les exprime, dépend de la culture du lieu où l’on est né. Nous, les Noirs, nous ne sommes pas des êtres fondamentalement différents des autres humains.
Cheikh Hamidou Kane s’élève donc en faux contre toutes les prétentions racistes.

Mais en même temps, dit-il, on ne doit pas aller à l’excès inverse qui consisterait à prétendre que tous les hommes sont identiques. Ce n’est pas vrai. Nous avons des histoires différentes, nous avons des cultures différentes, des possibilités d’épanouissement différentes.

Et une des différences auxquelles il tient par-dessus tout est celle relative à l’oralité. A la culture de l’oralité qui réagit sur notre sensibilité, sur notre esthétique. Cette culture a des conséquences jusque chez nos sculpteurs, chez nos poètes et même chez nos travailleurs manuels.

On pourrait lui rétorquer que toute l’humanité a commencé par être une culture de l’oralité. Cela, il l’admet. Mais il souligne que dans une période historique ou une autre, les autres ont acquis les cultures, alors que les peuples noirs, jusqu’aux temps contemporains sont demeurés dans une culture de l’oralité.

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