Accéder au contenu principal
Le grand invité Afrique

P. Onanga-Anyanga: l’attaque de Kaga-Bandoro «est un acte comparable à un crime contre l’humanité»

Publié le :

En Centrafrique, les exactions meurtrières se multiplient depuis un mois, notamment à Kaga-Bandoro, dans le nord du pays. Pour le président Faustin-Archange Touadéra, c’est la première épreuve depuis son élection de février dernier. Et ce pic de violence tombe au moment où les militaires français de la force Sangaris s’apprêtent à plier bagage. Est-ce que tout peut déraper ? Parfait Onanga-Anyanga est le représentant spécial de Ban Ki-moon et le chef de la Minusca, la force des Nations unies. En ligne de Bangui, le diplomate gabonais répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

Parfait Onanga-Anyanga.
Parfait Onanga-Anyanga. DR / UN
Publicité

RFI : Depuis un mois, la situation se dégrade en Centrafrique. Pourquoi y a-t-il multiplication des attaques ?

Parfait Onanga-Anyanga : Il ne faut surtout pas généraliser parce qu'il y a certainement plusieurs foyers de tensions renouvelés, mais ils n’ont pas tous la même cause. Dans l’est du pays, nous avons toujours un peu cette fracture ancienne de groupes armés qui ont des revendications diverses. Ils se plaignent de marginalisation, ils souhaiteraient être pris en compte et participer à une gestion du pouvoir.

Vous parlez des ex-Seleka ?

Tout à fait. Alors qu’à l’Ouest, on a là des tensions anciennes liées pour une large part à la transhumance, le bétail. Ce sont des tensions de nature différente. Mais voilà, on se retrouve à être un peu sur tous les fronts pour l’instant.

Quel est le chef Seleka qui est à l’origine des exactions qui ont fait 30 morts la semaine dernière, le 12 octobre, à Kaga-Bandoro, c’est Noureddine Adam ou c’est al-Khatim ?

C’est difficile à dire. Les deux en tout cas nient avoir pris une part quelconque dans ces violences. J’ai eu le privilège d’accompagner le chef de l’Etat à Kaga-Bandoro lundi dernier [17 octobre]. Lui-même évidemment a rencontré plusieurs acteurs sur le terrain, y compris le responsable des groupes armés. Ce qui a été choquant dans les derniers évènements, c’est la nature des attaques qui avaient apparemment pour but de casser la ville de Kaga-Bandoro, en attaquant les représentants de l’autorité de l’Etat - le préfet, le sous-préfet, l’aide de camp du préfet aurait été assassiné-, en attaquant les humanitaires qui fournissent une aide vitale à près de 120 000 populations civiles, à Kaga-Bandoro, à toutes les communautés, et en s’attaquant également à la Minusca. Donc, nous sommes en train de mener des enquêtes, mais c’est un acte qui peut être comparable à un crime contre l’humanité.

Parmi les chefs de groupes armés rencontrés par le président Touadéra, y avait-il lundi dernier Noureddine Adam ?

Non.

Et al-Khatim ?

Monsieur al-Khatim était présent. Tout à fait.

Alors à Kaga-Bandoro, il y a des casques bleus. Mais le ministre centrafricain de la Sécurité publique, Jean-Serge Bokassa, accuse votre contingent pakistanais de connivence avec les ex-Seleka ?

Non, c’est une déclaration abusive. Non, je ne pense pas que ce soit la position du gouvernement centrafricain. Je trouve qu’il est vraiment dangereux de stigmatiser publiquement un contingent d’une force qui n’a d’autre vocation que de venir au secours des populations civiles en République centrafricaine. Je crois que c’est un écart de langage qu’il faudrait se garder de faire, car malheureusement ce que nous observons également, c’est que pour certains, ça peut être interprété comme un appel simplement au crime. J’ai aujourd’hui deux de mes soldats qui sont entre la vie et la mort parce qu’ils ont subi des attaques de groupes et cette fois-ci, anti-balaka, entre Grimari et Bambari.

Et les propos du ministre Bokassa peuvent jeter de l’huile sur le feu ?

J’ai quand même attiré l’attention sur le risque qu’il y avait justement de stigmatiser des forces qui sont sur un terrain difficile où il y a encore malheureusement des communautés entières qui sont armées. Et les embuscades tendues ici et là contre une force de maintien de la paix, d’ailleurs j’en profite pour dire que ce genre d’actes peuvent être considérés comme des crimes de guerre, passibles donc de poursuites internationales.

Les agressions contre les casques bleus ?

Absolument.

Autres violences meurtrières au PK5, le quartier musulman de Bangui. Après l’assassinat d’un officier centrafricain, les représailles contre des civils musulmans ont fait 11 morts. Qui a pu tirer sur cet officier, est-ce un membre du groupe d’autodéfense du PK5 ?

C’est établi. L’individu est connu et bénéficie encore aujourd’hui de la protection honteuse de soi-disant groupes d’autodéfense.

Donc vous demandez l’arrestation de cet assassin présumé ?

Absolument, de cet assassin et nous demandons également des enquêtes pour que tous ceux, qui ont commis ces actes de représailles absolument odieux, répondent de leurs actes devant la justice centrafricaine.

La semaine prochaine, le 31 octobre, le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, va venir à Bangui pour annoncer le retrait définitif des militaires français de Sangaris. Est-ce que la France n’abandonne pas la Centrafrique au pire moment ?

Non, il n’y a pas de pire moment. Au contraire, moi j’ose dire que les choses sont encore fragiles, les choses ne sont pas simples, mais ce n’est pas le pire moment de ce pays. Ce pays vient de se doter de dirigeants politiques élus de bien belle manière. Ce pays a renoué avec la légitimité constitutionnelle. Donc la Centrafrique n’est pas au pire moment. Non. D’abord pour être précis, la France maintiendra une capacité sur le terrain de près 350 hommes en uniforme, ce qui n’est pas rien. Et en plus, il va y avoir une capacité de Sangaris qui sera mise à la disposition de l’Eutm qui est cette capacité de l’Union européenne qui assure la formation justement des militaires centrafricains. Puis la Minusca elle-même se dotera d’une capacité de renseignements française pour répondre aux menaces auxquelles nous pourrons faire face. Puis la Minusca elle-même va bientôt avoir une force d’intervention rapide portugaise. Donc nous sommes dans une situation plus confortable, je crois qu’il est bon de le souligner.

Malgré votre requête, il y a trois mois à New York, le Conseil de sécurité des Nations unies ne vous a pas accordé de nouveaux moyens, notamment de drones, pour surveiller et écouter les mouvements armés qui circulent en Centrafrique. Si vous aviez eu ces drones, est-ce que vous auriez pu empêcher les exactions de ces dernières semaines ?

Il faut tout dire, la capacité française à laquelle je faisais allusion sera une capacité justement de renseignements qui viendra sur le terrain et qui nous permettra de profiter précisément des moyens aériens qui nous donneront une plus grande capacité de surveiller des mouvements suspects de groupes armés. Et nous le faisons déjà dans Bangui. Donc, non. Nous avons aujourd’hui et nous aurons dans un petit mois, je crois, encore plus de capacités qui nous permettront précisément d’être un peu plus vigilants. Mais maintenant, ces moyens-là ne règlent pas tous les problèmes. Exemple dans ces évènements malheureux du kilomètre 5, grâce à nos moyens, nous disposons d’informations suffisantes qui nous ont permis d’identifier l’assassin.

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Voir les autres épisodes
Page non trouvée

Le contenu auquel vous tentez d'accéder n'existe pas ou n'est plus disponible.