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Le présentateur et écrivain français Bernard Pivot est mort à 89 ans

Le présentateur et écrivain Bernard Pivot, qui a fait lire des millions de Français grâce à son émission Apostrophes, est mort lundi 6 mai à Neuilly-sur-Seine, dans la région parisienne, à l'âge de 89 ans, a annoncé sa fille Cécile Pivot à l'Agence France-Presse.

Le président de la société littéraire Académie Goncourt, Bernard Pivot, est photographié le 5 mai 2015 au restaurant Drouant à Paris.
Le président de la société littéraire Académie Goncourt, Bernard Pivot, est photographié le 5 mai 2015 au restaurant Drouant à Paris. © THOMAS SAMSON / AFP
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Resté dans les mémoires un livre à la main, sa paire de lunettes dans l'autre, Bernard Pivot avait également présenté l'émission Bouillon de culture et organisé à partir de 1985 les Dicos d'or, championnat d'orthographe vite devenu international.

D'autres se souviennent de lui, vêtu de la vieille blouse grise des instituteurs, comme celui qui tenta de réconcilier les francophones avec l'orthographe en organisant, à partir de 1985, les Dicos d'or, championnat d'orthographe vite devenu international.

Il a signé trois romans : L'Amour en vogue (1959), qu'il ne trouve pas sérieux, Oui, mais quelle est la question ? (2012) et ... Mais la vie continue (2021), proches de l'autofiction. Il écrit aussi plusieurs essais sur la langue française, et sur ses deux autres grandes passions : le football et le vin.

Né à Lyon le 5 mai 1935, dans une famille de petits commerçants, il a passé son enfance dans le Beaujolais et était connu pour être un amateur éclairé des vins de ce terroir. On lui doit un Dictionnaire amoureux du vin (Plon, 2006). En football, c'était un fidèle de l'AS Saint-Étienne et de l'équipe de France.

Il se définissait avant tout comme journaliste, un métier dont il a connu toutes les facettes. Après des débuts comme stagiaire au Progrès de Lyon, il entre au Figaro littéraire en 1958. Chef de service au Figaro en 1971, il démissionne en 1974 après un désaccord avec Jean d'Ormesson (qui deviendra son invité télé le plus fréquent). Il passe par Lire, Le Point, Le Journal du Dimanche.

Vous m'en direz des nouvellesBernard Pivot, 85 ans et toujours à la page

« L'insatiable curiosité littéraire »

L'Académie Goncourt a salué l'« insatiable curiosité » et la « haute morale » de Bernard Pivot, qui a été, en 2004, le premier « non-écrivain » coopté au sein de l'Académie Goncourt. Il en est devenu le président en 2014 avant de s'en retirer fin 2019.

Lors de sa présidence, « Bernard avait su faire bénéficier l'académie de son insatiable curiosité littéraire, de son engagement infaillible au service du monde des lettres, ainsi que de son honnêteté et de sa haute morale », a écrit l'Académie dans un communiqué.

Plusieurs personnalités ont déjà réagi au décès de Bernard Pivot sur les réseaux sociaux, dont Tahar Ben-Jelloun l'écrivain franco-marocain a fait partie de l'Académie Goncourt avec Bernard Pivot et a été plusieurs fois son invité dans la célèbre émission Apostrophes. « C'est quelqu'un qui a su comment faire lire les Français, comment les faire aimer la littérature. Il a rendu populaire ce qui était parfois inaccessible », explique l'auteur à RFI.

L'écrivain franco-congolais récompensé du prix Renaudot, Alain Mabanckou pointe que « Bernard Pivot a été un pont gigantesque ».

En 2016, Bernard Pivot ironisait sur son propre décès : « L'habitude des radios de m'appeler à la mort d'un écrivain est si grande que, le jour où je mourrai, elles m'appelleront ».

Emmanuel Macron lui a rendu hommage, estimant qu'il « restera ce passeur, populaire et exigeant, cher au cœur des Français ». « Apprendre à écrire avec ses Dictées, à découvrir livres et auteurs avec Apostrophes, à vivre avec l'esprit français, de conversation, de curiosité, de gourmandise », a par ailleurs écrit le président de la République, dans un message posté sur le réseau social X.

Créer une intimité

C'est le jour de l'An 1967 que Bernard Pivot apparaît pour la première fois à la télévision. En 1974, après l'éclatement de l'ORTF, il a l'idée d'Apostrophes, diffusé pour la première fois sur Antenne 2 le 10 janvier 1975.

Cette émission qu'il anime en direct, après le Concerto pour piano numéro 1 de Rachmaninov, est indétrônable le vendredi soir. On y rit beaucoup, on rivalise d'esprit, on fume et on boit, on s'insulte, on s'embrasse… Le public adore, les ventes suivent.

Les géants des lettres se succèdent dans ce salon d'un nouveau genre où Bernard Pivot sait créer une intimité et réunir des duos improbables. Cavanna essaie de faire taire un Charles Bukowski ivre mort avec un fameux « Bukowski, je vais te foutre mon poing dans la gueule ! », auquel Pivot ajoute : « Shut up... » Soljenitsyne y défend L'Archipel du goulag et ses mémoires. Marguerite Duras lui avoue : « On boit parce que Dieu n'existe pas ».

Sagan, Barthes, Nabokov, Bourdieu, Eco, Le Clézio, Modiano, Levi-Strauss ou encore le président Mitterrand seront ses invités. En 1987, il interviewe clandestinement Lech Walesa en Pologne. Facétieux et lecteur minutieux, il soumet ses invités au « questionnaire de Pivot », inspiré de celui de Proust.

Quand Apostrophes s'arrête, l'infatigable journaliste crée Bouillon de culture, toujours sur le service public, à l'horizon plus large que les livres. Quand l'émission cesse en juin 2001, le dernier numéro rassemble 1,2 million de téléspectateurs.

Affaire Matzneff

Apostrophes a duré quinze ans, de 1975 à 1990, suivie par des millions de téléspectateurs. Et certains extraits ont toujours un gros succès sur internet.

Ainsi, quand a surgi en janvier 2020 l'affaire Gabriel Matzneff, qui a bénéficié d'une grande complaisance alors qu'il avait des relations sexuelles avec des mineures, on a beaucoup revu une émission de mars 1990 dont l'écrivain était invité.

Également sur le plateau, la romancière québecoise Denise Bombardier s'oppose alors à Gabriel Matzneff. « S'il y a un véritable professeur d'éducation sexuelle, c'est quand même Gabriel Matzneff, il donne volontiers des cours », lance Bernard Pivot, badin, en présentant l'auteur comme « collectionneur de minettes ».

« Moi, M. Matzneff me semble pitoyable », répond Denise Bombardier, seule sur le plateau à s'inquiéter des conquêtes mineures de l'écrivain et jugeant qu'il aurait eu « des comptes à rendre à la justice » s'il n'avait pas « une aura littéraire ». « Il y a des limites même à la littérature », déclare-t-elle encore.

Avec trente ans de recul, la séquence choque. « Aujourd'hui, la morale passe avant la littérature. Moralement, c'est un progrès », se défendra Bernard Pivot.

La popularité du journaliste littéraire, qui rassemblait près d'un million d'abonnés sur Twitter, n'a pas été entamée par cette polémique, mais il choque en septembre 2019 avec un tweet jugé sexiste à propos de l'activiste suédoise Greta Thunberg.

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