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Entretien

Tiago Rodrigues: «Le Festival d’Avignon est plus urgent que jamais»

Avec un spectacle choc dans la Cour d’honneur du Palais des papes, de nombreuses créations mondiales, l’espagnol en tant que langue invitée et une parité parfaite entre hommes et femmes, Tiago Rodrigues, le directeur du Festival d’Avignon vient de dévoiler ses ambitions pour la 78e édition. Jeux olympiques en France obligent, le festival phare du spectacle vivant contemporain sera inauguré cette année une semaine plutôt, le 29 juin, mais, pied de nez, il durera aussi deux jours plus longs, jusqu’au 21 juillet. Entretien.

Tiago Rodrigues, directeur du 78e Festival d’Avignon qui aura lieu du 29 juin au 21 juillet 2024.
Tiago Rodrigues, directeur du 78e Festival d’Avignon qui aura lieu du 29 juin au 21 juillet 2024. © Siegfried Forster / RFI
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RFI : Nous vivons dans un monde de crises, de guerres et de catastrophes annoncées. Comment le Festival d’Avignon compte-t-il agir dans ce monde-là ?

Tiago Rodrigues : Comme il a toujours agi… Même pendant les plus grandes crises, le Festival d'Avignon a su continuer à célébrer l'importance des arts vivants, sans être aveugle aux injustices et troubles du monde. La création du Festival était d’ailleurs un geste de réaction à la Seconde guerre mondiale, à l'occupation nazie, à la Shoah, et une conséquence de la résistance et de la libération. Jean Vilar a essayé de rassembler les gens à travers les arts et a fondé le Festival d'Avignon dans un enjeu de décentralisation et démocratisation que nous continuerons à défendre aujourd'hui. D'ailleurs, nous croyons qu'il est plus urgent que jamais.

La metteure en scène espagnole Angélica Liddell va ouvrir cette année le Festival d’Avignon dans la Cour d’honneur du Palais des papes avec Dämon, el funeral de Bergman. Un spectacle choc pour révéler les maux de notre monde actuel ?

Angélica Liddell est une des grandes écrivaines de spectacle de notre temps. Son esthétique et son discours sur scène peuvent être troublants parfois, mais la Cour d'honneur du Palais des papes est un lieu qui nous a présenté des esthétiques d’une grande radicalité à travers des décennies. Moi, quand je suis confronté à la possibilité d'un spectacle qui trouble, qui ne plaît pas, qui est dur - et quand cette question m’est posée par des journalistes, je demande toujours : « Alors, dans les journaux, on ne donne que de bonnes nouvelles ? » Faisons-nous vraiment notre travail si on essaie d'effacer les maux du monde, si on ne peut pas les traduire en art ? N’est-ce pas préférable de parler du monde, de ses difficultés, de ses complexités, avec la poésie de la scène ? Surtout, je suis un Portugais, et si je pose cette question en France, je pose aussi la question à un pays qui nous a donnés Antonin Artaud. Après Artaud, à la Cour d'honneur du Palais des papes, on peut tout faire.

«Dämon, El funeral de Bergman», pièce d’Angélica Liddell programmée au Festival d’Avignon 2024 dans la Cour d’honneur du Palais des papes.
«Dämon, El funeral de Bergman», pièce d’Angélica Liddell programmée au Festival d’Avignon 2024 dans la Cour d’honneur du Palais des papes. © Angélica Liddell

Vous avez intitulé l’édition 2024 Chercher les mots. La langue invitée de cette année est l’espagnol. Quelle est la leçon que vous avez tiré de l’expérience de l'anglais l'année dernière et que vous allez appliquer cette année pour l'espagnol ?

L’année dernière, nous avons commencé à inviter des langues, parce que depuis le Festival d'Avignon, on voit le monde connecté, lié par des langues et pas nécessairement divisé par les frontières et les nationalités. Il y a déjà trop d'organisations qui voient la fermeture du monde. Nous pensons que nous, en tant qu’artistes et gens du théâtre, de la danse, des arts vivants, nous avons la liberté, presque le devoir, de regarder le monde autrement pour le partager avec le public.

C'est la raison pour laquelle nous avons décidé l’année dernière d’inviter l'anglais. Et nous avons décidé d'aller plus loin cette année avec l’espagnol. On continue d’avoir une grande quantité de spectacles issus de pays de la langue invitée, de la langue espagnole : l’Espagne, l’Argentine, le Chili, le Pérou, l’Uruguay et d'autres pays. Et on veut aller plus loin en invitant par exemple des cinéastes, des écrivains… Je pense à Enrique Vila-Matas, un des grands écrivains de langue espagnole aujourd'hui. Ou en invitant des chercheuses et chercheurs, des philosophes, des sociologues, Paul B. Preciado sera avec nous pour parler de la discrimination de gens transgenres. Je pense aussi à l'influence de la langue espagnole patrimoniale, sa richesse dans d'autres cultures : Gwenaël Morin met en scène Quichotte avec Jeanne Balibar. Cette édition nous permet d’irriguer beaucoup plus la programmation avec cette recherche qu'on a fait de la langue espagnole que ce qu'on a fait peut-être l’année dernière avec une première expérience avec la langue anglaise.

Vous allez investir en tant que metteur en scène la Carrière de Boulbon avec Hécube, pas Hécube, d’après Euripide. Quel est le premier mot qui vous vient à l’esprit quand vous pensez à votre approche artistique et théâtrale ?

Ce sont deux mots, avec un trait d’union au milieu : Comédie-Française. C’est la Comédie-Française qui va occuper la Carrière de Boulbon et j'aurai le privilège de les accompagner.

Le directeur Tiago Rodrigues lors de la présentation du 78e Festival d’Avignon qui aura lieu du 29 juin au 21 juillet 2024.
Le directeur Tiago Rodrigues lors de la présentation du 78e Festival d’Avignon qui aura lieu du 29 juin au 21 juillet 2024. © Siegfried Forster / RFI

► 78e Festival d’Avignon, du 29 juin au 21 juillet 2024, la billetterie sera ouverte à partir du samedi 6 avril à 13h.

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