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Culture

Cinéma: William Nadylam, acteur dans «Fantastic Beasts»

William Nadylam prend des rôles qui lui ressemblent : sensibles, complexes, sans se laisser enfermer dans un seul registre. Il a joué Le Cid, Hamlet, Othello au théâtre et percé au cinéma. Dans Fantastic Beasts, The Crimes of Grindelwald, grosse production hollywoodienne dont le scénario est tiré de la saga de Harry Potter, il incarne l’un des personnages principaux.

William Nadylam dans le rôle de Yusuf Kama pour le film Fantastic Beasts: The Crimes of Grindelwald.
William Nadylam dans le rôle de Yusuf Kama pour le film Fantastic Beasts: The Crimes of Grindelwald. DR/The Crime of Grindelwald
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De Fantastic Beasts II, un film qui sort en mars en DVD, William Nadylam ne tire pas de gloire exagérée. Il insiste plutôt sur un « scénario écrit par J.K. Rowling, le quatrième auteur le plus lu de l’histoire ». Aux côtés de Zoë Kravitz et Johnny Depp, il incarne le personnage de Yusuf Kama. Mais aussi une réussite hautement symbolique, pour tous les acteurs afro-descendants du monde francophone. Toujours modeste, il raconte avoir décroché son rôle dans cette grosse production – la première de sa carrière – « parce que l’histoire de cet épisode se déroule en France » et qu’il s’exprime aussi bien en anglais qu’en français.

Derrière ce succès, il y a néanmoins tout un parcours, 30 films et autant de pièces de théâtre. Le sien, classique, l’a vu passer de narrateur pour des opéras (Le survivant de Varsovie sur une partition de Schoenberg, au Théâtre des Champs-Élysées) à de premiers rôles au théâtre et au cinéma, sans négliger les productions africaines. Il a notamment joué le personnage principal dans L’Absence, un film de Mama Keïta.

Né à Montpellier, il a passé une partie de sa petite enfance au Cameroun, avant de vivre en Belgique et de nouveau au  pays de son père, entre 9 et 13 ans. Son rêve d’enfant était « de rendre les gens heureux », à un âge où il était toujours troublé de pouvoir fâcher quelqu’un. Il se souvient du crâne humain que son père, médecin bamiléké, avait sur sa table. Hérité de la faculté de médecine, ce crâne lui contait en silence toute une histoire. « Je prenais conscience que le visage est périssable. Derrière chaque visage blanc ou noir, il y a toujours la même chose, un crâne humain ».

Il s’est choisi un nom de scène inspiré par le prénom de sa mère, d’origine indienne. Marqué par les impacts respectifs des grandes personnes qui l’entourent, son père, un oncle prêtre et un autre oncle avocat, il raconte : « tous les trois s’occupaient des gens pour les protéger, soigner leur corps et leur âme ». Il y voit un rapport avec le jeu d’acteur : « on peut approcher les gens, peut-être pas apporter des réponses, mais au moins un peu de réconfort ».

L’art dramatique, « par hasard »

Envoyé à 14 ans dans un internat en France, il participait à des compétitions de danse sportive. Les films qui le font alors rêver sont ceux de Fred Astaire ou des Nicholas Brothers, des comédies musicales. Lors d’un championnat du monde de danse sportive en Italie, il se voit proposer par la RAI, à son grand étonnement, un rôle dans une série télévisée. Il refuse, mais commence à penser au conservatoire d’art dramatique, tout en s’inscrivant en fac de médecine.

La suite survient par hasard. Un jour, une amie lui demande de l’aider pour entrer à l’école de la Rue Blanche. Elle l’inscrit à l’audition pour lui donner la réplique. « Je passe, et j’entre donc par accident dans cette école de théâtre, pour laquelle j’ai interrompu ma médecine », résume-t-il.

Ensuite, tout s’enchaîne. Il monte des pièces à l’Hôpital Éphémère, une ruche artistique en plein Paris dans les années 1990, jusqu’à ce que des metteurs en scène lui confient des rôles importants qui le propulsent au Festival d’Avignon. Ce sera entre autres Olivier Py avec La Servante, Jacques Nichet avec La tragédie du roi Christophe d’Aimé Césaire, Declan Donnellan avec Le Cid, Peter Brook avec Hamlet, The Suit et A Magic Flute. Il en ressort avec une « conscience plus riche du monde », après des tournées qui le mènent de Venise à Novosibirsk.

Son parcours cinématographique, qui le fait tourner avec Euzan Phalcy, Claire Denis ou Francis Girod, est marqué par la maîtrise de ses choix. « J’ai accepté de ne pas travailler plutôt que d’accepter des offres indignes. J’aurais eu honte si je l’avais fait ». De quoi s’agit-il ? Sa réponse : « des rôles qui n’étaient pas pensés, sans amour, des rôles accessoires ». Il n’entre pas plus avant dans la polémique, qu’elle soit raciale ou pas.

Le jeu, un processus d’identification universel

Tout au long de sa carrière, des remarques lui ont été faites sur le caractère « impossible » de ses rôles. « Pour Le Cid, une collègue m’a dit que le public n’y croirait pas, parce que je suis Noir ». Une autre comédienne lui assène, avant qu’il ne joue Oreste dans Andromaque, que « personne ne croira que tu es mon frère ». Il répond simplement : « c’est du théâtre ». Et reste convaincu que des figures mythiques comme Sydney Poitier ou Harry Belafonte ont amené des générations de spectateurs du monde entier à des « sentiments insoupçonnés », en leur permettant de s’identifier à un « autre », certes, mais surtout un autre être humain.

« Les acteurs sont des supports fantasmatiques avec lesquels on s’identifie, explique-t-il, et il faut que ce processus s’enclenche pour que le rôle soit réussi. Pour que la narration se fasse, les anglophones parlent de « suspension of disbelief » (« la suspension consentie de l’incrédulité »), qui fait qu’on accepte qu’un médecin soit noir par exemple ». Au Cameroun, il se souvient avoir imité Jackie Chan ou Bruce Lee avec d’autres enfants en sortant du cinéma, ou encore « zam-zam », le rôle du « rigolo » dans les films indiens de Bollywood. Parmi ses lectures préférées, il cite Le Mahabarata, tout Shakespeare, les Métamorphoses d’Ovide et Ta-Nehisi Coates, dont il mentionne  l’essai en anglais « Between the World and Me » plutôt qu’en français (« Une colère noire »).

En esprit posé, avec une force manifeste de recul, William Nadylam s’épargne la peine de la colère. La raison en est toute simple. Elle se lit entre les lignes de son itinéraire comme de son propre discours : il se fait une idée plus haute de l’existence.

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