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Kirghizistan

Fin de partie pour Bakiev ?

Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, appelle au retour à l'ordre constitutionnel au Kirghizistan, où, le 8 avril, au deuxième jour d’un soulèvement sanglant, qui a fait plusieurs dizaines de morts et un millier de blessés, l'opposition s’est donné un gouvernement de transition pour organiser une élection présidentielle dans les six mois afin de remplacer le président Kourmanbek Bakiev. En fuite, celui-ci refuse de démissionner, mais il est très isolé, le Premier ministre russe, Vladimir Poutine, accordant sa reconnaissance « comme chef du nouveau gouvernement » kirghize à l’opposante Roza Otounbaïeva, une diplomate formée en Russie mais qui a représenté son pays aux Etats-Unis, deux pays dont l’arbitrage est crucial pour le jeu politique Kirghize.

Devant le Parlement Kirghize à Bichkek, le 8 avril 2010.
Devant le Parlement Kirghize à Bichkek, le 8 avril 2010. Reuters/Vladimir Pirogov
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S’il n’est déjà déchu, le sudiste Kourmankek Bakiev est pour le moins en très grand danger de glisser du fauteuil présidentiel où, le 23 mars 2005, en hommage au printemps, une révolution dite « des Tulipes » l’avait porté à la place de celui qu’il avait servi comme Premier ministre, Askar Askaïev, le premier président du Kirghizistan indépendant né en 1991 de l’effondrement de l’Union soviétique. Aujourd’hui en fuite, sans doute réfugié dans son fief sudiste de Djalal-Abad, dans la région d’Och, Kourmanbek Bakiev admet que « l'armée et les forces de l'ordre se sont soumises à la nouvelle administration », le gouvernement intérimaire de l’opposition. Il l’écrit dans un communiqué publié par l'agence kirghize 24kg où il s’affirme toujours « président de la République du Kirghizistan », accusant l’opposition de coup d’Etat.

Roza Otounbaïeva, la femme providentielle

Roza Otounbaïeva, présidente par intérim du Kirghizistan.
Roza Otounbaïeva, présidente par intérim du Kirghizistan. Reuters / Vladimir Pirogov

La débandade des forces de répression du régime Bakiev a été spectaculaire. Et si Bakiev se plaint d’être « privé de tout moyen d'influer sur la situation » pour ramener l’ordre dans le pays, c’est aussi pour mieux dénoncer les pillages des bâtiments gouvernementaux et des magasins. Une situation qui a vu le ministre de l'Intérieur par intérim, Bolot Cherniazov, autoriser « le recours aux armes à feu contre les pillards », comme il l’a déclaré à la télévision d'Etat. Une situation qui ne pouvait pas non plus laisser muet le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon en visite à Vienne où il rencontrait justement les ambassadeurs des 56 Etats membres de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).

« Il est temps d'agir de façon urgente pour assurer l'ordre constitutionnel », a déclaré Ban Ki-moon alors que l’opposition avait déjà pris les devants à sa manière, en formant un gouvernement par intérim, un conclave d’une douzaine d’opposants d’envergure annonçant la dissolution du Parlement avant de former une équipe de transition pour assurer l’ensemble des fonctions gouvernementales, présidentielles et parlementaires. Malgré l’état de dégradation des bâtiments du Parlement, ses locaux servent de quartier général aux membres de l’équipe dirigée par Roza Otounbaïeva, « femme providentielle » sortie du rang diplomatique pour arbitrer le mécontentement populaire, d’Akaïev à Bakiev, d’une nomenklatura à l’autre.

Kourmanbek Bakiev isolé

01:00

Bichkek au lendemain des affrontements

Il aura suffi de cinq années de pouvoir au président Bakiev pour décevoir tous les espoirs de changement en installant ses frères et ses fils aux postes-clef de la diplomatie, du renseignement et surtout de l’économie, en particulier dans les juteux secteurs où se jouent les privatisations des secteurs de l’énergie et des télécommunications. Au début de l’année l’augmentation des prix de l’électricité (multipliés par deux) et du chauffage (multipliés par dix) a mis le feu aux poudres.

En dépit du légalisme onusien et des bases militaires russes et américaines qu’il a accepté d’abriter moyennant finances, Kourmanbek Bakiev n’a pas grand secours extérieur à espérer, surtout si le pouvoir transitoire aménage sa sortie avec un minimum de formes constitutionnelles, sinon démocratiques. C’est visiblement sur ce terrain que l’opposition a voulu jouer sur l’image très pro-occidentale de Roza Otunbaïeva depuis sa rupture en 2004 avec le régime Akaïev dont elle avait été ministre des Affaires étrangères et ambassadeur aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne avant d’être l’envoyée spéciale de l’ONU en Géorgie, en 2003, pendant la Révolution de la Rose.

Moscou satisfait, Washington embarrassé

En 2005, Roza Otunbaïeva avait réapparu à Bichkek comme égérie d’un soulèvement qui avait porté Bakiev au pouvoir. Moscou avait pour sa part dénoncé la main de Washington dans la déposition d’Akaïev. Par la suite, la Russie s’était irritée du jeu de balance de Bakiev entre Washington et Moscou dont le Kirghizistan abrite des bases militaires moyennant finance, mais aussi au prix d’un jeu diplomatique sur le fil du rasoir. Roza Otunbaïeva était à Moscou il y a peu et le Premier ministre russe, Vladimir Poutine, s’est longuement entretenu par téléphone avec elle au lendemain du soulèvement pour l’adouber officiellement, comme « chef du nouveau gouvernement » kirghize, tout en niant, bien sûr, toute implication de Moscou dans les événements de Bichkek.

Même s’ils assurent que rien n’est pour le moment remis en question, les Etats-Unis ont peut-être du souci à se faire pour leur base kirghize de Manas par laquelle transitent chaque mois 35 000 soldats américains pour aller et venir d’Afghanistan. Mais ce n’est sûrement pas de nature à les inciter à sauver le régime corrompu et à bout de souffle de Bakiev. Comme le soulignent certains observateurs spécialisés, c’est plutôt de ne pas l’avoir dénoncé assez fort au nom de la stabilité qui constitue sans doute aujourd’hui un motif de regret pour les Etats-Unis comme pour l’Europe.

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