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Visite de Xi Jinping en France: la Chine espère un «moment de détente» avec l’Europe

Le président chinois commence, ce lundi, une visite officielle de deux jours en France, qui marque les 60 ans des relations diplomatiques entre les deux pays. Xi Jinping se rendra ensuite en Serbie, puis en Hongrie, dans un contexte de tensions commerciales et stratégiques avec l’Europe. 

Emmanuel Macron serre la main de Xi Jinping à Pékin, le 6 avril 2023.
Emmanuel Macron serre la main de Xi Jinping à Pékin, le 6 avril 2023. via REUTERS - POOL
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 De notre correspondant à Pékin,

Contrairement aux anniversaires précédents, il n’y a pas ou peu d’images en noir et blanc du général de Gaulle reconnaissant la Chine de Mao dans la presse chinoise ces derniers jours. Pour célébrer les 60 ans des relations diplomatiques entre la Chine et la France, les médias d’État ont préféré diffuser les portraits couleurs de Français qui travaillent depuis longtemps avec la Chine. Comme celui de l’industriel Alain Mérieux, qui a reçu en 2018 une médaille de l’amitié des mains du président Xi Jinping.

Une manière de saluer la vivacité d’une relation qui est toujours en reprise post-Covid. « La Chine accorde une grande importance à l’amitié sino-française », souligne la bande-son de ces courtes vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, saluant ces Français qui « ont contribué au développement du pays ».   

Échanges culturels et transferts de technologies 

Dans le narratif chinois, la relation sino-française est marquée par des « liens spéciaux ». Paris était la première capitale occidentale à « placer ses rapports avec la République populaire de Chine sur un plan normal », disait le général de Gaulle. C’est-à-dire sur un plan d’égalité diplomatique avec l’échange d’ambassadeurs. Les entreprises françaises auraient également été parmi les premières à accepter les transferts de technologies.

Cette visite d’État du président chinois en France a été précédée de nombreux évènements économico-culturels en Chine, co-organisés par les think-tank du régime. À l’automne dernier, un séminaire franco-chinois du groupe Fazheng et de Vivendi a ainsi réuni des tables rondes sur « la communication, l’art, la coopération et le développement ». L’occasion d’évoquer la puissance des réseaux et de la 5G : « Nous allons construire le plus grand réseau de communication qui va permettre à la jeunesse mondiale de connaître notre culture et de goûter notre cuisine »avait alors indiqué le vice-directeur du patrimoine immatériel de Pékin, Su Dan. Ceci avant une démonstration de Guqin, la cithare chinoise à 7 cordes.

Une femme passe devant les affiches d'une exposition consacrée Charles de Gaulle à Chengdu, dans le Sichuan, à 2005 (Image d'illustration).
Une femme passe devant les affiches d'une exposition consacrée Charles de Gaulle à Chengdu, dans le Sichuan, à 2005 (Image d'illustration). © Getty

Parmi les intervenants encore, le directeur de « l’École royale de Pékin » s'était félicité de la mise en marche, en 2018, du premier réacteur pressurisé européen (EPR) à Taishan dans le sud-est de la Chine - pourtant à l’arrêt depuis janvier 2023 -, ainsi que de l’acquisition d’un laboratoire de virologie de type P4 à Wuhan dans le centre du pays. « Sans le leadership du président Jacques Chirac, nous n’aurions pas pu obtenir cette technologie, a alors affirmé Wang Xiangbo dans un élan d’enthousiasme - et de sincérité. Il ne s’agit donc pas seulement de culture. Pour être honnête, de nombreuses technologies de pointe en Occident, y compris des technologies militaires, sont entrées par la porte dérobée depuis la France que nous remercions ».  

Ces types de transferts de technologie, qui remontent au temps des empereurs, restent une attente de Pékin dans les partenariats qu’elle entend signer avec les pays européens, même si aujourd’hui, la deuxième économie du monde a aussi ses technologies à vendre. Ainsi, à l’occasion de la célébration du 75eme anniversaire des relations diplomatiques entre la Chine et la Hongrie, Xi Jinping pourrait, selon les médias hongrois, annoncer la construction d’une usine du constructeur automobile chinois Great Wall Motors.  

Séduire la France, amadouer l'Europe

Les relations personnelles font partie des mantras de la diplomatie chinoise qui qualifie régulièrement de « pays amis », ceux avec qui elle entretient de bonnes relations. Même chose pour les hôtes étrangers des dirigeants chinois, affublés à tout bout de champ des épithètes « ami »,« vieil ami », « grand ami », voir « meilleur ami » comme ce fut le cas pour Vladimir Poutine en 2019

La France s’inscrit dans cette longue tradition d’amitié, depuis que « l’acte visionnaire » de général de Gaulle a bousculé l’ordre bipolaire. « Il y a soixante ans, la Chine et la France ont brisé la glace de la guerre froide et apporté la paix et la stabilité à l’ordre international », écrit le journal Pangpai ce dimancheavec un clin d’œil appuyé au monde d’aujourd’hui. Le site officiel d’information rappelle qu’au cours d’une si longue période « les relations sino-françaises ont connu des hauts et des bas, mais se situent toujours au sommet stratégique de l’ordre mondial en quête de paix, de multilatéralisme et d’humanité. » Le pouvoir chinois avait déjà choisi le Figaro pour un entretien de Hu Jintao avant sa visite en France en 2010. Cette fois encore c’est dans les pages du quotidien conservateur que son successeur publie une tribune : « À l’amorce de sa visite en France, le président de la République populaire de Chine promet d'ouvrir les marchés chinois aux entreprises occidentales, assure comprendre l'enjeu de la crise ukrainienne pour les Européens et se dit attaché au respect mutuel et à la coexistence pacifique entre États ». Mais la coopération stratégique ne signifie pas une absence de contradictions. Les divergences se sont même multipliées ces derniers temps.

Surcapacités du « made in China » menaçant l’industrie européenne, guerre en Ukraine et alliance entre Moscou et Pékin, l’Europe perçoit désormais la Chine comme une menace à sa prospérité et un défi à sa sécurité. Une image qu’aimerait modifier Pékin en s’appuyant sur l’amitié France-Chine. « Ce type de diplomatie au sommet doit favoriser la résolution des questions en suspens en matière économique et commercial », affirme Shen Shiwei, expert de CGTN (les programmes vers l’étrangers de la télévision centrale de Chine.-NDLA) spécialisé sur les BRI, les nouvelles routes de la soie chinoises. « Ces échanges en face à face visent également à renforcer la confiance mutuelle et la coopération stratégique essentielle à la coopération entre la Chine et la France, mais aussi à renforcer la stabilité des relations entre la Chine et l’Europe », poursuit-il.

Lors de sa visite à Canton en 2023, Emmanuel Macron avait eu droit à la cérémonie du thé. Ce mardi 7 mai, le président français emmènera son homologue chinois à la montagne pour cultiver ses liens spéciaux appréciés des Chinois.  

Des petites attentions et des oublis

Au programme de la visite officielle de Xi Jinping en France, figure en effet une visite dans les Pyrénées, à Bagnères-de-Bigorre, ville de résidence de la grand-mère du président français aujourd’hui disparue. Il y aura aussi un passage par le col du Tourmalet bien connu du peloton du Tour de France et peut-être une excursion jusqu’au Pic du Midi, manière, là encore, d’élever les relations entre les deux pays.

Un programme qui ne convient pas au maire de… Montargis. « Xi Jinping a autre chose à faire que d’aller voir des paysages pyrénéens, quand un dirigeant se déplace il faut l’emmener dans un lieu où on lui parlera de paix », affirme Benoît Digeon au micro de RFI.

Après une visite à Pékin le mois dernier avec une délégation de onze personnes, le maire de cette sous-préfecture du Loiret, située à une centaine de kilomètres au sud de Paris et qui elle aussi a une histoire particulière avec la Chine, espérait accueillir le président chinois. En effet, les usines de caoutchouc de cette ville de 15 000 habitants ont accueilli une partie des futurs dirigeants du Parti communiste chinois dans les années 1920. Un musée de la ville leur est d'ailleurs dédié et l'ex-président Deng Xiaoping dispose d’un monument et d’un square à son nom près de la gare. Car c’est aussi cela, « l’amitié » cultivée par la diplomatie chinoise qui entend renforcer la stabilité des relations avec la France et l’Europe, en l’enracinant sur le long terme.

L’hiver dernier, la ville avait été pressentie comme une étape pour la venue du numéro un chinois. Un pont piéton en béton de 35 mètres avec un toit en pagode avait été dessiné par le doyen de l’université d’architecture de Tianjin, et le feu vert avait été donné pour les travaux. « C’est un mécénat des Chinois à Montargis qui veulent offrir un cadeau pour fêter les 60 ans de la réintégration de la Chine dans le concert des nations. On avait invité le président à venir et l’ambassadeur m’a laissé entendre qu’il viendrait peut-être voir le pont, ajoute le maire. Sauf qu’après, il y a eu un problème de financement. Les trois villes chinoises jumelles de Montargis n’avaient pas pris la mesure du prix du pont. » 

Au final, Chen Hao, le secrétaire du PCC de Huzhou - l’une des villes jumelles - est venu à Montargis une semaine avant l’arrivée de Xi Jinping et le pont devrait se faire, peut-être un jour. Ces « cadeaux » diplomatiques, souvent des infrastructures, sont un mode de fonctionnement là aussi classique de la diplomatie chinoise.   

Pour les Européens, éviter les divisions

L'offensive de charme sera ponctuée d'autres symboles, cette fois en direction de la relation transatlantique. La France, membre du Conseil de sécurité de l'ONU, perçue par les Chinois comme ayant une politique étrangère plus indépendante des États-Unis, a été choisie par le président chinois pour lancer sa tournée européenne qui le conduira à Belgrade le 7 mai, jour du 25ème anniversaire du bombardement de l’ambassade de Chine par les avions de l’OTAN. Puis, Xi Jinping ira à Budapest, qui a récemment contesté le soutien occidental à l’Ukraine et prône la sortie du conflit par la négociation dans des termes similaires à Pékin.

Faut-il y voir, pour autant, une tournée anti-Otan du président chinois ? Les choses seraient plus complexes qu’elles n’y paraissent, à en croire Shen Shiwei, l'expert de le CGTN, qui reprend des éléments de langage déjà entendus chez les diplomates chinois. « Le renforcement de la coopération avec la France, la Hongrie et la Serbie, relève d’avantage des échanges bilatéraux et n’impliquent pas de tiers, comme l’Otan, assure-t-il. Avec Emmanuel Macron, qui parlait d’une organisation en état de "mort cérébrale", la France est peut-être d’avantage opposée à l’OTAN que la Hongrie qui en fait aussi partie. Enfin, la Chine met systématiquement l’accent sur une approche non conflictuelle entre les blocs, exprimant l’idée d’un partenariat sans alliance ». 

Pour contrer les tentatives de divisions, la France organise désormais systématiquement une réunion trilatérale avant de parler bilatéral avec les Chinois. Ce sommet n’échappe à la règle. Un échange entre les présidents chinois et français et Ursula Von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, aura lieu lundi à Paris. Emmanuel Macron et Olaf Scholz s’étant également entretenus avant la venue de Xi Jinping, pour « aligner leurs positions ». « La Chine compte sur la capacité de la France d’entraîner les autres pays européens dans une certaine direction. Les Chinois espèrent une bonne séquence avec les Européens, car ils ont besoin d’une relation stable avec l’UE, avant les élections aux États-Unis », explique Abigaël Vasselier, la directrice de la politique et des affaires européennes à l’institut Merics.

Pour elle, « Xi Jinping entend remettre les relations sino-européennes sur la bonne trajectoire. En même temps, Pékin voit bien le déploiement d’instruments européens pour tenter de corriger les distorsions de marché ». L’Europe s’inquiète pour la survie de son industrie dans sa relation déséquilibrée avec la deuxième économie du monde, tandis que la Chine assimile l’enquête anti dumping européenne sur les voitures électriques à du protectionnisme.

Même dialogue de sourd concernant les enjeux stratégiques. La Chine aimerait que l’Europe prenne ses distances avec les États-Unis. L’Union européenne voudrait que Pékin fasse levier sur son allier russe, pour que Moscou arrête sa guerre d’invasion en Ukraine. En conséquence de quoi, « à moyen terme, nous devrions assister à une nouvelle détérioration des relations Chine-UE, poursuit Abigaël Vasselier. Pékin ne répondant pas à l’appel des Européens lui demandant de s’attaquer à ses surcapacités et à son soutien croissant à la Russie. »          

Avant l’arrivée de son homologue chinois, le président français s’est inquiété dans The Economist du « fossé industriel alarmant qui s’est creusé alors que l’Europe a pris du retard sur l’Amérique et la Chine. L’Europe doit réagir maintenant, prévient Emmanuel Macron, sinon elle pourrait ne jamais rattraper son retard ». Pour cela une mise à jour de la relation avec Pékin est nécessaire.

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