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Reportage

En Indonésie, un appel à la justice climatique pour sauver l’avenir d'une île

À environ 68 km au nord de Jakarta, l’île de Pari (Pulau Pari en indonésien) fait face à de nombreuses inondations et à une réduction de son territoire. Victimes du réchauffement climatique, quatre résidents ont décidé de porter plainte au tribunal suisse contre le cimentier Holcim, considéré sur place comme l’une des entreprises les plus polluantes du XXe siècle.  

Asmania, habitante de Pulau Pari, est l'un des quatre résidents ayant porté plainte contre le cimentier Holcim. Sur le mur de son établissement : des affiches pour la justice climatique. Février 2024.
Asmania, habitante de Pulau Pari, est l'un des quatre résidents ayant porté plainte contre le cimentier Holcim. Sur le mur de son établissement : des affiches pour la justice climatique. Février 2024. © Juliette Pietraszewski/RFI
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De notre correspondante régionale,

Sur la plage de « Star Beach », le manager Arif, l’un des plaignants contre le cimentier suisse Holcim, regarde attentivement le paysage. Les inondations fréquentes sur l’île de Pari, en Indonésie, ont poussé les habitants à redoubler de vigilance face à ce cadre paradisiaque qui, depuis quelques années, se modifie tel un symbole du dérèglement climatique. Preuves à l’appui : une balançoire, autrefois au-dessus du sable fin, a désormais les pieds dans l’eau. À proximité, un arbre mort noyé, qui par le passé accueillait des oiseaux dans ses branches vertes.

« Les inondations fréquentes auront eu raison de lui », explique Arif, téléphone à la main. Le manager de la « Plage de l’Étoile », est souvent en contact avec la plage de l’Est de l’île « Perawan Beach » pour prévenir d’une montée des eaux « anormale », devenant de plus en plus fréquente. « Ce qui est sûr, c'est que si une inondation se produit à l’Est à Perawan Beach, elle risque d’arriver ici aussi, à Star Beach… parce que le terrain est très bas », raconte-t-il.

Ces inondations perturbent également le tourisme sur l’île. Beaucoup d’habitants dépendent de cette économie, et sont contraints de voir des annulations s’enchaîner en cas de montée des eaux. Asmania, habitante de l’île, accueille régulièrement des touristes chez elle, et connaît ainsi des revenus perturbés et suspendus aux aléas climatiques. « Ça me met en difficulté, ça met en difficulté ma famille… Parce que les touristes sont moins nombreux à cause de ces inondations », souligne-t-elle. Elle aussi a décidé de porter plainte contre Holcim, tout comme Edi, un pêcheur de l’île.

Un vent et des courants qui changent

Autour d’un repas commun et composé de poisson fraîchement pêché le matin par Edi lui-même, les conversations entre les habitants tournent régulièrement autour du changement climatique. « Nous ne pouvons plus prédire les courants marins, et c’est une des conséquences du réchauffement climatique. Il y a 10 ans, c’était plus facile. Désormais, nous ne pouvons plus attraper de poissons dans les zones qui étaient dans le passé ''habituelles'' », explique le pêcheur.

À ses côtés, il y a Bobby. Lui aussi pêcheur et plaignant, acquiesce aux propos de son ami : « Il y a également des changements de direction du vent, qui nous aident beaucoup pour la pêche. Mais maintenant, ça ne peut plus être prédit avec certitude, tout change. » Au-delà de ces diverses problématiques, l’obstacle que rencontrent les pêcheurs est aussi financier : « Lorsqu’on subit une baisse en termes de quantité de poissons, ça a aussi des conséquences sur nos revenus, notre quotidien et notre qualité de vie baisse », s’inquiète Bobby.

Avec déjà la disparition de 11 % de la superficie de l’île, ces résidents, à travers leur plainte auprès de la justice suisse contre le cimentier Holcim (compagnie également issue d’une fusion avec le cimentier français Lafarge, en 2015), espèrent ainsi obtenir dommages et intérêts, mais pas seulement : « La première chose que nous demandons à Holcim, c’est qu’ils réduisent drastiquement les émissions de gaz qu'ils produisent à cause de leurs opérations ! », souligne Edi.

Une jeune génération anxieuse pour l’avenir

Du haut de ses 17 ans, Amad écoute avec attention le discours de ces pêcheurs. Lui aussi habite Pulau Pari, et lui aussi s’inquiète pour l’avenir. « Je me sens très menacé, car ceux qui vivent sur cette île, ce ne sont pas seulement mon père, mon oncle ou moi. Plus tard, ce seront aussi mes enfants et mes petits-enfants. Et l’île de Pari pourrait être sous l’eau à l’avenir. De nombreux scientifiques ont déjà prédit que la plage de Star Beach et la plage de Perawan Beach allaient être submergées. Je n'ai jamais pensé à déménager, je n'imagine jamais ça… »

Le jeune homme refuse également de s’imaginer un futur de réfugié climatique. Un terme qu’il n’utilise pas à l’heure actuelle, comme un bouclier pour se défendre contre un sombre avenir, pourtant probable.

Cette perspective est également au cœur des inquiétudes des ONG. Parid Ridwanuddin, responsable de campagne pour les zones côtières, marines et les petites îles au sein de l’ONG environnementale WALHI (la plus ancienne et la plus grande d’Indonésie) se promène régulièrement devant l’un des murs construits par le passé pour limiter la montée des eaux. À proximité, un groupe d’enfants en train de jouer attire son attention : « Selon l‘Unicef, le nombre d’enfants sur les côtes et petites îles qui seront affectés par la crise climatique, est estimé à environ 30 millions en Indonésie, d'ici à 2030 », souligne-t-il, « Eux feront partie de ces 30 millions d’enfants » ajoute Parid Ridwanuddin. Face au mur, il explique : « Pendant longtemps, les locaux pensaient pouvoir lutter contre la montée des eaux avec cette construction, mais ce n’est pas une solution à long terme. »

Selon l’ONG WALHI, la plainte des résidents de Pari Island doit également motiver les habitants des îles et des côtes du monde entier et dans des situations similaires. L’objectif : faire valoir leur droit à la justice climatique. 

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