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Etats-Unis

Etats-Unis: quand les sportifs s’invitent à nouveau dans le débat politique

En refusant à trois reprises de chanter l’hymne national en signe de protestation contre les violences faites aux Noirs, le joueur de football américain Colin Kaepernick a déclenché une vive polémique aux Etats-Unis. L’idée est loin d’être nouvelle, puisque de nombreux athlètes avant lui ont utilisé le sport à des fins politiques. Quitte à s’attirer les foudres des comités sportifs et des Américains.

Le quarterback Colin Kaepernick des 49ers de San Francisco.
Le quarterback Colin Kaepernick des 49ers de San Francisco. Reuters
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« Je ne peux pas montrer ma fierté devant le drapeau d'un pays qui oppresse les Noirs et les gens de couleurs », déclarait en août dernier Colin Kaepernick, le joueur offensif des 49ers au lendemain de la rencontre qui opposait son équipe à celle des Green Bay Packers. « Les événements sportifs sont regardés par des millions de téléspectateurs, scrutés par les médias et les sponsors. Les utiliser pour faire passer un message politique n’est absolument pas nouveau », indique Carole Gomez, chercheure en charge des questions liées à l’impact du sport sur les relations internationales à l’institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). Le joueur âgé de 28 ans a choisi comme d’autres avant lui le sport comme vitrine politique, au moment où le journal américain Washington Post décompte 162 Noirs tués par les forces de police depuis le début de l’année 2016.

My Brother! United as One! @e_reid35

Une photo publiée par colin kaepernick (@kaepernick7) le

Black Lives Matter investit le terrain

En juillet dernier déjà, l’équipe de basket féminine des New York Liberty a choisi de soutenir le mouvement « Black Lives Matter » en arborant des tee-shirts noirs où figuraient les hashtags #BlackLivesMatter et #Dallas5, en référence aux cinq policiers abattus lors d’une manifestation à Dallas le 8 juillet. L’une des joueuses emblématiques de l’équipe, Tina Charles, déclarait lors d’une conférence de presse : « Ma mère m’a dit : "Ta voix porte, sers-t’en". Surtout, si quelque chose te bouleverse, il faut le dire. »

Plusieurs autres équipes de la ligue de basketball féminine (WNBA) ont suivi, notamment les Lynx du Minnesota, qui ont fait imprimer sur leurs tee-shirts les noms de deux victimes de violences policières, Philando Castile, 32 ans, et Alton Sterling, 37 ans, tuées cet été.

D’autres athlètes se sont aussi mobilisés pour la cause noire aux Etats-Unis, comme par exemple Carmelo Anthony, joueur de basketball des Knicks de New York, ou Lebron James, légende vivante du basketball. L’ex-star des Chicago Bulls Michael Jordan a pris pour la première fois position en juillet. Il s’est dit « profondément troublé par la mort d'Afro-Américains causée par les forces de l'ordre » et a versé deux millions de dollars à deux associations dans le but d’améliorer les relations entre la communauté afro-américaine et les forces de police.

Les démonstrations politiques peu appréciées des comités sportifs…

Trois équipes de baskets, dont les New York Liberty, ont été sanctionnées pour avoir affiché leur soutien au mouvement Black Lives Matter. Sous la pression de l’opinion publique et de plusieurs autres basketteuses, comme Dallas Skylar Diggins ou Chiney Ogwumike, la WNBA a fait volte-face. Le 23 juillet dernier, la présidente de la ligue Lisa Borders a fait annuler les amendes et a salué la volonté des joueuses de chercher à « s’exprimer sur les questions qui leur importent. »

Aux JO de Rio, les basketteuses américaines ont cependant choisi de s’abstenir et de porter le maillot classique de leur équipe. Ce choix n’est pas anodin, car en vertu de l’article 51.3 de la Charte olympique, « aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale, n'est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement olympique ».

L’exemple le plus marquant à ce jour reste celui des coureurs américains Tommie Smith et John Carlos. A l’occasion des JO d’été de Mexico en 1968, les deux athlètes américains, respectivement médaille d’or et de bronze, avaient levé le poing en signe de protestation contre la ségrégation raciale qui faisait rage aux Etats-Unis. A l’époque, Smith et Carlos ne faisaient pas partie du célèbre groupe de libération des Noirs connu sous le nom des Black Panthers. Ils en étaient pourtant devenus le symbole. Le geste, jugé scandaleux par le CIO, a valu aux deux athlètes d’être exclus de l’équipe américaine et suspendus à vie.

Rappelons qu’un an plus tôt, le boxeur Mohamed Ali avait été déchu de son titre de champion du monde poids lourd pour avoir refusé d’être enrôlé dansla guerre du Vietnam. L’engagement politique de ce dernier avait porté un coup aux valeurs patriotiques du pays, et son refus avait scandalisé une partie de l’opinion publique, plus de quarante ans avant Kaepernick.

…et des Américains

Selon un sondage Reuters / Ipsos réalisé avant le coup d’envoi des Jeux Olympiques de Rio et publié le 1er août, 65% des Américains sont contre l’instrumentalisation des jeux à des fins politiques.

Pas étonnant que sur les réseaux sociaux, les internautes en colère exigent l’expulsion de Kaepernick de la NFL, la ligue de football américaine. De même, la pétition créée le 1er septembre réclamant des sanctions disciplinaires contre le numéro 7 des 49ers de San Francisco a reçu à ce jour plus de 81 000 signatures. D’anciens supporters, excédés par le comportement du joueur, sont même allés jusqu’à poster sur Twitter des vidéos où on les voit brûler son maillot.

Mais cela ne décourage pas l’athlète pour autant : Colin Kaepernick a déclaré à la presse américaine qu’il comptait poursuivre son action quoiqu’il arrive. Carole Gomez considère que « Kaepernick a touché aux constituants de la culture américaine ; le symbole visé est patriotique », ce qui explique la virulence des critiques dont il est victime. Selon les chiffres de l’institut de statistiques Pew Research Center publiés en juin 2014, 28% des Américains considèrent les Etats-Unis comme au-dessus des autres pays, et 58% que le pays fait partie des meilleurs du monde. En snobant le drapeau étoilé, ce sont les valeurs du pays que le joueur remet en question.

Reste à savoir si l’action de Kaepernick portera ses fruits ou si elle aura seulement servi à mettre en danger sa carrière, comme ce fut le cas dans les années 90 pour Mahmoud Abdul Rauf, joueur de basket des Denver Nuggets mis à l’écart de la NBA en 1998 pour avoir refusé de chanter l’hymne national.

Interrogé sur la polémique lors de son déplacement en Chine à l’occasion du G20, le président américain Barack Obama a admis que le joueur avait réussi à attirer l’attention « sur des sujets qui méritent d’être abordés », mais s’est gardé de formuler un avis sur la question.

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