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Cuba : Etats-unis

A Panama, poignée de main au sommet entre Castro et Obama

Trente-cinq chefs d’Etat et de gouvernement sont réunis à Panama pour un sommet des Amériques historique, car au complet. Cuba y est en effet représenté pour la première fois. Son président Raul Castro a rencontré Barack Obama avant le dîner d’ouverture, vendredi 10 avril. Les deux hommes doivent se parler plus formellement ce samedi, une première à ce niveau depuis l'ère Batista, dans les années 1950.

Raul Castro et Barack Obama à l'ouverture du sommet des Amériques au Panama, le 10 avril 2015, en présence de Ban Ki-moon.
Raul Castro et Barack Obama à l'ouverture du sommet des Amériques au Panama, le 10 avril 2015, en présence de Ban Ki-moon. REUTERS/Panama Presidency
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En 1959, après la révolution cubaine, Fidel Castro s'était rendu aux Etats-Unis mais il n'avait rencontré que le vice-président de l'époque, Richard Nixon. En fait, la dernière fois qu'un chef d'Etat cubain a rencontré son homologue états-unien, c'était en 1956. Les protagonistes s'appelaient alors Dwight Eisenhower et Fulgencio Batista. C'est dire si la poignée de main échangée entre Barack Obama et Raul Castro, vendredi 10 avril en ouverture du VIIe sommet des Amériques à Panama, est un événement. Jamais, depuis le premier sommet des Amériques en 1994, Cuba n'avait été présent. L’Organisation des Etats américains (OEA) avait banni l'île dès 1962 à la demande de Washington.

« Nous aurons des désaccords »

Cette fois-ci, ce ne fut pas une poignée de main furtive, comme lors des obsèques de Nelson Mandela à Soweto en 2013. Il s'agissait bien au contraire d'entériner le plus officiellement possible un réchauffement des relations annoncé depuis maintenant plusieurs mois par MM. Obama et Castro. Ainsi, à Panama, les deux hommes se sont d'abord salués dans la coulisse du sommet, après la rencontre de leurs ministres des Affaires étrangères la veille. Un moment saisi par les photographes, et l'occasion d'échanger quelques mots. Ils ont ensuite dîné à la même table en compagnie du représentant du pape argentin François, qui avait apporté une contribution saluée en faveur d'un rapprochement entre La Havane et Washington.

Mais, pendant la soirée, comme le relate notre envoyée spéciale à Panama Anne-Marie Capomaccio, les portes se sont un temps refermées pour une table ronde à huis clos, avec notamment des représentants cubains. En principe, ce samedi, l’entretien très attendu entre Barack Obama et Raul Castro se tiendra également à huis clos. Le rapprochement en cours entre Cuba et les Etats-Unis ne se fera pas à n’importe quel prix, précise Washington. M. Obama a participé vendredi à un forum d'organisations de la société civile, car avec cette normalisation des relations, les inquiétudes d'une partie de la société civile s’amplifient. Il se devait aussi d'y répondre.

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Barack Obama dessine l'avenir des rapports cubano-états-uniens

Anne-Marie Capomaccio

Certains opposants cubains, qui comptaient jusque-là sur le soutien indéfectible de Washington, craignent en fait de faire les frais de la nouvelle donne. Dans son intervention face à la société civile, Barack Obama a donc tenté de les rassurer, affirmant que les Etats-Unis « allaient continuer de soutenir ceux qui se battent pour leur liberté ». « Nous aurons des désaccords de gouvernement à gouvernement avec Cuba, sur de nombreux dossiers, comme nous avons des différends avec nos plus proches alliés. Il n’y a pas de mal à ça. Mais je suis là pour dire que lorsque nous nous exprimons, nous nous exprimons parce que les Etats-Unis croient vraiment, et se battront toujours, pour certaines valeurs universelles », a expliqué le président des Etats-Unis.

« Cette époque est terminée »

Dans son discours, Barack Obama a par ailleurs prononcé des mots très commentés sur les relations entre Washington et les pays d’Amérique latine : « L’époque où notre agenda politique dans cette région si souvent signifiait que les Etats-Unis pouvaient intervenir en toute impunité, cette époque est terminée. » Avec cette phrase, le président a surpris tout le monde, car il faisait clairement référence aux interventions américaines survenues en Amérique latine par le passé, et aux relations parfois malsaines développées entre Washington et certains gouvernements. Nul doute que ces propos vont alimenter le débat très vif au Congrès américain, où les républicains, majoritaires, voient déjà le rapprochement avec Cuba comme un acte de faiblesse, malgré une opinion publique très favorable.

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Barack Obama évoque les relations entre les Etats-Unis et l'Amérique latine

Anne-Marie Capomaccio

Mais la petite phrase de M. Obama lui aura servi d'introduction pour développer son propos sur la question des droits de l'homme : « Nous devons être très clairs, a-t-il dit. Lorsque nous parlons haut et fort pour quelqu'un qui est emprisonné, simplement parce qu'il a osé dire la vérité face au pouvoir, nous ne le faisons pas parce que cela sert nos intérêts. Nous le faisons parce que nous pensons que c'est juste. Je le sais parce qu'il y a eu une époque dans notre pays où certains groupes étaient rejetés (...) Et grâce à l'opinion publique dans le monde, les choses ont changé. Nous avons une dette à rembourser, car la voix des gens simples nous a rendus meilleurs. C'est une dette que je veux être sûr de rembourser dans cette région et dans le reste du monde. »

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Simon Sarfati : «En toute franchise, c'est le temps qui a fait son œuvre»

Véronique Gaymard

Cuba, Amérique latine ; le sommet des Amériques s'annonce décidément comme celui des pages qui se tournent. Pour Simon Sarfati, professeur au Centre d'études des relations stratégiques et internationales de Washington (CSIS) et auteurs de nombreux livres sur la politique étrangère américaine, « c'est une très bonne chose que de mettre un terme à cette absurdité qui remonte à malgré tout 55 ans. Les Américains n'ont jamais, jamais véritablement récupéré de la démarche de Fidel Castro pendant la crise des missiles, lorsque l'Amérique avait été rendue vulnérable au déploiement des missiles soviétiques. Mais cela remonte encore une fois à 55 ans, et il faut se débarrasser un peu des ordures des guerres antérieures et faire le ménage. »


• Avec Cuba, Barack Obama pourrait-il faire plus ?

Medea Benjamin, fondatrice de Codepink, un groupe pacifiste très actif aux Etats-Unis, a fait le voyage à Panama pour assister aux débats du sommet des Amériques et à la poignée de main tant attendue entre Raul Castro et Barack Obama. Selon elle, la normalisation avec Cuba était nécessaire depuis des décennies, mais M. Obama doit faire davantage, et surtout agir plus rapidement.

« En réalité, beaucoup plus de choses peuvent être faites si le président agit par décrets. Par exemple, il peut faciliter plus de choses, comme les voyages vers Cuba. Il peut lever certaines des restrictions économiques. Je prends un autre exemple : il y a un médicament que Cuba a développé pour les personnes qui ont du diabète. Ce remède pourrait aider 80 000 personnes aux Etats-Unis, des gens qui sont amputés à cause d'un diabète très avancé.

Barack Obama a pris une décision vraiment idéologique envers Cuba ; il a dit que les marchandises produites par le secteur privé pourraient être importées aux Etats-Unis. Mais il y a des choses extrêmement importantes qui sont produites par le secteur public à Cuba. Je ne suis pas vraiment consommatrice de rhum et de cigares, mais ces marchandises sont produites dans des usines gouvernementales, et on devrait pouvoir les importer aux Etats-Unis. Le président Obama peut réaliser cette importante ouverture. »

→ À relire : La question pétrolière au cœur des enjeux du sommet des Amériques

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