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Élections au Panama: José Raul Mulino favori à la présidence à l'issue d'une campagne en demi-teinte

Le Panama vote ce dimanche 5 mai pour renouveler l'Assemblée nationale, élire des centaines de représentants locaux et surtout choisir un nouveau président. Pour ce scrutin à un seul tour, le favori est de droite, et s'appelle José Raul Mulino. Il s’agit de l’ex-dauphin du très populaire Ricardo Martinelli.

Le candidat de droite, José Raul Mulino, favori du scrutin en campagne à Panama, le 26 avril 2024.
Le candidat de droite, José Raul Mulino, favori du scrutin en campagne à Panama, le 26 avril 2024. AP - Matias Delacroix
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Trois millions d'électeurs doivent choisir un nouveau président. Il y a huit candidats pour ce scrutin à un seul tour, essentiellement de vieux routiers de la politique. José Raul Mulino est crédité de plus de 37% des intentions de vote dans le dernier sondage. C'est dix points de mieux qu'en février, quand il est apparu dans la course. Car initialement, Mulino était seulement candidat pour être le colistier du populaire Ricardo Martinelli.

Mais ce dernier, déjà chef de l'État il y a quinze ans, a été condamné à dix ans de prison pour blanchiment d'argent, et Mulino, 64 ans, a donc repris le flambeau. Cet ancien ministre de la Sécurité n'a pas le charisme de son mentor, mais l'ancien président reste à la baguette. Il publie des vidéos de soutien depuis l'ambassade du Nicaragua où il est réfugié, et Mulino promet de l'aider avec ses nombreux démêlés judiciaires, qualifiés de persécutions injustes.

« Robo pero hizo ». Ce qu’il faut traduire par : « Il a volé, mais il a fait des choses ». L'expression, bien connue au Panama, est souvent répétée par les partisans de Ricardo Martinelli, rappelle notre correspondant à Panama, Grégoire Pourtier. Président de 2009 à 2014, l'homme d'affaires qui se surnomme lui-même « El loco », le fou, a laissé de bons souvenirs.« Il y a une confiance en Ricardo Martinelli, qui est celui qui a apporté un changement radical au pays. Il connaît la situation, il sait ce qu'il y a à faire et ce qu'il est possible de réaliser. Il a déjà fait énormément et c'est pour ça que beaucoup de Panaméens, comme moi, ne se soucie pas de savoir où est passé l'argent si le pays avance », estime Manuel, un électeur.

L'avocat Daniel Charles s'inquiète. « Les banques étrangères regardent ce qu'il se passe à Panama. Tout ce qu'elles réclament, c'est un meilleur contrôle, de résorber la dette. Mais si Mulino gagne, la communauté internationale sera bien obligée de travailler avec lui, car on parle avec celui qui est au pouvoir, peu importe qu'il soit corrompu ou non », dit-il. Lignes de métro, élargissement du canal…. Il y a quinze ans, Martinelli avait pu lancer une populaire politique de grands travaux. Si Mulino est élu, il lui faudra rassurer les partenaires étrangers pour avoir la même ambition.

Les grandes préoccupations de la population oubliées

Même si sa candidature n'a été définitivement validée par la Cour suprême que vendredi, et si les Panaméens se rappellent qu'il y a déjà eu des surprises, l'éparpillement des voix entre les sept autres candidats semble lui donner une certaine marge. Trois espèrent malgré tout faire mentir les sondages. Romulo Roux avait terminé deuxième en 2019, mais il était alors le poulain de... Martinelli. Martin Torrijos a déjà été président dans les années 2000, mais sans avoir marqué les esprits. Quant à Ricardo Lombana, son étiquette d'« indépendant » séduit, mais c'est surtout à l'Assemblée nationale que l'on attend l'entrée d'élus non affiliés aux partis traditionnels. 

« Les candidats ont surtout parlé de la création d'emplois. Depuis la pandémie de Covid-19, il y a, au Panama, un nombre inhabituel de travailleurs au noir. Environ 50% des gens qui travaillent, ne sont pas déclarés. L'autre thème de cette campagne, c'est la corruption. Les candidats se sont mutuellement accusés d'être tous plus corrompus les uns que les autres », indique Harry Brown, politologue et chercheur au sein du Centre international d'études politiques et sociales (CIEPS) à Panama, au micro Carlos Pizarro, de la rédaction en espagnol de RFI.

Le scrutin est donc très attendu par les Panaméens, qui ont cependant souvent paru déçus par la campagne. Car si les candidats ont tous promis de lutter contre la pauvreté et les inégalités grandissantes, rares ont été les propositions concrètes.  Selon le politologue, « il n’y a pas eu de véritables échanges construits sur les problèmes de sécurité sociale, la frontière avec la Colombie ou le canal de Panama ».

Cela relève d'un discours politique de façade.

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L'eau, une problématique éludée par les politiciens

Les grands sujets de la campagne ont effectivement été totalement éludés. L'avenir minier du pays, qui avait pourtant provoqué une grande crise sociale en novembre, ou la gestion des ordures, qui devient un grave problème de santé publique. Parmi les problématiques oubliées par la classe politique – et dont tout le monde parle, pourtant – il y a par exemple le manque d'eau potable.

Ainsi, tous les matins, avant de partir travailler, Elvecia Bonilla doit faire ses provisions d'eau pour la journée. Ensuite, bien souvent, ses robinets ne fonctionneront plus.« Les gouvernements passent et on a toujours le même souci. Cela fait plus de 15 ans que nous n'avons plus l'eau courante 24h/24, déplore-t-elle. Cette fois encore, personne n'est venu pour nous demander quels étaient nos problèmes, comment on pourrait nous aider... Personne. Je crois que la priorité de l'eau est celle qui les intéresse le moins, alors que c'est le plus important pour nous. »

Elvecia habite dans la capitale. Mais le réseau n'a pas été suffisamment modernisé malgré l'augmentation de la population et la création de nouveaux quartiers. La province n'est pas mieux lotie, surtout dans les zones montagneuses, alors que le pays est l'un de ceux qui reçoivent le plus de pluie au monde.

En fait, selon ce technicien du secteur, certains dirigeants profitent de l'approvisionnement grâce à des camions-citernes dans lequel l'État ou les municipalités sont obligés d'investir. « Ils maintiennent les gens sans eau courante, afin de maintenir leur propre commerce, que leurs entreprises privées, ou bien des entreprises qu'ils font travailler, puissent continuer à subvenir à ce besoin essentiel. C'est comme ça qu'ils volent dans les caisses. Ils créent une nécessité pour la population, afin de récupérer l'argent d'une manière qui apparait légale », juge-t-il.

Dans le quartier d'Elvecia, on estime ainsi que les élections ne changeront rien. Le voisinage s'organise donc pour installer, à ses frais, un système qui compensera les chutes de pression, afin d'avoir un minimum d'eau en permanence.

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