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Argentine: des centaines de milliers de personnes manifestent pour défendre l'université

Des centaines de milliers d'Argentins, au premier rang desquels les étudiants, manifestaient ce mardi 23 avril contre l'austérité du gouvernement ultralibéral de Javier Milei, en « défense de l'université publique gratuite ». Cette marche soutenue par l'opposition a été qualifiée de « politique » par l'exécutif.

Des étudiants universitaires argentins, des syndicats et des groupes sociaux se rassemblent pour protester contre les coupes «à la tronçonneuse» du président Javier Milei dans l'enseignement public, à Buenos Aires, Argentine, le 23 avril 2024.
Des étudiants universitaires argentins, des syndicats et des groupes sociaux se rassemblent pour protester contre les coupes «à la tronçonneuse» du président Javier Milei dans l'enseignement public, à Buenos Aires, Argentine, le 23 avril 2024. © Martin Villar / Reuters
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Des centaines de milliers d'Argentins ont paralysé dans l'après-midi le centre de Buenos Aires, aux abords du Parlement, avant de rallier la place de Mai, siège de la présidence de Javier Milei. Dans la capitale, la mobilisation a rassemblé « entre 100 000 et 150 000 » personnes, selon une source policière et un demi-million, selon l'Université de Buenos Aires. D'autres rassemblements étaient prévus en province, mobilisant la soixantaine d'universités publiques du pays, auxquelles se sont joints des instituts privés. Un syndicat enseignant a fait état d'un million de manifestants à l'échelle du pays.

Au milieu de cette foule compacte, une tête dépasse. C’est celle de Mathias, 4 ans, juché sur les épaules de son père Mariano.« C’est pour lui et pour les rêves de tous les enfants que je suis venu », explique cet agent de maintenance. L’université publique et gratuite comme ascenseur social, c’est aussi ce qu’Ivana, étudiante en gestion culturelle, est venue défendre. « Je suis fille d’ouvriers. Sans l’université publique, je n’aurais pas eu l’opportunité de faire des études », témoigne-t-elle.

Un peu plus loin, Luciana, enseignante en langues et littérature, s’identifie aux millions d’Argentins pour qui l’éducation publique est un marqueur culturel, une fierté nationale. « Je crois que nous devons valoriser et prendre soin de l’éducation publique et gratuite de qualité que nous avons car d’autres n’ont pas la chance d’y avoir accès », dit-elle. « Aux États-Unis, au Chili, dans plusieurs pays, les gens s’endettent pour pouvoir étudier et parfois ils ont du mal à payer ces dettes même après avoir trouvé du travail », ajoute Malena, étudiante.

Ce pourrait être la mobilisation la plus importante depuis l'élection du nouveau chef de l'État surtout parce que l'université publique et gratuite est un marqueur identitaire et une fierté pour une grande majorité d'Argentins, quelles que soient leurs opinions politiques, rapporte notre correspondant à Buenos Aires, Théo Conscience.

Beaucoup de personnes présentes disent ne pas avoir l'habitude de manifester, en plus des recteurs de toutes les universités publiques du pays, des syndicats étudiants, des enseignants et des nombreux partis politiques, de droite comme de gauche. Le protocole antiblocage a été mis en place pour éviter que les manifestants ne coupent la circulation dans la capitale argentine. Ce protocole antiblocage a donné lieu à plusieurs reprises à de violentes répressions ces derniers mois. En plus de la police de la ville de Buenos Aires, des effectifs fédéraux ont été déployés.

Menace de paralysie pour les universités en Argentine

Les universités sont mobilisées depuis que le gouvernement a décidé de maintenir, pour l'année universitaire 2024 qui a débuté en mars, les budgets 2023, malgré une inflation de 288% sur douze mois. Cette mesure vise un « déficit zéro » en fin d'année, et à dompter l'inflation, dans le cadre d'une austérité budgétaire tous azimuts.

Pour plusieurs établissements, c'est une menace de paralysie, et certaines sections de la prestigieuse Université de Buenos Aires (UBA) ont récemment mis en place des économies d'urgence en n'éclairant pas les parties communes, en restreignant l'usage des ascenseurs et en réduisant par exemple les heures de bibliothèques.

La faculté des sciences exactes de l'UBA, qui forma notamment le Nobel de médecine et physiologie 1984 Cesar Milstein, a ainsi mis en place un décompte en ligne jusqu'au jour où son budget 2024 sera épuisé. Mardi, à l'heure de la manifestation, il lui restait 37 jours, neuf heures, quinze minutes.

À écouter aussiArgentine: face à l'austérité de Javier Milei, le climat social se tend

Les universités, lieu d'« endoctrinement » de gauche selon Milei

L'attitude du gouvernement et du président argentin a fait monter la température ces derniers jours. La grande centrale syndicale CGT s'est jointe à la protestation, prêtant le flanc à l'accusation de « manifestation politique » de l'exécutif. Javier Milei a rajouté de l'huile sur le feu, accusant certaines universités recevant des deniers publics d'être des lieux d'« endoctrinement » de gauche, de « persécution idéologique », et même de « lavage de cerveau ».

Lundi soir, il a annoncé un audit de toutes les universités publiques, sous-entendant que leurs difficultés financières n'étaient pas dues à sa politique d'austérité, mais à une mauvaise gestion, voire à la corruption. Le sous-secrétaire d'État aux Universités, Alejandro Alvarez, a mis en garde les manifestants et leurs soutiens : « Qu'ils fassent ce qu'ils veulent, mais tant que Javier Milei sera président, l'argent public qui va aux universités sera audité (...) nous instaurons une inspection et un audit qui n'existaient pas », a-t-il indiqué sur X.

Le porte-parole présidentiel Manuel Adorni a souligné lundi que l'éducation publique argentine a été par le passé « un phare éducatif en Amérique », mais que « depuis des décennies, l'université a de graves problèmes (...) et des taux d'achèvement d'études qui plongent ».

Il a aussi rappelé un accord, la semaine dernière, pour augmenter les frais de fonctionnement des universités en deux fois : +70% en mars, +70% en mai. Loin de l'inflation, mais désormais, c'est une « discussion réglée », selon lui.

Javier Milei annonce le premier excédent public depuis 2008


Le président argentin Javier Milei a annoncé, lundi 22 avril, que le pays avait enregistré son premier excédent public trimestriel depuis 2008, et salué un « exploit historique ». Au premier trimestre 2024, l'État argentin a enregistré un excédent d'environ 275 milliards de pesos (environ 294 millions d'euros), a déclaré M. Milei sur la chaîne de télévision nationale.

« C'est le premier trimestre avec un excédent financier depuis 2008 », a-t-il dit, faisant référence à la première année du gouvernement de sa rivale politique de gauche Cristina Kirchner. Il s'agit d'« un exploit aux dimensions historiques à l'échelle mondiale », s'est même vanté le président, arrivé au pouvoir en décembre. « Si l'État ne dépense pas plus qu'il ne perçoit et n'a pas recours aux émissions de monnaie, il n'y a pas d'inflation. Ce n'est pas de la magie », plaide Javier Milei, un économiste ultralibéral qui se définit lui-même comme un « anarcho-capitaliste ».

Le chef d'État a promis de ramener le déficit budgétaire à zéro, un objectif plus ambitieux que celui imposé par le FMI, avec lequel l'Argentine a conclu un accord de prêt de 44 milliards de dollars. À cette fin, il a lancé un programme d'austérité draconien qui comprend la paralysie des travaux publics, le licenciement de fonctionnaires, la fermeture d'administrations, la réduction des subventions et le gel du budget, alors que l'inflation atteint 290% par an et que la moitié de la population vit dans la pauvreté.

« N'espérez pas une issue grâce à la dépense publique », a averti Javier Milei.

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