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Présidentielle au Salvador: Nayib Bukele, président sortant et controversé, archi-favori

Ce dimanche 4 février 2024 a lieu l'élection présidentielle au Salvador en même temps que les législatives et les municipales. Le président Nayib Bukele part largement favori à la suite des deux ans de « guerre contre les pandillas », les bandes armées au Salvador. L'opposition, elle, ne parvient pas à se faire entendre.

Le président du Salvador, Nayib Bukele, le 1er juin 2023 à San Salvador.
Le président du Salvador, Nayib Bukele, le 1er juin 2023 à San Salvador. © MARVIN RECINOS / AFP
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La Constitution salvadorienne interdit à un président de faire deux mandats successifs. Mais en 2021 les juges de la nouvelle Cour constitutionnelle, nommée par Nayib Bukele, l’ont autorisé à se représenter si le pouvoir était assumé par quelqu’un d’autre pour ses six derniers mois de présidence – il l’a remis à un de ses proches. Une interprétation de la Constitution que la population a acceptée d’autant mieux qu’un an plus tard, en 2022, le président lançait sa guerre contre les bandes armées, les Pandillas, mettant en prison environ 75 000 personnes et décrétant l’état d’exception. Résultat, la criminalité a considérablement baissé. Le taux d'homicide s'est écroulé, passant de 106,3 pour 100 000 habitants en 2015, alors l'un des plus élevés au monde hors période de conflit, à 2,4 en 2023.

Et les Salvadoriens lui en sont toujours reconnaissants, même si cet état d’exception a suspendu nombre de leurs libertés, et même si le président, se concentrant sur la répression, ne s’est pas attaqué aux causes de l’existence des Pandillas. Il jouit aujourd'hui d'une popularité sans équivalent, évaluée à 90% de la population, selon le Latinbarometro.

« Au début, quand j’ai commencé mon activité, il y avait un jeune qui venait et à qui je devais donner de l’argent. Et il fallait payer, sinon tu risquais ta vie : ils te menaçaient, ce genre de choses, raconte Gustavo, hôtelier de 30 ans sur la plage d'El Zonte, à notre envoyé spécial au Salvador, Carlos Herranz. J'ai arrêté de payer quand il y a eu la pandémie, quand tous les commerces ont arrêté de fonctionner, parce qu'ils ont dit que comme on ne gagnait plus d'argent, ils n’allaient plus m’en demander. Après la pandémie, quand tout a recommencé, les pandilleros [membres de gangs, NDLR] m’ont dit que j’allais devoir recommencer à payer. Mais grâce à Dieu, ensuite il y a eu le régime d’exception, ils ont commencé à mettre en prison tous les pandilleros, et on a arrêté de me demander de payer. » 

Mais pour l'économiste et criminologue salvadorien Carlos Carcach, il est inquiétant que la population ne réagisse pas face aux pertes de liberté et à la concentration du pouvoir dans les mains de Bukele : « La majeure partie de la population, qui n’a pas un niveau d’éducation très élevé, ne saisit pas l'ampleur de ce qui se passe. Elle estime que le président est en train de régler le problème de sécurité, et qu’elle est plus tranquille. Elle ne se rend pas compte que le président concentrant plus de pouvoir, la démocratie va disparaître. Et qu’on va se diriger vers un gouvernement autoritaire. »

Un pacte avec les gangs

Le combat face au Pandillas se fait d'ailleurs notamment avec des moyens illégaux. Le journal salvadorien El Faro, qui a dû s'exiler au Costa Rica voisin face aux pressions du gouvernement, a révélé que le gouvernement avait passé un accord avec les gangs salvadoriens. « Nayib Bukele est plongé jusqu'au cou dans cette question de négociations avec les gangs, lance Gabriel Labrador, journaliste à El Faro, interrogé par notre envoyé spécial, Carlos Herranz. C'est une stratégie du gouvernement pour maintenir les statistiques d'homicides et de meurtres à un niveau acceptable. Au lieu d'adopter une politique de sécurité proche des citoyens ou de renforcer la police, il a conclu un sombre pacte avec les gangs. Une enquête d'El Faro montre que ce pacte est bien réel. »

De son côté, l'économie du pays est toujours en mauvais état. Les tentatives du président de faire du bitcoin, une monnaie légale et d’attirer les touristes et les investissements étrangers n’ont pas été couronnées de succès. Une étude de l'Université d'Amérique centrale (UCA) a révélé que le bitcoin n'a quasiment pas été utilisé en 2023.

Autant de sujets qui auraient dû ouvrir un boulevard à l’opposition pour la présidentielle. Mais elle est inaudible, estiment les spécialistes, discréditée par la corruption qui a accompagné son passage au pouvoir, un point sur lequel Nayib Bukele ne manque jamais d’insister.  « Nayib Bukele va gagner, et avec un très bon score : il dispose d'un capital politique tellement important… Je ne pense pas que les deux principaux partis d’oppositions, l’Arena et le FMLN, puissent atteindre ne serait-ce que 15% des votes », estime avant même le vote l'économiste et criminologue Carlos Carcach. 

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