Texas: une crise politique et migratoire alimentée par les infox
Aux États-Unis, le torchon brûle entre le Texas et Washington. En pleine crise migratoire et politique, l’État dirigé par le gouverneur républicain Greg Abbott a décidé de s’occuper seul de sa frontière, bloquant ainsi l’accès aux agents fédéraux. Ce bras de fer entre les autorités texanes et l’État fédéral est alimenté par les fausses informations sur les réseaux sociaux et instrumentalisé par la propagande russe.
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Face à un afflux inédit de migrants, le gouverneur du Texas, Greg Abbott, défie Washington. Le gouverneur républicain a invoqué une « clause d’invasion étrangère » pour prendre le contrôle de la frontière, qui relève normalement de la responsabilité du gouvernement. Cette opération prive les agents fédéraux d’accès à la frontière avec le Mexique. Au niveau politique, Joe Biden est dans une impasse. Sur fond de campagne électorale, les républicains proches de Donald Trump s'opposent à tout compromis politique l’autorisant à prendre le contrôle de la frontière avec le Mexique. Une façon pour les conservateurs de faire de l’immigration, thème favori du candidat Donald Trump, le sujet central de l’élection.
Face à cette situation, les messages alarmistes se multiplient ces derniers jours sur les réseaux sociaux, sous le mot-dièse #TexasCivilWar. Des internautes affirment que le Texas « fait sécession et se prépare à la confrontation armée » et qu’une « guerre civile arrive aux États-Unis ». Certains avancent même, vidéo détournée à l'appui, que le Texas aurait déplacé ses chars de combat à la frontière avec le Mexique.
Attention, cette vidéo a été sortie de son contexte.
FORGET RAZOR WIRE - TEXAS DEPLOYS TANKS
— Mario Nawfal (@MarioNawfal) January 28, 2024
The Texas Army National Guard is moving M1A1 Abrams battle tanks and M2A2 Bradley infantry fighting vehicles to its border with Mexico.
As states begin to send their troops to assist in securing the border, this looks like a battle Biden… https://t.co/1JXWCpHEkA pic.twitter.com/DOg4VEYbFx
Vérification faite, cette vidéo est sortie de son contexte. Elle montre un convoi de plusieurs blindés de la garde nationale du Kansas en direction du Texas pour des missions d’entraînement. Ces équipements sont destinés à être déployés par la suite au Moyen-Orient et non à la frontière avec le Mexique, comme l'affirment plusieurs internautes. Le Kansas ne figure d’ailleurs pas sur la liste des États soutenant le gouverneur du Texas.
Des photographies du chargement des blindés ont été publiées par la garde nationale du Kansas ce 26 janvier : https://t.co/wwa3iGPmDL
— Fact'Ory (@FactsOrigins) January 28, 2024
D'autre part, le Kansas ne fait pas partie des Etats soutenant le Texas dans son désaccord avec l'Etat fédéral : https://t.co/q9pfAYUtzN
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Un exercice militaire au Chili, pas au Texas
D’autres vidéos censées illustrer le déploiement de tanks au Texas circulent sur les réseaux sociaux. C’est le cas de cet extrait de 44 secondes, montrant plusieurs blindés traverser une route en plein désert. « Au Texas, les tanks roulent contre les clandestins et Joe Biden », affirme le compte qui le partage.
Attention, cette vidéo n'a rien à voir avec le Texas.
🇺🇸No Texas, os tanques estão a rolar contra os imigrantes ilegais e Joe Biden 🇺🇸 pic.twitter.com/v2SNqhnLiB
— Verdade aparecerá (@VNatista86180) 29 janvier 2024
En réalité, plusieurs éléments visuels, analysés par la cellule Info Vérif de RFI attestent que cette vidéo n’a rien à voir avec le Texas. La plaque d’immatriculation, visible sur le pick-up rouge au premier plan, correspond aux plaques chiliennes et non texanes.
La voiture de police verte stationnée à l’horizontale sur le bord de la route est un modèle appartenant aux Carabiniers du Chili.
De plus, les tanks traversant la route sont des chars Léopards 2. Un modèle qui figure dans l’arsenal militaire du Chili et non pas celui de l’armée américaine. Une recherche par mots clés permet enfin de retrouver cette même vidéo publiée par des internautes chiliens entre le 7 et le 9 novembre 2023.
Ce timing correspond aux manœuvres militaires qui se sont déroulées au Chili entre le 6 et le 10 novembre 2023 dans le cadre de l'exercice « Tormenta 2023 ».
Post de l'armée chilienne.
Jusqu’ici, aucune information ne fait état du déploiement de tanks à la frontière avec le Mexique, ni d’affrontement entre les forces texanes et les agents fédéraux.
La propagande russe surfe sur la crise
Très attentive à l’évolution de la situation aux États-Unis, la propagande russe s’est rapidement emparée de cette crise. Plusieurs relais influents, proches du Kremlin, encouragent ouvertement la circulation d’un narratif séparatiste. Le député russe, Sergueï Mikhaïlovitch Mironov, a ainsi tweeté : « dans l’affaire Texas contre États-Unis, je suis du côté de l’État. Au moins, le Texas ne s'immisce pas dans les affaires des autres pays. Si nécessaire, nous sommes prêts à contribuer au référendum sur l’indépendance. Et bien sûr, nous reconnaîtrons la République populaire du Texas, s’il en existe une. Bonne chance ! ».
La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a, elle, ironisé sur la situation dans un message sur son canal Telegram. « Il est temps pour le président américain, dans la meilleure tradition de son prédécesseur Obama, de déclarer que “le Texas doit partir” et de rassembler une coalition internationale pour libérer ses habitants au nom de la démocratie. » Contacté par le magazine américain Newsweek, un porte-parole du département d’État américain a réagi, déclarant que « le Kremlin tente de la manière la plus évidente de concocter un faux récit qui sèmera la division dans notre pays. Nous espérons que les gens verront cette histoire pour ce qu'elle est, c'est-à-dire une absurdité typique du Kremlin ».
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