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Analyse

Argentine: Sergio Massa, homme providentiel ou dernière carte d’un péronisme en perdition?

Super ministre de l’Économie, avec des pouvoirs étendus, Sergio Massa affirme vouloir redresser un pays en crise, avec l’aval de la vice-présidente Cristina Kirchner et le consentement forcé du président Alberto Fernández. Ce 3 août, à peine intronisé, il a présenté ses propositions.

Sergio Massa, le nouveau ministre de l’Économie argentin.
Sergio Massa, le nouveau ministre de l’Économie argentin. © REUTERS / MATIAS BAGLIETTO
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De notre correspondant à Buenos Aires,

Sérieux mais respirant la confiance en soi, Sergio Massa vient d’être intronisé ministre de l’Économie, du Développement productif et de l’Agriculture par le président Alberto Fernández. Quelque 500 personnes, membres de la coalition péroniste au pouvoir, chefs d’entreprise, syndicalistes et invités spéciaux assistent à la cérémonie, ce mercredi 3 août au Musée du Bicentenaire, annexe de la Casa Rosada, le palais présidentiel. Au premier rang, Malena Galmarini, l’épouse de Massa, entourée des deux enfants du couple, exulte. La famille et les proches du nouveau ministre le saluent comme s’il était devenu président. L’image qui suit confirme cette impression : tête baissée, épaules rentrées, Fernández quitte la scène sur la gauche. À droite, Massa répond aux applaudissements de ses fans. Comme si la succession avait eu lieu. Le tableau a quelque chose de surréaliste. On s’embrasse autour de l’homme qui incarne désormais le pouvoir, présenté depuis sa nomination comme un « super ministre », alors que le pays s’embrase. Il est vrai que Massa est censé pouvoir redresser la situation. C’est la dernière carte d’un gouvernement en perdition. S’il échoue, on ne sait ce qui se passera. Mais s’il réussit, il aura des chances de postuler à la présidence aux élections d’octobre 2023.

Jusqu’ici président de la Chambre des députés, Sergio Massa avait posé ses conditions pour entrer au gouvernement le 3 juillet, après la démission du ministre de l’Économie Martín Guzmán, l’homme qui avait obtenu l’accord du FMI sur le refinancement de la dette de 45 milliards de dollars héritée de la présidence de Mauricio Macri (2015-2019), en butte aux critiques de la vice-présidente Cristina Kirchner et des kirchnéristes de tout acabit. Ses prétentions avaient paru exorbitantes à Alberto Fernández, au pouvoir déjà très affaibli, et avaient été également refusées par Kirchner. Après une journée de réunions frénétiques et de rumeurs en tout genre, un échange téléphonique entre le président et la vice-présidente, qui ne se parlaient pas depuis deux mois, avait débloqué la situation, avec la nomination de Silvina Batakis pour succéder à Guzmán. Trois semaines après, et malgré la visite de Batakis au FMI, la réaction négative des marchés, la poursuite des attaques contre le peso, la monnaie nationale, la relance de l’inflation (qui va sur un rythme annuel de plus de 70 %) et la dramatique baisse des réserves de la Banque centrale, ont convaincu Fernández, et surtout, CFK (pour Cristina Fernández de Kirchner) d’appeler Massa.

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Faire entendre sa différence

En regroupant l’Économie, le Développement productif et l’Agriculture, avec le contrôle de la direction des impôts et plus qu’un regard sur la politique de la Banque centrale, Sergio Massa devient effectivement un « super » ministre, presque un Premier ministre d’une démocratie parlementaire européenne, dans la mesure où, quasiment hors-jeu, Fernández n’aura pas de vraie autorité sur lui. Cet ambitieux a déjà été candidat à la présidence en 2015, au nom de son propre parti, le Front rénovateur, contre celui appuyé par CFK et le péronisme officiel, et contre le futur vainqueur de l’élection, le libéral Mauricio Macri. En 2019, après avoir longtemps hésité, Massa a finalement rejoint la coalition formée par Kirchner avec Fernández comme candidat, lui apportant les voix décisives de ses partisans (entre 15 et 20% du total). Troisième personnage de la victoire du Frente de Todos (Front pour tous), derrière le président et la vice-présidente, Massa est logiquement devenu le troisième personnage de l’État en tant que président de la Chambre des députés. Un poste en vue, où il a pu faire entendre sa différence, tout en continuant de cultiver ses contacts internationaux, notamment aux États-Unis.

Issu d’un parti de la droite libérale, l’UCD (Union du centre démocratique), qui a rejoint la famille péroniste dans les années 1990, Massa a un parcours semblable à celui de Fernández, qui vient aussi de ce côté de l’échiquier politique et est avocat comme lui. Mais, à la différence de ce dernier, éternel second rôle avant que Kirchner ne le propulse à la présidence, et toujours velléitaire, il cherche la lumière et sait prendre des décisions. C’est sans doute ce qui explique qu’il ait voulu prendre la « patate chaude » d’un gouvernement en perdition, alors que, encore jeune (50 ans), il aurait pu attendre les présidentielles de 2023 confortablement installé au perchoir de la Chambre des députés. S’il a pris ce risque, ont immédiatement pensé beaucoup d’observateurs, c’est qu’il a un plan. Et ce plan, il l’a esquissé en une conférence de presse donnée le 3 août, deux heures après son intronisation.

Vers un véritable plan d’austérité

En réalité, Massa a présenté une série de mesures, qui vont toutes dans le même sens, la réduction des dépenses publiques, de l’émission monétaire et du déficit budgétaire (qui devrait être limité à 2,5% du PIB à la fin de l’année, comme le demande le FMI), priorités pour l’Argentine si le gouvernement veut faire baisser l’inflation selon la majorité des économistes. Parmi celles-ci, une augmentation des tarifs de l’énergie plus importante que prévue, une révision des aides sociales pour y traquer les abus et inciter les bénéficiaires à intégrer ou réintégrer des emplois formels (au lieu de travailler au noir tout en percevant des allocations), la fin des avances du Trésor à la Banque centrale, etc. Sans le dire, un véritable plan d’austérité auquel les péronistes n’auraient pas souscrit jusqu’ici. Sans doute Massa a-t-il convaincu Cristina Kirchner qu’il n’y avait pas d’autre manière d’éviter que la crise actuelle ne débouche sur une explosion.

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En parallèle, Massa se propose de renflouer les caisses de la Banque centrale en relançant les exportations, notamment celles du puissant secteur agro-industriel, principal pourvoyeur de devises du pays, grâce à un taux de change moins défavorable que celui qui lui est imposé aujourd’hui, qui réduit de 50% ce qu’ils perçoivent pour leurs ventes à l’étranger. Le pétrole, les mines et l’industrie du savoir, autres secteurs exportateurs, devraient également subir moins d’entraves et de charges que jusqu’ici. Tout le contraire du manuel péroniste traditionnel.

L’arrivée de Massa au pouvoir, comme tout changement en situation de crise, a suscité un certain espoir dans la société, à défaut de créer un choc de confiance dans un pays désabusé. Ses propositions paraissent en mesure d’engager un redressement, dont le premier indice serait une baisse de l’inflation à partir de septembre. Le super ministre jouera sa crédibilité sur sa capacité à tenir ses engagements. À suivre, ce 4 août, la réaction des marchés.

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