Accéder au contenu principal

Libye: six mois après la catastrophe de Derna, Amnesty appelle à une enquête sur la responsabilité du drame

Il y a six mois jour pour jour, la ville de Derna, en Libye, était submergée par les eaux après la rupture de deux barrages provoquée par la tempête Daniel. Bilan : plus de 4 300 morts, des milliers de disparus et près de 45 000 déplacés. Ce lundi 11 mars 2024, Amnesty International publie un rapport sur cette catastrophe dans lequel elle dénonce le manque d’équité dans l’accès aux indemnisations et appelle à des enquêtes approfondies sur la responsabilité de puissants acteurs militaires et politiques.

Vue de la ville de Derna, en Libye, dévastée par les inondations.
Vue de la ville de Derna, en Libye, dévastée par les inondations. © Jamal Alkomaty / AP
Publicité

C’est un véritable réquisitoire contre le gouvernement d’union nationale et les forces armées arabes libyennes que dresse l’ONG dans ce rapport. Amnesty dénonce d’abord l’insuffisance des mises en garde et les consignes contradictoires émises par les autorités avant le passage de la tempête Daniel.  

« Certains officiers de haut rang, dont le directeur de la sécurité, ont demandé à la population de respecter totalement le protocole de précaution en vigueur dans la ville, tandis que dans d'autres régions, les autorités ont appelé la population à évacuer. Ainsi, les gens étaient vraiment perdus », explique Bassam al-Kantar, chercheur sur la Libye à Amnesty. Et d’ajouter : « Et ceux qui ont évacué les zones proches de la mer se sont déplacés vers des endroits qui ont été les plus touchés ».

Si 13 000 personnes touchées par la catastrophe ont été indemnisées, l’ONG pointe le manque d’équité dans l’accès au secours et aux indemnisations financières. Certaines familles de déplacées, des réfugiés et des migrants, en ont ainsi été exclus. « Ils n'ont jamais reçu aucune compensation », tance M. al-Kantar.

À lire aussiLibye: la conférence sur la reconstruction de Derna aboutit sur des engagements modestes

« Le gouvernement de l'Est a déclaré qu'il avait mis sur pied un comité deux semaines après la catastrophe pour permettre une évaluation complète des étrangers qui ont été affectés par les flots. Mais 5 mois après la création de ce comité, rien n’a été fait », ajoute-t-il.

Impossible aujourd’hui, selon Amnesty, d’émettre la moindre critique sur la façon dont les autorités ont géré la crise. L’ONG dénonce en parallèle l’absence d’enquêtes sur les responsabilités des fonctionnaires, commandants de haut rang et membres de groupes armés puissants.

« Des blocs d’immeubles qui ont été complètement emportés »

Raif Wafa, directeur en Libye de l'ONG Super Novae, mobilisée pour venir en aide aux sinistrés, joint à Tripoli, s'insurge de même manière : « Il y a certaines personnes qui ne sont toujours pas capables de retourner chez elles. Ce sont des blocs d’immeubles - pas une maison ou deux - ce sont des blocs d’immeubles qui ont été complètement emportés. Et les infrastructures sont encore faibles, l’internet ne marche pas très bien, l’électricité se coupe encore. »

« En matière de soins, dit-il encore, il y a beaucoup d’ONG, les ONG internationales et locales ont répondu assez rapidement, donc il y a beaucoup de cliniques qui ont eu l’occasion de rouvrir, y compris la clinique dans laquelle nous opérons nous-mêmes ; ça a permis de limiter les dégâts humainement. »

 

« L'impunité est très enracinée en Libye »

 

Bassam al-Kantar est chercheur pour la Libye à Amnesty International. Il constate que l'enquête annoncée par le gouvernement de Tripoli n'a produit aucun résultat concret, six mois après la catastrophe. 

Amnesty International appelle à mener des enquêtes approfondies. Qui pourrait mener de telles enquêtes selon vous ? 

Bassam al-Kantar: Amnesty International constate depuis des années que l'impunité est très enracinée en Libye. Les chefs de milice et les groupes armés sont financés par le gouvernement et sont maintenus à leur poste. Et cela même si certains ont commis des crimes contre l'humanité, en particulier contre les migrants. Dans le cas de la catastrophe de Derna, c'est la même chose qui se répète. C'est pourquoi nous demandons au Conseil des droits de l'Homme de l'ONU, à Genève, d'adopter une résolution pour mettre en place un mécanisme d'enquête international et indépendant. Nous plaidons pour ce mécanisme pour enquêter sur tout ce qui s'est passé l'année dernière, y compris les inondations catastrophiques à Derna, afin d'établir les responsabilités humaines de ce désastre. C'est la seule façon de garantir la transparence du processus et de faire en sorte que les auteurs présumés répondent de leurs actes. C'est aussi la seule manière de garantir aux survivants qu'ils obtiendront justice.  

Dans quelles conditions vivent les populations de Derna aujourd'hui ?  

Il y a eu beaucoup de propagande au sujet de l'aide mise en place dans la région. Par exemple, les comptes Facebook du gouvernement ont annoncé que les écoles étaient de nouveau ouvertes à Derna. Mais ce n'est pas vrai. Les écoles ne fonctionnent toujours pas, six mois après la catastrophe. Les déplacés internes, qui ont dû aller vers l'ouest de la Libye, ont été négligés. Ils ont été laissés seuls, sans aide ni soutien. C'est le cas des migrants, des apatrides, des personnes handicapées, des femmes et des enfants. De nombreuses catégories de la population ont été négligées. 

À lire aussiInondations en Libye: la catastrophe de Derna aurait pu être évitée, concluent les experts

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Partager :
Page non trouvée

Le contenu auquel vous tentez d'accéder n'existe pas ou n'est plus disponible.