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Algérie / Religion

L’islam soufi veut se mobiliser contre le radicalisme

Des représentants de l’islam soufi sont réunis en Algérie pour créer une Union mondiale soufie afin de lutter contre la violence et le radicalisme. Un projet inédit, mais fragile.

A Mostaganem, en Algérie, des représentants de l'islam soufi du monde entier se sont réunis pour lancer une Union mondiale soufi afin de combattre le radicalisme religieux.
A Mostaganem, en Algérie, des représentants de l'islam soufi du monde entier se sont réunis pour lancer une Union mondiale soufi afin de combattre le radicalisme religieux. RFI/Leila Beratto
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De notre correspondante à Alger,

« Isoler les charlatans », « résister » et « combattre le radicalisme ». A la tribune, Mahmoud Omar Chaalal, le président de l’union des zaouïas algériennes, appelle au rassemblement des musulmans soufis pour faire entendre la voix de leur islam, « un islam authentique qui prône la paix ».

Long burnous (manteau de laine) blanc sur les épaules, il salue les participants un à un. Plus de 120 théologiens soufis, venus du Pakistan, de Chine, du Tchad, du Soudan ou encore du Liban, sont réunis dans la ville algérienne de Mostaganem, du 18 au 20 mai 2016, pour créer une « Union mondiale soufie ». « Cela fait plus de 10 ans que nous parcourons le monde pour sensibiliser les hommes de savoir soufi à la nécessité de cette union. C’est à la société civile de combattre le radicalisme. Cette union aura un but éducatif, car nous, soufis, estimons que notre devoir est d’éduquer », explique-t-il.

Un islam spirituel

Le soufisme est un islam mystique né au IXe siècle, « l’islam spirituel originel », estime le chercheur algérien Said Djebelkhir. « Ce n’est pas une branche de l’islam, ajoute l’anthropologue algérien Zaim Khenchlaoui. Le soufisme est présent du Maghreb à l’Asie, chez les chiites comme chez les sunnites ». Organisé en confréries, au sein desquelles un maitre dispense des enseignements à des élèves, sans pour autant pouvoir se prononcer sur les questions de morale, le soufisme se caractérise par des invocations à voix haute, le dhikr.

D’autres pratiques culturelles sont liées au culte, en fonction des confréries, comme les danses des derviches tourneurs en Turquie et en Iran par exemple. A Mostaganem, les théologiens soufis opposent leur pratique à celle du salafisme et du wahhabisme : « Le soufisme n’a pas de projet d’Etat musulman. Ses objectifs ne sont pas plus ambitieux que la construction d’un individu, la réparation de son âme et le nettoyage de son cœur », explique Zaim Khenchlaoui.

Un rôle social fragilisé

Les confréries soufies, appelées Tariqas, ont un rôle social : « Les confréries étaient là pour consolider les liens et donner une éducation de pacifisme, de respect du voisin, du prochain », raconte Ouma Saad Touré, ancien professeur d’arabe au Mali et membre de la confrérie Tidjania. Mais aujourd’hui, ce système d’organisation sociale est mis à mal.

« D’abord, nous avons créé tellement de sous-groupes dans le monde musulman, que nous avons détruit ce qui faisait notre force. Ensuite, alors que le rôle d’un soufi est d’assurer l’éducation d’un enfant, les parents sont aujourd’hui dépassés par le développement technologique. Nous n’arrivons plus à parler le même langage », ajoute Ouma Saad Touré. Pour faire face à cette division, la solution privilégiée à Mostaganem est donc celle de l’union pour « renforcer le monde musulman ».

S’unir pour lutter contre la violence, mais avec quels moyens ?

« Cette union est une bonne chose, car elle est inédite et elle participe à une prise de conscience », estime l’anthropologue Zaim Khenchaloui. « A l’échelle d’un pays, on ne peut rien faire, car c’est le monde entier qui est bouleversé par la violence », ajoute le Malien Ouma Saad Touré. Des participants à la réunion disent qu’Alger est prédisposée à fonder une telle union, car « c’est l’un des rares pays musulmans qui n’oppose pas sunnites et chiites ». Pourtant, le monde soufi est encore loin d’avoir la « force de frappe » de ceux qu’il veut combattre. Sur le terrain, les confréries ont du mal à travailler ensemble. Certaines craignent l’instrumentalisation politique.

Lors de ce congrès, la question du financement n’a pas trouvé de réponse non plus. « Nous n’avons aucun pouvoir médiatique, lance un participant qui demande à rester anonyme, aucune chaîne de télévision, alors que l’Arabie saoudite en finance des dizaines qui font la promotion du wahhabisme ! » A la tribune, dans les couloirs des hôtels, des représentants du monde soufi insistent sur la responsabilité du « monde occidental ». « La France ne peut pas décorer l’Arabie saoudite, alors que chaque mosquée financée par le wahhabisme est une bombe à retardement », s’emporte un responsable maghrébin.

« Comment un pays africain peut accepter des pétrodollars saoudiens, laisser des associations wahhabites se développer, et croire que leur pays échappera à la violence ? », déplore un autre. « Les religieux seuls ne peuvent pas faire face au terrorisme, insiste un théologien malien. Quand les terroristes sont arrivés chez nous, ils ont recruté facilement parce qu’ils avaient de l’argent ». Le chercheur algérien Said Djebelkhir est catégorique : « Les confréries ne peuvent pas à elles seules éradiquer la pauvreté et la précarité, il faut le concours des pouvoirs politiques ! »

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