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Corée du Nord / Guinée Equatoriale

«Monica de Pyongyang», l’enfance nord-coréenne d’une fille de président africain déchu

Monica Macias, née en Guinée équatoriale, fille de l'ancien président Francisco Macias Nguema, est arrivée en Corée du Nord à l’âge de 7 ans. Elle a grandi et étudié dans ce pays communiste, considéré comme le plus fermé de la planète. Son parcours hors du commun, raconté dans son journal d’enfance, vient d’être publié en Corée du Sud.

A Séoul, Monica Macias, Equato-Guinéenne et l'autobiographie qu’elle vient de publier. «Je suis coréenne», explique-t-elle.
A Séoul, Monica Macias, Equato-Guinéenne et l'autobiographie qu’elle vient de publier. «Je suis coréenne», explique-t-elle. ©Frédéric Ojardias/RFI
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De notre correspondant à Séoul

« La Corée du Nord me manque, bien sûr. C’est le pays de mon enfance, et c’est la plus belle période de ma vie. » Monica Macias sourit. Elle est habituée à surprendre son auditoire. De son sac, elle sort des dizaines de photos où elle apparaît au garde-à-vous, le visage sérieux, seule gamine noire entourée de petites Nord-Coréennes de son âge. Toutes portent l’uniforme de l’école révolutionnaire de Mangyongdae, la plus prestigieuse institution scolaire de Pyongyang, destinée à former de futurs officiers.

« Enfant, j’ai appris la stratégie militaire, et aussi comment utiliser et démonter une kalachnikov. Mangyongdae est une école qui n’accepte que des garçons, mais le dirigeant nord-coréen Kim Il-sung avait créé deux classes de filles, spécialement pour moi et ma sœur », raconte Monica Macias. Son père, Francisco Macias Nguema, était le premier président de la Guinée équatoriale indépendante. Un dictateur qui, à l’issue d’un règne sanguinaire de dix ans, est renversé en août 1979 puis exécuté par son propre neveu, Teodoro Obiang Nguema, toujours au pouvoir aujourd’hui en Guinée équatoriale.

Sous la protection de Kim Il-sung

Quelques mois avant le coup d’Etat, Francisco Macias Nguema envoie par précaution sa femme, ses deux filles et son fils en Corée du Nord, un régime ami. Dans les années 1960 et 1970, le « Grand dirigeant » nord-coréen Kim Il-sung se posait en héros de la cause des pays non-alignés, et offrait son soutien politique, économique et parfois même militaire aux mouvements d’indépendance en Afrique. La Corée du Nord noue à l’époque des liens étroits avec de nombreux pays africains.

Arrivée à Pyongyang à l’âge de 7 ans, Monica y restera pendant 16 années, sous la protection de Kim Il-sung, qui venait de temps en temps rendre visite aux jeunes exilés équato-guinéens. « Il nous grondait comme le ferait un grand-père. Il nous disait : "Tu dois beaucoup travailler à l’école !» De Kim Il-sung, elle préfère évoquer la personne, qualifiée de « charismatique », plutôt que le despote qui a mis en place un régime héréditaire brutal et répressif : « Il a tenu la promesse qu’il avait faite à mon père. »

Une enfance privilégiée à Pyongyang

Monica Macias grandit dans une Corée du Nord relativement prospère, avant l’effondrement et la famine du milieu des années 1990. « Le pays n’était pas riche, mais il s’en sortait. C’était une bonne période. Le système marchait. » Elle évoque en souriant sa vie de privilégiée à Pyongyang : les pique-niques le weekend, les après-midi passés entre amis. Il était interdit aux Nord-Coréens de côtoyer des étrangers ; pour se rendre chez ses camarades coréennes, la jeune Guinéenne devait demander l’autorisation à son professeur, qui transmettait la requête à sa hiérarchie. « Cela ne me dérangeait pas. C’était la loi ! »

Des photos de Monica Macias lors de sa scolarité à l’école révolutionnaire Mangyongdae, l’institution la plus prestigieuse de Corée du Nord, destinée à former de futurs officiers.
Des photos de Monica Macias lors de sa scolarité à l’école révolutionnaire Mangyongdae, l’institution la plus prestigieuse de Corée du Nord, destinée à former de futurs officiers. ©Frédéric Ojardias/RFI

Sa vision du monde commence à changer quand, étudiante à l’université des Industries légères de Pyongyang, Monica se lie d’amitié avec des étudiants étrangers. Un jour, l’un d’entre eux, un jeune Syrien, commet un crime de lèse-majesté : il s’assied sur un journal dont la première page est ornée d’un portrait de Kim Il-sung. « J’ai crié : "Tu ne peux pas faire ça ! Lève-toi, lève-toi !" J’étais vraiment en colère. Lui a commencé à rigoler. Il m’a dit : "Toi, tu as grandi ici !" Puis il est parti. J’ai passé la nuit à réfléchir. C’est à ce moment que mon point de vue a commencé à changer. Un an plus tard, je suis partie à Pékin. »

Lors de son arrivée en Chine, la jeune Equato-Guinéenne reste très influencée par la propagande violemment antiaméricaine qui a nourri son enfance : lorsque dans une rue elle rencontre pour la première fois de sa vie un Américain, elle s’enfuit en courant. « Quand je leur ai raconté ma peur, mes proches se sont vraiment moqués de moi. »

« Je suis Coréenne »

Monica Macias part ensuite vivre en Espagne, le pays de sa mère. Son adaptation à la vie capitaliste se révèle très douloureuse. « Personne ne me donnait d’argent, personne ne me disait ce que je devais faire. Il fallait trouver un travail. J’étais perdue. J’ai pleuré pendant trois mois. Pyongyang me manquait, et je voulais y retourner… » Dans une librairie de Madrid, elle découvre que ce ne sont pas la Corée du Sud et les Etats-Unis qui ont démarré la sanglante guerre de Corée (1950-1953), comme l’affirme la propagande du Nord, mais le régime de Pyongyang. Elle partira donc voyager, aux Etats-Unis notamment.

A Séoul, dans la Corée du Sud des années 2010, une maison d’édition vient de publier le journal d’enfance de cette femme à l'histoire hors norme. Il est intitulé Je suis Monica de Pyongyang, et c'est un projet qui lui tient à cœur : « Les Coréens du Nord et du Sud ont beaucoup de préjugés les uns envers les autres et ne se connaissent pas vraiment. Avec ce livre, je veux leur montrer que même s’ils ont des systèmes politiques et économiques différents, ils sont identiques. Ils partagent la même culture et la même façon d’être. »

Aujourd’hui, Monica Macias partage sa vie entre l’Espagne et la Corée du Sud. Elle affirme que le coréen est la langue la plus confortable pour elle. « Je pense toujours en coréen. Je suis Coréenne ! Je ne regrette rien. Si je devais renaître, je voudrais vivre exactement la même vie. »

► ÉCOUTER SUR RFI : Reportage international sur Monica Macias

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