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Tourisme / Europe

Barcelone, Venise… Ces villes européennes en guerre contre le tourisme de masse

Dès septembre prochain, Venise va instaurer une taxe à l'entrée de la ville pour tenter d’endiguer le tourisme de masse dont elle souffre. Elle n’est pas la seule à renforcer sa législation en Europe.

Venise veut s'unir avec d'autres ports contre les dangers des paquebots géants. Sur cette photo, le bateau de croisière MSC Magnifica, le 9 juin 2019 à Venise.
Venise veut s'unir avec d'autres ports contre les dangers des paquebots géants. Sur cette photo, le bateau de croisière MSC Magnifica, le 9 juin 2019 à Venise. MIGUEL MEDINA / AFP
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Des hommes au visage masqué en train de taguer, crever les pneus et casser au marteau le pare-brise de voitures de location. La scène a eu lieu à Palma de Majorque, en Espagne. Ces actes de vandalisme ont été filmés et diffusés sur les réseaux sociaux le 5 août par le mouvement d'extrême gauche Arran, qui milite chaque été contre le tourisme de masse.

Pour cette organisation, le tourisme est synonyme de pollution, de dénaturation du cadre de vie et d’augmentation des loyers. Au-delà des actions de mouvements extrémistes, la lutte contre le tourisme de masse s’intensifie, en Espagne comme dans d’autres villes européennes.

Des villes submergées par les touristes

Dans le centre-ville de Barcelone, difficile de passer à côté des nombreuses banderoles « Tourist, go home » (« Touriste, rentre chez toi »). La capitale catalane, de 1,6 million d'habitants, reçoit environ 30 millions de visiteurs par an.

Depuis plusieurs années, la ville voit ainsi fleurir des mouvements de contestation contre le tourisme. Les Barcelonais dénoncent notamment le développement sans fin des locations Airbnb, augmentant les loyers, ce qui a pour conséquence de les chasser du centre au profit des touristes.

L’exemple le plus frappant reste Venise. Chaque année, la ville accueille près de 30 millions de visiteurs. Les Vénitiens, eux, ne sont plus que 55 000 (soit un habitant pour 550 touristes !). Pour la « Sérénissime », classée au patrimoine mondial de l'Unesco, c’est un flux incessant abîmant ses fondations, de plus en plus fragiles.

Comment enrayer le phénomène ? « Le problème est que, pendant des décennies, les élus ont considéré que le tourisme était forcément bénéfique, sans se préoccuper des conséquences réelles en termes de bénéfices locaux », explique Saskia Cousin, anthropologue, spécialiste des questions de tourisme. « Le problème, ce ne sont pas les touristes, mais la mise en œuvre de régulations. Aucune ville n’accepterait une industrie sans aucune norme et régulation. Or, avec les croisières et les plateformes type Airbnb, c’est bien ce qui s’est passé. »

Des mesures pour limiter l’afflux de touristes

Face aux risques découlant du tourisme de masse, de plus en plus de villes européennes commencent à se ressaisir. Toujours à Venise, les images de paquebots hors de contrôle, en juin et juillet derniers, avaient fait le tour des réseaux sociaux et relancé les polémiques. Pour éviter de nouveaux incidents, Venise a lancé le 1er août un appel aux autres ports historiques européens. Le but : unir leurs forces contre les multiples dangers que posent les paquebots géants.

De plus, la mairie a décidé qu’à partir de septembre prochain, chaque visiteur devra s’acquitter d’une taxe, comprise entre 2,50 et 10 euros selon la période de l’année, qui servira à l’entretien de la ville. Elle devrait rapporter quelque 50 millions d'euros par an

À Barcelone, à la suite de son élection comme maire en 2015, Ada Colau avait déclaré qu’elle agirait pour faire en sorte que sa ville ne devienne pas « un magasin de souvenirs bon marché ». Depuis, les amendes se sont multipliées contre les locations illégales (600 000 euros d’amende en 2016) dans le but de réguler l’activité.

Ceux qui voyagent le plus, ça reste les catégories sociales supérieures.

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Bertrand Réau

David Pauget

La municipalité d'Amsterdam aux Pays-Bas a aussi adopté, en mai 2018, des mesures pour endiguer le tourisme de masse : locations limitées à 30 jours par an, augmentation des taxes touristiques, cars touristiques bannis du centre-ville.

Cette dernière mesure a d’ailleurs inspiré la ville de Paris. Début juillet, la mairie a annoncé que ces véhicules n’étaient « plus les bienvenus dans l'hypercentre », De plus, depuis le 1er janvier 2019, les locations sur la plateforme dans la capitale sont limitées à 120 nuitées par an, et un numéro d'enregistrement est exigé.

1,8 milliard de touristes dans le monde d’ici à 2030

Le phénomène est tel que des lieux, pendant longtemps peu visités, commencent à y être confrontés. En Islande, le nombre de touristes a été multiplié par quatre en quelques années, passant de 500 000 visiteurs en 2010 à 2,4 millions de touristes en 2018. Le gouvernement a ainsi décidé de limiter l’accès à certains sites comme la station thermale du Lagon bleu.

« Peu de lieux sont finalement concernés », nuance Philippe Violier, directeur de la section tourisme et culture à l'université d'Angers. « Il y a largement plus de lieux dans le monde qui aimeraient avoir des touristes. Ils sont toujours trop ou pas assez. »

Le risque avec les mesures prises contre le surtourisme, selon Philippe Violier : qu'elles soient socialement discriminatoires. « Il est possible d’essayer d’anticiper, d’agir pour que la vie des habitants soit possible avec le tourisme... mais cela demande de la réflexion, or nous en manquons. Des solutions peuvent être trouvées à condition de les chercher plutôt que de condamner en bloc le tourisme de masse qui reste une conquête sociale et un levier de développement économique. »

1,2 milliard de touristes ont voyagé à travers le monde en 2016, selon l'Organisation mondiale du tourisme (OMT). Selon les prédictions, ce chiffre devrait augmenter de 3,3 % par an dans les dix prochaines années, pour atteindre 1,8 milliard d’ici à 2030.

►À lire aussi : Faut-il interdire le tourisme ?

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