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Royaume-Uni

Elections européennes: au Royaume-Uni, une campagne à marche forcée

En l’attente de l’entérinement du Brexit, les partis politiques britanniques entrent un à un en campagne en vue des élections du 23 mai prochain. Un scrutin qui n’enchante guère, mais dont les résultats devraient être symboliques d’un désir de quitter ou non l’Union européenne.

Nigel Farage et Anne Widdecombe du Brexit Party, devant Europe House à Londres, le 24 avril 2019.
Nigel Farage et Anne Widdecombe du Brexit Party, devant Europe House à Londres, le 24 avril 2019. Reuters/Toby Melville
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La saga Brexit s’invite dans les élections européennes. Faute d’accord à la Chambre des communes, le Royaume-Uni fait toujours partie intégrante de l’Union européenne. En tant qu’État membre, il est soumis à une obligation légale : présenter, au plus tard ce jeudi, des listes électorales en vue du scrutin européen - un scrutin qui se tiendra du 23 au 26, le 23 mai pour les britanniques. Et ainsi investir des eurodéputés dont la législature devrait prendre fin le 31 octobre, au plus tard, sauf nouvelle extension. Mais rien n’est moins sûr : il n’est pas exclu que Theresa May parvienne à obtenir à un accord avec le Parlement britannique avant le scrutin, son objectif affiché.

Alors que la campagne des différents partis se met en place dans un épais brouillard, Florence Faucher, enseignante à Sciences Po, et Catherine Marshall, professeure de civilisation britannique à l’Université de Cergy-Pontoise, nous aident à mesurer les enjeux de ces élections. Interviews croisées.

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RFI : Où en sont les différents partis politiques dans leur préparation de la campagne ?

Florence Faucher : Comme personne ne s’attendait à vraiment ce qu’il y ait des élections, les partis travaillent dur pour s’assurer qu’ils auront des candidats. C’est plus facile pour ceux qui ont des eurodéputés sortants. Mais sinon, pour la plupart des partis, il faut trouver des candidats dans l’urgence. On trouve souvent des « petits candidats » prêts à porter des couleurs ou un thème de campagne même en ayant très peu de chances d’être élu, et même pour une courte période.

Catherine Marshall : Par rapport à 2014, on compte deux partis de plus sur la ligne de départ : le Brexit party de Nigel Farage, fondé en février dernier, et Change UK, un parti pro-Remain composé d’anciens députés travaillistes et conservateurs. Il est intéressant de noter que le Brexit party n’a eu aucun mal à lever les fonds. Farage a même pu rallier à sa cause 12 eurodéputés du Ukip, soit 50 % des parlementaires sortants de son ancien parti.

Comment les deux partis les plus ancrés, le Parti travailliste et le Parti conservateur, perçoivent-ils le scrutin ?

CM : Il se dégage un sentiment d’inutilité. Si les eurodéputés siègent, ils ne siègeront pas très longtemps, voire pas du tout. Il y a également un sentiment de temps perdu, un temps qui aurait pu être passé au Parlement à négocier l’accord. Nombreux sont ceux qui pointent un gâchis d’argent public [la BBC estime à 109 millions de livres le coût de la campagne, ndlr]. Il faut lever des fonds, il faut rassembler des candidats prêts à défendre votre cause et s’assurer que tout le monde soit en ordre de marche. C’est très compliqué.

FF : Je pense que personne n’a particulièrement envie d’organiser ces élections européennes alors que le Royaume-Uni était déjà supposé être sorti de l’UE. Il est encore plus difficile d’organiser une élection pour choisir des députés dans une institution dont le Royaume-Uni devrait se retirer dans les mois qui viennent.

Que peuvent attendre les travaillistes et les conservateurs de ce scrutin ?

FF : Ce sont souvent des élections qui servent à sanctionner le gouvernement en place, encore plus dans ce cas compte tenu de la débâcle que le Brexit représente pour beaucoup de gens. Le Parti travailliste devrait théoriquement en bénéficier, mais se trouve dans une situation un peu compliquée. La difficulté tient au fait que le Labour s’est en quelque sorte engagé à sortir de l’UE, même s’il y a un désaccord sur la manière d’en sortir : c’est qui est actuellement négocié entre les travaillistes et la Première ministre.

CM : Le parti est encore aujourd’hui très partagé, même si la ligne des travaillistes est plutôt de demander un nouveau référendum. Jeremy Corbin, le chef du parti, est lui-même est une personnalité hésitante sur la question du Brexit.

Quel rôle peuvent jouer les partis de plus petite envergure ?

CM : Pour l’instant, c’est n’est ni le parti conservateur (15 %) ni le Labour (22 %), mais le Brexit party qui arrive en tête avec 27% des suffrages, selon un sondage YouGov relayé par The Times. Même si ce n’est qu’un sondage, cela semble traduire le sentiment que le Brexit doit avoir lieu. Les personnes qui disent que la période de flou entamée après le vote aurait fait changer les idées ne paraissent pas tout à fait vraies. Au vu du nombre de partis en course, on peut toutefois s’attendre à un vote morcelé, aussi bien dans le camp du Leave que du Remain. On pourrait par exemple imaginer une coalition entre les Verts (10 %), les Lib Dem (9 %) et Change UK (6 %). S’ils arrivaient à se regrouper sur une ligne de centre gauche, ils auraient une carte à jouer. Mais auront-ils le temps de le faire ? Et surtout l’envie ?

FF : Le Brexit Party de Farage a pour sa part clairement annoncé vouloir être un élément perturbateur pour les élections.

►À lire aussi : Sans le Brexit, le Royaume-Uni lance une drôle de campagne pour les Européennes 

Ces élections ne constituent-elles pas un référendum indirect sur la question du Brexit ?

FF : Les partisans du Brexit entendent se servir de ces élections pour diffuser leur discours anti-UE. Les partisans du Remain ou d’une sortie en douceur vont probablement faire de cette élection un mini-référendum pour le Remain, notamment les Verts, les Lib Dem, le SNP, et une fraction des travaillistes.

CM : Les résultats seront sûrement interprétés comme ceux d’un référendum pour ou contre l’Union européenne. Mais je pense que c'est un danger d’uniquement les interpréter de cette façon-là. Il faut se retenir de tirer des conclusions trop généralisées. Les résultats donneront une idée de la situation. Au regard des sondages du moment, celle que le pays n’a pas tant changé d’avis que cela.

Le scrutin intéresse-t-il les électeurs britanniques ?

FF : Le taux de participation est généralement très faible aux élections européennes. Il l’est particulièrement au Royaume-Uni, et ce depuis longtemps. En 2014, par exemple, il n’était que de 34 % [contre 42 % en France, ndlr]. Cependant, ces élections vont mobiliser les partisans du Brexit, notamment le Ukip et le Brexit party et les partisans du Remain, qui vont chercher à mobiliser des électeurs précisément pour montrer que les Britanniques tiennent à l’UE. Nous sommes dans le registre de la spéculation, mais on peut supposer que des personnes qui s’abstiendraient dans un contexte différent iront voter en mai. Les jeunes par exemple, qui sont très attachés à l’UE.

CM : Par rapport à juillet 2016, un grand nombre de personnes seront maintenant en âge de voter. Ils feront peut-être une petite différence. Mais iront-ils vraiment voter ? Les pro-Brexit, eux, se rendront sans doute aux urnes.

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