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La semaine de

Winnie: le petit bémol à la stature de Mandela

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S'il y avait une ombre à déplorer sur la prestigieuse image du grand homme, ce serait elle. Si injustement expulsée de sa vie…

Jean-Baptiste Placca
Jean-Baptiste Placca RFI
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C’est ce samedi 14 avril que Winnie Mandela, décédée le 2 avril, est conduite à sa dernière demeure. Ici, la semaine dernière, vous lui avez, en quelque sorte, préféré le Dr Martin Luther King… Mais que reste-t-il à dire de la veuve de Nelson Mandela, dix, douze jours après le flot d’articles qui lui ont été consacrés ?

Tout a été dit, vous avez raison. Mais notre métier n’est-il pas, au fond, de savoir toujours trouver la manière la plus perspicace d’aborder les sujets, même après tout le monde ? Winnie Mandela, durant les vingt-sept années passées à attendre cet époux   qui avait pratiquement deux fois son âge, lorsqu’ils se sont mariés, a subi affront sur affront, de la part du régime raciste sud-africain. Le pouvoir de l’apartheid l’a emprisonnée, bannie, mise en résidence surveillée, et même, entre deux manœuvres d’intimidation, a attenté à sa vie. Pour la population qui l’a vue subir tout cela, elle aussi était une héroïne, qui aurait mérité mieux que d’être « bannie » par son mari revenant de captivité. Non pas que les crimes et fautes dont elle s’est rendue coupable soient des péchés véniels. Mais la violence de ce régime a largement favorisé tous les excès de cette période, et elle est loin d’être la seule à en avoir commis.

Faut-il comprendre, par là, qu’elle n’était ni pire ni meilleure que les autres ?

Durant ces années de braise, la population, souvent, se rendait justice elle-même. Des Noirs plaçaient, au cou d’autres Noirs, suspectés de trahison, des pneus auxquels ils mettaient le feu. Car il y avait, effectivement, des traîtres, qui renseignaient le pouvoir raciste sur les stratégies, les lieux de cachette des activistes. Le régime d’apartheid pouvait ensuite les traquer, et facilement les interpeler, pour les emprisonner, les juger ou, tout simplement, les faire disparaître. Dans cette ambiance qui avait tout d’une guerre totale à armes inégales, le pouvoir disposait et de l’arsenal législatif et de la panoplie de la répression, pour écraser les militants noirs, qui n’avaient d’autre choix que la clandestinité, les sabotages ou d’autres formes de violence. Et il y a eu des excès. Et des morts, hélas ! Et, aussi, des bavures, au titre desquelles l’on doit bien ranger les excès de la Mandela United Football Club, jusqu’au terrible et regrettable règlement de comptes qui a coûté la vie au jeune Stompie Seipei. Mais c’était la mode, dans cette Afrique du Sud. Et beaucoup se demandent, encore aujourd’hui, pourquoi l’ANC a fait comme si les crimes imputés à Winnie étaient plus abominables que tous ceux dans lesquels baignait par ailleurs l’Afrique du Sud.

En somme, pour que Mandela sorte, immaculé et en toute respectabilité de prison, il a fallu que certains se salissent les mains.

Ainsi va, souvent, la politique, là où un peuple est victime d’injustice, écrasé par un pouvoir minoritaire, inique, qui a tous les droits. Ces crimes, pas plus que les infidélités supposées de la belle dame, ne pouvaient justifier sa répudiation par l’ANC, qui serait allé chercher une remplaçante à celle qui a tenu le flambeau et fait grandir, pendant plus d’un quart de siècle, l’aura et le nom de Mandela.

Il n’y aurait jamais eu un Mandela, avec une aussi impressionnante popularité, s’il n’y avait pas eu cette Winnie, courageuse, subissant humiliations et brimades. Les infidélités ? Que l’homme qui aurait fait moins qu’elle, dans une situation analogue, lui jette donc la première pierre ! Et dire que le mouvement qui la répudie pour infidélité est le même qui donnera au pays, neuf années durant, Jacob Zuma comme président !

Pour être un héros, Mandela n’en était pas moins homme…

Oui. Avec sa part d’ombre, comme tous les mortels, en effet. Et à propos de Winnie, beaucoup lui diront toujours qu’il n’a pas fait ce qui est juste. Et c’est ici, justement, que nous retrouvons la pédagogie proverbiale du Dr King. Il ne devait, sur cette question, chercher ni à être consensuel, ni populaire, ni diplomate, mais devait se demander ce qui est juste, selon sa conscience.

A un certain niveau, disait Martin Luther King, la couardise n’est pas de la prudence ou une manière de se mettre en sécurité. Et l’opportunisme ne peut être assimilé à de la perspicacité, ou une façon d’être soi-disant diplomate. Tout comme la vantardise ne peut en rien être une façon de s’assurer de la popularité. Il faut simplement faire ce que votre conscience vous dit comme étant juste.

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