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Le grand invité Afrique

Togo: «Ils disent des choses pour se maintenir au pouvoir» regrette Jean-Pierre Fabre

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Au Togo, le pouvoir s’engage à faire commencer ce vendredi 15 septembre l’examen par les parlementaires d’un projet de réforme constitutionnelle. Mercredi 13, le contenu de ce projet a été présenté à tous les partis représentés à l’Assemblée nationale. Qu’en pense l’opposition, qui organise de grandes manifestations depuis le 19 août dernier ? Le député Jean-Pierre Fabre est le chef de file de l’opposition togolaise. En ligne de Lomé, le président de l’Alliance nationale pour le changement (ANC), répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

Le leader de l'Alliance nationale pour le changement, Jean-Pierre Fabre, s'adresse à ses partisans lors d'une manifestation de soutien à Lomé, en avril 2015.
Le leader de l'Alliance nationale pour le changement, Jean-Pierre Fabre, s'adresse à ses partisans lors d'une manifestation de soutien à Lomé, en avril 2015. ISSOUF SANOGO / AFP
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RFI : Ce mercredi 13 septembre, vous avez pris connaissance du projet de loi sur la réforme constitutionnelle. Comment réagissez-vous ?

Jean-Pierre Fabre : Je ne suis pas très surpris parce que je connais nos adversaires politiques. Il y a deux points importants là-dedans. Il y a l’article 59 de la Constitution : la phrase « en aucun cas nul ne peut faire plus de deux mandats  » a été supprimée ; ensuite, il y a le fait que, en violation de l’accord politique global qui ne parle que de la limitation du mandat présidentiel, le projet de loi de révision constitutionnelle prétend vouloir limiter le mandat des députés. Maintenant, il y a le retour au mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Alors c’est de la provocation, une manœuvre de diversion visant à désamorcer la tension dans le pays. Il n’y a rien de sérieux là-dedans. Et cela va plutôt envenimer la situation, ce qui n’est pas une mauvaise chose d’ailleurs. On va se remobiliser pour obtenir ce que nous voulons, le départ du chef de l’Etat.

Mais le projet de loi ne prévoit-il pas la limitation du nombre de mandats présidentiels ?

Oui, vous savez la question aujourd’hui, c’est le départ du chef de l’Etat. Lorsque nous réclamons le retour à la Constitution de 1992, nous ajoutons aussitôt : « avec toutes les conséquences qui en découlent ». Cela veut dire que le chef de l’Etat, ayant déjà bouclé plus de deux mandats, est frappé aussitôt par la mesure et qu’il part.

Mais pourquoi ne pas avoir la patience d’attendre la fin de son mandat actuel, c’est-à-dire mars 2020 ?

Parce que nous connaissons les ruses du pouvoir en place. Et nous ne voyons pas pourquoi nous attendrions la fin de son mandat. Alors il faudrait se soumettre au coup de force du pouvoir en place ? Non. Ce serait encourager le refus d’exécuter les engagements pris. La modification constitutionnelle s’applique aussitôt à lui, dès lors que le texte est voté.

Selon le ministre de la Fonction publique, Gilbert Bawara, l’adoption de ce projet de loi en Conseil des ministres la semaine dernière, le 5 septembre, est un signe de bonne foi de la part du président Faure Gnassingbé ?

Ce n’est pas ce qu’indique le contenu du texte. On est dans un dialogue de sourds. Ils disent des choses pour se maintenir au pouvoir, et nous, nous en avons marre et nous ferons tout pour qu’il s’en aille.

Si la majorité à l’Assemblée refuse votre proposition, qu’allez-vous faire ?

Refuse quelle proposition ? C’est nous qui allons refuser leur proposition. Lorsque monsieur Faure Gnassingbé fait 13 ans au pouvoir, ajoutés aux 8 ans ou même un peu plus parce que finalement, monsieur Gnassingbé Eyadéma a pris le pouvoir en 1963, lorsqu’on ajoute tout cela, on est en face d’un régime cinquantenaire. Je crois que cela devrait ramener monsieur Faure Gnassingbé à la raison.

C’est vrai qu’il y a beaucoup de monde dans les rues depuis un mois, mais les appels à la manifestation de ces derniers jours ont été moins suivis que ceux de la semaine dernière. Est-ce qu’il n’y a pas un essoufflement ?

(rires) Il n’y a pas d’essoufflement, au contraire. Vous allez voir dans les jours qui vont venir. Hier, les artères donnant sur le siège de l’Assemblée nationale ont été bouclées. Mais vous allez voir la semaine prochaine.

Longtemp,s le pouvoir a opposé le Sud, proche de l’opposition, au Nord, proche de la majorité. Est-ce qu’il ne va pas encore jouer sur ces divisions nord-sud ?

Ce qui se passe actuellement est très intéressant et encourageant pour nous parce qu’il y a l’implication plus forte de la partie nord de notre pays dans la lutte. Nous avons vu les manifestations du 19 août. Nous avons vu les grandes villes du Nord -Dapaong, Mango, Sokodé-, s’impliquer dans les manifestations à un très grand niveau. Nous avons vu la fermeté de monsieur Tikpi Atchadam [chef de file du Parti national panafricain (PNP), du Nord du pays]. Donc il n’y a pas aujourd’hui de possibilité pour le pouvoir d’opposer le Nord au Sud, comme il l’a toujours fait.

En effet, Tikpi Atchadam est originaire de Sokodé, qui est une ville proche du nord du pays. Voulez-vous dire qu’avec ce nouveau leader de l’opposition, vous trouvez un nouveau souffle vous-même ?

(rires) Je ne me suis jamais essoufflé. N’oubliez pas que le 3 août dernier, avant la manifestation du 19 août, nous étions dans les rues et nous avons fait une manifestation qui a connu une très grande mobilisation des populations. Maintenant, avec l’arrivée de quelqu’un d’autre qui est originaire de ce qu’on appelle le Nord de notre pays, évidemment il y a quelque chose de neuf.

Est-ce que le régime ne va pas essayer de vous diviser Tikpi Atchadam et vous-même dans une bataille d’égo ?

Pour le moment, les rivalités politiques ne sont pas à l’ordre du jour. Lorsque le moment viendra, on verra. Mais concentrons-nous sur la lutte pour nous débarrasser d’un cauchemar qui hante le Togo depuis plus de 50 ans.

La semaine dernière, le 7 septembre, vous avez rencontré le représentant du secrétaire général de l’ONU, le Ghanéen Mohamed Ibn Chambas. Qu’est-ce que vous en attendez ?

Je vais vous surprendre en disant : pas grand-chose – je le lui ai dit d’ailleurs -, parce que nous, nous avons pris notre destin en main et que nous avons peut-être commis l’erreur, par le passé, d’attendre auprès de la communauté internationale une contribution, une aide qui ne nous est jamais venue. Et je lui ai dit que le message des populations qu’il doit transmettre au chef de l’Etat, c’est de lui demander de partir. J’espère qu’il a transmis ce message.

Et du nouveau président français, Emmanuel Macron, attendez-vous quelque chose ?

Nous sommes Togolais. Nous voulons ressembler aux autres peuples, et surtout aux peuples des pays qui nous entourent. Nous ne voulons plus rester une exception, un cas atypique dans la sous-région ouest-africaine. Alors le président Macron, si le sort des Togolais l’émeut, qu’il intervienne comme il peut. Mais nous, nous ferons ce que nous pouvons pour sortir de cette situation, tous seuls.

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