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Le grand invité Afrique

Gilles Yabi: au Kenya, «c'est une décision qui n'était pas attendue»

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Cette décision de la Cour suprême kényane, qui va à l’encontre de l’avis de l’observation internationale influencera-t-elle les autres pays africains ? L’analyste politique béninois Gilles Yabi, fondateur du Wathi, le nouveau «think tank citoyen» pour l’Afrique de l’Ouest tente de répondre à cette question.

Gilles Olakounlé Yabi, économiste et analyste politique, est aussi l'initiateur du Wathi, nouveau think tank citoyen pour l'Afrique de l'Ouest.
Gilles Olakounlé Yabi, économiste et analyste politique, est aussi l'initiateur du Wathi, nouveau think tank citoyen pour l'Afrique de l'Ouest. Gilles Yabi
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RFI: Est-ce que la décision de la Cour suprême kenyane vous a surpris ?

Gilles Yabi: Oui, je pense que c’est une décision qui n’était pas attendue. Il est extrêmement rare d’avoir une Cour suprême ou une Cour constitutionnelle qui annule une élection, d’autant plus qu’il s’agissait de l’élection du président en exercice. Aussi, je crois que tout le monde – ou presque - s’attendait à ce que la Cour suprême valide les résultats de la Commission électorale.

Ce n’est pas la première fois que l’on a des annulations partielles concernant parfois des centaines de bureaux de vote. On peut se souvenir d’ailleurs d’un cas assez paradoxal, celui de la Côte d’Ivoire, en décembre 2010. Le Conseil constitutionnel, en Côte d’Ivoire, avait annulé des voix dans le nord du pays et cela avait conduit à un renversement du résultat des élections, à l’époque, en faveur de Laurent Gbagbo. On était donc dans une situation où on a eu une annulation massive de voix qui aurait peut-être dû conduire à une annulation de l’élection mais là, le Conseil constitutionnel avait renversé les résultats, ce qui évidemment était beaucoup plus problématique et très discutable sur le plan purement légal.

Pour ce qui est de cette situation, c’est l’ensemble de l’élection qui est annulée où la Cour suprême dit clairement que la Commission électorale n’a pas respecté la loi dans son intégralité. Je crois que cela est effectivement très fort et cela souligne une importance capitale pour la construction démocratique, des institutions, du contre-pouvoir et, en particulier, de la justice.

Pensez-vous que la décision de cette Cour suprême pourra influencer d’autres pays africains ?

Il ne faut pas trop vite s’emballer, disons. Ce qui vient de se passer est vraiment important pour souligner l’importance cruciale de la crédibilité de toutes les institutions constitutionnelles, qu’il s’agisse d’une Commission électorale ou encore d’une Cour constitutionnelle ou bien de son équivalent dans les pays anglophones, à savoir la Cour suprême. Je crois effectivement qu’il faut que les autres pays africains en tirent la leçon.

Cependant et derrière cela, vous avez aussi la position du juge.  Vous avez la perception de l’importance de l’institution judiciaire et des Cours qui n’est pas la même dans beaucoup de pays, et clairement dans les pays à tradition francophone, par exemple. On voit bien que le pouvoir politique écrase tellement les autres pouvoirs que l’on ne voit pas très bien l’extraordinaire responsabilité des juges d’une Cour constitutionnelle ou d’un Conseil constitutionnel ou encore d’une Cour suprême.

Je crois effectivement que la première leçon à tirer, pour les autres pays africains qui essaient de construire des démocraties substantielles - et pas simplement des démocraties factices -  c’est que la véritable force, c’est de construire ces institutions et de voir aussi que derrière, il faut des personnalités fortes pour leur donner de la crédibilité et pour cela, il faut examiner les filtres à travers lesquels doivent se faire les nominations pour des positions importantes.

La Cour suprême kényane n’est pas seulement allée à l’encontre du pouvoir en place. Elle est aussi allée à l’encontre de l’avis des observateurs internationaux qui avaient validé le scrutin ?

Oui, je crois que là aussi, c’est une leçon qui est intéressante, c’est-à-dire que la construction de démocraties substantielles ou de systèmes politiques qui correspondent à ce que nous voulons pour les prochaines générations africaines, eh bien ces constructions doivent se faire par ses forces intérieures de la société civile et par des gens aussi qui sont dans les institutions et qui croient à l’éthique de la responsabilité.

Donc, on voit bien que ce ne sont pas les observations internationales d’élections qui vont permettre de franchir ce cap de la construction de démocratie qui soit substantielle.

Les observateurs internationaux ou africains examinent le paysage électoral, généralement à très court terme - même si maintenant il y a des observations à longue durée par l’Union africaine - mais cela ne permet quasiment jamais d’aller au bout des choses et de dire que le cadre légal n’a pas été respecté et donc, le résultat ne peut pas être déclaré comme étant sincère. Cela ne peut être fait que par les institutions nationales et elles ne sont crédibles que lorsqu’on met la pression pour qu’il y ait des filtres sur les personnalités choisies, pour qu’il y ait des dispositifs de vérification qui soient accessibles à la société civile.

Il y a vraiment une pression très forte qui permet d’améliorer, au fil du temps, les institutions. Il ne faut pas oublier qu’au Kenya, il y a l’histoire d’une élection qui s’est très mal passée qui a fait plus d’un millier de morts et on ne peut pas, aujourd’hui, lire ce qui s’est passé sans se souvenir des réformes institutionnelles et de la pression de la société civile exercée pour éviter que l’on ait de nouveaux drames.

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