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Venezuela

Michel Mujica, ambassadeur du Venezuela en France: «Juan Guaidó a échoué»

Alors que l’ambassadeur nommé aux Etats-Unis par Juan Guaidó, reconnu président par intérim par une cinquantaine de pays, a pris possession lundi 18 mars de plusieurs bâtiments appartenant à la République du Venezuela à Washington et à New York, Michel Mujica, ambassadeur du Venezuela en France nommé par Nicolas Maduro, répond en exclusivité aux questions de RFI.

Michel Mujica, ambassadeur du Venezuela en France.
Michel Mujica, ambassadeur du Venezuela en France. Marie Normand/RFI
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Marie Normand : Comment percevez-vous cette administration parallèle que Juan Guaidó est en train de constituer au Venezuela et à l’extérieur du pays ?

Michel Mujica : Au Venezuela, selon moi, c'est plutôt difficile pour lui. Parce que Juan Guaidó n’a pas d’administration, ni de territoire, ni de population, et encore moins d’armée. Ce qui se passe aux Etats-Unis est un cas à part. Mais c’est une violation claire de la Convention de Vienne. La quasi-totalité des représentants nommés par Guaidó ont été acceptés en tant qu' « envoyés spéciaux », ce qui est le cas de la France, des envoyés de Juan Guaidó, président par intérim en charge de l'organisation d'une élection présidentielle.

Isadora Zubillaga a effectivement été reconnue par l’Etat français « envoyée spéciale de Juan Guaidó en France ». Elle appelle les diplomates de votre ambassade à la rejoindre et elle envisage, à terme, de vous remplacer, de devenir ambassadrice du Venezuela en France. Votre réaction ?

(rires) Il y a une chose dont je suis sûr: c’est qu’aucun de mes diplomates ne va franchir le Rubicon et d’autant moins avec un président autoproclamé qui au lieu de défendre les intérêts et la souveraineté de mon pays, demande plus de sanctions, sollicite une intervention militaire. Et ce qu’il recherche véritablement avec ce type d’actions c’est générer plus de souffrance et plus de difficulté au quotidien pour la population vénézuélienne. Et mon message à Mme Zubillaga, c’est qu’aucun de mes diplomates ni l’ambassadeur qui est ici devant vous n’a la moindre intention de la reconnaître, ni de reconnaître ce président autoproclamé.

Revenons sur cette panne d’électricité géante qui a touché le Venezuela. Le président Maduro soutient qu’il s’agit d’un sabotage des Etats-Unis. Il a promis de présenter des preuves matérielles. Est-ce que ces preuves existent ?

Je crois qu'on est en train de mener toutes les enquêtes nécessaires. Tous les éléments jusqu’ici laissent entendre qu’un sabotage est très probable, en raison de la dimension de la panne. 70% du territoire vénézuélien sans électricité pendant 3 ou 4 jours ! C’est donc possible, très possible... comme le fait qu'il y a bien eu un attentat à l’aide de drones, le 4 août 2018. Cela avait été tourné en dérision au début, mais CNN l'a démontré avec la déclaration d’un militaire qui a participé à cette tentative d’assassinat contre Nicolas Maduro. Comme il a aussi été finalement démontré que sur un pont à la frontière vénézuélienne, le camion d’aide humanitaire a été brûlé par un cocktail molotov du côté colombien.

C’est en tout cas le résultat d’une enquête du New York Times. Vous parliez d’une forte probabilité à l’instant, au sujet du sabotage du réseau électrique, donc ce n’est pas encore confirmé ?

Non, non. Le président a dit que les enquêtes étaient en cours.

Il y a une autre théorie, avancée notamment par l’opposition mais aussi par plusieurs ingénieurs: le réseau électrique vénézuélien est dans un état de délabrement avancé. Le gouvernement Maduro n’a-t-il pas une responsabilité ?

Je crois qu’il y a eu des difficultés ces dernières années, en raison du blocus financier, pour acheter du matériel, des instruments qui auraient permis de moderniser ce réseau électrique national. C’est clair que cela a pu affecter ce réseau d’une manière ou d’une autre. Et si l’on ne parvient pas à obtenir des pièces détachées, des médicaments, ou qu’on nous empêche de payer les fonctionnaires à l’étranger, ce n’est pas qu’on n’a pas les moyens financiers, mais parce qu’il y a un blocus financier de la part des Etats-Unis qui empêche beaucoup de choses.

Mais le président Chavez avait mis en place un plan d’investissement d’urgence pour le réseau électrique en 2010 ?

Oui, il y avait un plan sous Chavez. C'est vrai. Ce plan visait à accroître et à moderniser le réseau électrique vénézuélien parce que nous dépendons à 70% de l'électricité générée par le barrage hydroélectrique de Guri. Clairement, nous avons besoin de moderniser le réseau, de le mettre à niveau, mais en raison d’une profonde guerre économique, de la baisse des prix du pétrole et aussi parce qu’il faut le reconnaître il y a eu des erreurs à un moment dans les décisions économiques, cela a  conduit à la situation que nous vivons aujourd’hui.

Juan Guaidó appelle depuis plusieurs semaines les forces armées à le rejoindre. A ce jour, ces dernières restent loyales au président Maduro. Est-ce que vous considérez cela comme une réussite pour Nicolas Maduro ?

Je crois que Juan Guaidó a échoué. Il avait promis de convoquer des élections sous 30 jours et ce président par intérim autoproclamé ne l'a pas fait. Je crois que cela signifie qu'il a mis un terme à sa fonction.

Est-ce qu’il y a une chance de réconciliation dans un pays qui semble extrêmement divisé ?

Le Venezuela est un pays qui a beau être divisé politiquement, c’est un pays dont la population, quelles que soient les circonstances, a évité une guerre civile. Et c’est ce que nous espérons de tout notre cœur, éviter une guerre civile. Et les Vénézuéliens sont prêts à affronter toute tentative d'agression, qu’elle vienne de l’extérieur ou de l’intérieur, pour éviter une confrontation entre frères, parce que cela ne mène à rien. Et l'une des choses importantes que pourrait faire l’Union européenne, serait  d'en finir avec les sanctions. Elles ne servent à rien. Nous sommes disposés à dialoguer, à trouver une issue. Et cela a toujours été ainsi. Je ne veux pas que mon pays se transforme en Afrique du Sud, avec un apartheid.

Votre père était journaliste. Ces dernières semaines, plusieurs journalistes, vénézuéliens et étrangers, ont été arrêtés, interrogés, expulsés, voire passés à tabac, par les Forces spéciales ou les renseignements militaires ou le SEBIN, la police secrète. Est-ce que vous condamnez ces arrestations ?

Je crois avant tout que toute action de ce type est lamentable... et ne mène à rien. Selon moi le plus important, en ce moment, c'est que la vérité soit faite. Je crois que, quelles que soient les circonstances, cela ne vaut pas la peine d'essayer de faire taire quelqu'un de cette manière, lorsqu'il a une opinion contraire. Je pense qu'a un moment donné, selon moi il faut que des enquêtes rigoureuses soient menées pour que de tels faits ne se reproduisent plus.

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