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REPORTAGE

Web Summit 2018: à Lisbonne, le gratin de la Tech révise ses fondamentaux

La capitale portugaise voit affluer en ce début de mois de novembre, et pour la troisième année consécutive, des dizaines de milliers de professionnels du numérique venus du monde entier. Après les scandales à répétition (vol de données, multiplication des « fake news ») qui ont ébranlé le secteur, le constat est sans appel : il est grand temps de remettre internet au service de l'humain.

Le PDG du Web Summit, Paddy Cosgrave (en t-shirt au centre), donne le coup d'envoi de l'édition 2018 à l'Altice Arena de Lisbonne, le 5 novembre 2018.
Le PDG du Web Summit, Paddy Cosgrave (en t-shirt au centre), donne le coup d'envoi de l'édition 2018 à l'Altice Arena de Lisbonne, le 5 novembre 2018. RFI/Marc Etcheverry
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De notre envoyé spécial à Lisbonne,

On le surnomme encore parfois le « Davos des geeks ». Cela fait pourtant bien longtemps que le Web Summit n'est plus l'affaire de quelques passionnés de nouvelles technologies, réunis dans les effluves de houblon comme à ses débuts dublinois. Il n'y a qu'à voir ces grappes de trentenaires faussement débraillés qui dévalent les escalators de la station Oriente, face aux campus, en arborant ostensiblement leur badge (« investor », « partner », « attendee », « media ») pour se convaincre qu'à l'image des autres grands rendez-vous du secteur de la Tech sur la planète, tout ce beau monde a bien grandi.

Mais l'intelligence n'est pas encore devenue tout à fait artificielle. Et ce « sommet mondial du Web » sait toujours accoucher de discussions qui refaçonnent l'approche que l'on a du numérique. En cela, la comparaison avec le grand raout suisse du gotha capitaliste n'est sans doute pas usurpée.

Il y a un an, le monde de l'innovation « décuvait » encore les scrutins britannique (Brexit) et américain. Les « fake news » étaient de toutes les discussions. On s'interrogeait aussi, à l'instar de Stephen Hawkins en ouverture, sur les dérives d'une intelligence artificielle mal maîtrisée. La logique voulait qu'on trouve pour cette année un remède (presque) miracle à cette époque anxiogène. Tim Berners-Lee, en bon père du Web, est donc venu faire la leçon.

Nouveau contrat

En lever de rideau, cet ex-ingénieur du Cern qui, un beau jour de 1989, eut l'idée de l'architecture de liens par laquelle vous êtes tombés sur cet article, a appelé citoyens, entreprises et gouvernements à soutenir son nouveau « contrat pour le Web », une Magna Carta qui garantirait les droits numériques de chacun face aux nombreux abus observés ces dernières années. Un document déjà signé par une cinquantaine d'organisations à travers le monde, dont Access Now, Google et Facebook - et un seul pays pour le moment, la France. Salve d'applaudissements garantie. Le Web Summit s'est offert en guise d'introduction, un début de rédemption.

« Les débats qui auront lieu cette année sont une continuation de ceux de l'année dernière, confirme Nassim Amara, directeur des partenariats du Web Summit. On va s'interroger sur l'influence des technologies sur la société civile, sur ce qu'on appelle le Social Good. Et essayer de comprendre dans quelle mesure, si elles sont utilisées à bon escient, elles peuvent permettre par exemple de réduire les inégalités. » Certains intitulés de conférences y font écho - « Connecter la seconde moitié de l'humanité à un meilleur Web », « Donner du pouvoir aux déplacés ». D'autres se contentent d'un constat lucide - « Un internet gratuit et ouvert n'est plus possible ». Si on cherche des solutions, l'heure n'est pas à l'optimisme.

Se faire remarquer à tout prix

Mais le Web Summit n'est pas un club de philanthropes. Comme lors des éditions précédentes, ce qui fait courir bon nombre de participants dans les allées du sommet, ce sont les affaires. Les grands groupes comme les jeunes startups cernent les estrades où doivent se tenir les échanges.

Les stands de ces dernières sont exigus, les places coûtent cher et le temps est compté : chacune doit laisser sa place après une journée d'exposition. Près de 1 800 startups vont ansi se succéder au rythme de 600 par jour. Dans ces conditions, tout est bon pour se faire remarquer des investisseurs et des journalistes, du déguisements au plus traditionnels « goodies ».

Dans ce tumulte, les mieux lotis sont ceux qui arrivent en bande, par délégation. La French Tech y a par exemple ses habitudes. De fait, l'Amérique du Nord et l'Europe sont sur-représentés et d'autres continents, comme l'Afrique, peinent à émerger. Trente-quatre startups africaines seulement seront présentes. Trente-trois même, les représentants de la société camerounaise Coredoo, spécialisée dans la livraison de repas, ayant échoué à gagner les rives du Tage. « L'ambassade d'Espagne qui gère notre visa pour Lisbonne ne nous l'a pas accordé, même avec l'intervention d'une équipe du Web Summit, explique avec dégoût Emmanuel Melong, son fondateur. C'est un voyage que nous planifions depuis cinq mois. C'est vraiment pathétique pour nous les entrepreneurs d'Afrique. »

C'est cette réalité là que touche aussi chaque jour le Web Summit. Celle d'un écart parfois abyssal entre ceux qui pensent le Web et ceux qui le construisent fil après fil.

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