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Sports

Accès des femmes aux stades: les Iraniennes ne baissent pas les bras

En juin dernier, la Fifa a donné un ultimatum à Téhéran : la République islamique devra accorder aux Iraniennes le droit d’entrer dans les stades. Faute de quoi, le pays risque d’être suspendu ou expulsé de la Fédération internationale de football, alors que commencent en septembre les qualifications pour le Mondial 2022 au Qatar.

Des femmes iraniennes assistant au match amical de football Iran-Bolivie au stade Azadi de Téhéran, le 16 octobre 2018.
Des femmes iraniennes assistant au match amical de football Iran-Bolivie au stade Azadi de Téhéran, le 16 octobre 2018. STR/AFP
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Lors d’une conférence de presse lundi 19 août, le porte-parole du gouvernement iranien, Ali Rabei, a annoncé que Masoud Soltanifar, ministre des Sports et de la Jeunesse, mènera les actions nécessaires pour permettre la présence des Iraniennes lors des matchs de l’équipe nationale. Cette annonce vient donc appuyer celle de la Fédération de football iranienne, qui avait donné son accord à la présence des femmes dans les stades un mois plus tôt, selon le média iranienKhabaronline.

En Iran, l’accès aux stades est interdit aux femmes depuis l'instauration de la République islamique. Or, les statuts de la Fédération internationale de football (Fifa) condamnent toute discrimination. Depuis juin 2018, le président de la Fifa, Gianni Infantino, pousse donc les autorités iraniennes à remédier à ce manquement. Une pression qui, selon un journaliste sportif iranien, pourrait faire effet : « Selon moi, les autorités vont permettre l’accès des Iraniennes pour les matchs de l’équipe nationale. Au stade Azadi à Téhéran, ils ont déjà prévu une entrée et un passage réservés aux femmes. Elles regarderont depuis des tribunes assignées, séparées des hommes. […] Mais cette autorisation ne sera jamais accordée pour les matchs de la ligue iranienne, qui sont régis par les lois iraniennes », affirme-t-il sous couvert d’anonymat. Le représentant d’un des clubs les plus populaires d’Iran confirme ces propos : « Les lois iraniennes imposent des règles particulières à respecter et, selon ces dernières, à part le stade Azadi à Téhéran, aucun autre stade iranien n’est équipé pour accueillir des femmes. »

Une supportrice iranienne lors de la retransmission du match entre l'Iran et le Portugal à Téhéran lors du Mondial 2018.
Une supportrice iranienne lors de la retransmission du match entre l'Iran et le Portugal à Téhéran lors du Mondial 2018. ATTA KENARE / AFP

Arrestations de plusieurs filles

Alors que le président Hassan Rohani s’est lui aussi exprimé en faveur de l’accès des Iraniennes aux stades, le procureur général d'Iran, Mohammad Jafar Montazeri, s’y oppose. En octobre 2018, il affirmait que « la présence des femmes au stade Azadi est un péché » ; et le 7 août dernier, il s’interrogeait : « Pourquoi la Fifa vient-elle s’occuper de la présence des femmes dans nos stades ? Nos femmes lui font-elles de la peine ? »

Le 13 août 2019, Human Rights Watch rapportait que cinq filles, connues pour entrer « illégalement » dans les stades en se faisant passer pour des hommes, ont été arrêtées ainsi que Forough Alaei, la photographe qui les suivait. Cette dernière est par ailleurs lauréate cette année duWorld Press Photo pour sa série sur ces supportrices pas comme les autres. Sur Twitter, de nombreux commentaires d’indignations appelaient à une réaction de la Fifa : « Que quelqu’un fasse remonter cela à la Fifa », écrivait ainsi une internaute en persan tandis que beaucoup se contentaient de taguer la Fédération. Quatre de ces filles ont finalement été relâchées samedi 17 août.

► À lire aussi : Les Iraniennes veulent retourner au stade

De l’espoir toujours

Comme certaines de ses amies arrêtées, Mona*, elle aussi, s’est déguisée deux fois en garçon pour pouvoir assister à un match. « C’est beaucoup de stress, mais cela vaut quand même la peine », explique-t-elle. Pour cette jeune supportrice, « le foot, c’est pour tout le monde, cela ne change rien qu’on soit une femme, un homme, une fille ou un garçon. [...] Chacun d’entre nous devrait pouvoir soutenir l’équipe qu’il préfère. »

Le 10 novembre 2018, Mariam* a pu assister à la finale de la Ligue des champions d’Asie entre Persépolis (Iran) et les Kashima Antlers (Japon). Ce jour-là, pour la première fois depuis l’instauration de la République islamique, près d’un millier de femmes ont pu entrer dans le stade Azadi de Téhéran. « C’est un sentiment incroyable. Quand j’ai vu le stade, j’ai eu l’impression que tous mes espoirs étaient-là, devant moi. Pourtant, j’étais déjà entrée une fois déguisée en garçon. Mais c’est particulier d’être là sans avoir peur d’être reconnue et sans qu’il y ait de risque qu’on vous interpelle après le match », raconte cette fan du Pirouzi (l’autre nom de l’équipe de Persépolis).

L’événement, relayé par tous les médias internationaux, était néanmoins entaché par des soupçons. Selon certaines supportrices, il n’y avait aucun moyen pour les femmes d’acheter des billets et seuls des groupes d’Iraniennes présélectionnées auraient dû y entrer. Pour Mona, « c'était une ruse pour satisfaire la Fifa ». Les représentants de la Fédération internationale et de la Confédération asiatique de football (AFC) étaient en effet présents lors du match ce soir-là. Finalement, nombre de supportrices ont fini par accéder au stade après de longues heures d’attente, de pleurs et de supplications. « La Fifa doit faire pression pour que les Iraniennes puissent entrer dans les stades sans qu’il y ait une sélection préalable », estime Mariam. « Ce jour-là, nous avons récolté le fruit de nos efforts. Nous étions nombreuses, environ 400 personnes. Nous étions restées huit heures derrière la porte, les autorités n’avaient pas vraiment de choix […] mais combien de fois cela peut arriver qu’autant de femmes s’unissent ainsi pour obtenir leur droit ? C’était peut-être juste cette fois-là », dit la jeune femme. « Nous espérons que la situation va s’améliorer. Mais si la Fifa et l’AFC cessent de faire pression, cela va être très dur d’arriver à ce que l’on souhaite », conclut Mona.


* Les prénoms ont été modifiés.

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