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Territoires palestiniens

Grande marche du retour: un an après, un lourd bilan humain

Des dizaines de milliers de Palestiniens sont attendus samedi 30 avril le long de la barrière de séparation entre la bande de Gaza et le territoire israélien. Une mobilisation pour marquer le premier anniversaire de la « Grande marche du retour ». Ce mouvement de protestation vise à demander le droit au retour des réfugiés palestiniens sur les terres qu’ils ont quittées en 1948 à la création d’Israël ainsi que l’allègement du blocus imposé à l’enclave depuis douze ans. Mais ce mouvement a déclenché de nouvelles violences avec Israël et éprouvé un territoire déjà affaibli.

Des Palestiniens de Gaza sont assis près de la frontière, à la veille de l'anniversaire de la Grande marche du retour, le 29 mars 2019.
Des Palestiniens de Gaza sont assis près de la frontière, à la veille de l'anniversaire de la Grande marche du retour, le 29 mars 2019. REUTERS/Mohammed Salem
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Avec notre envoyé spécial à Gaza, Guilhem Delteil

Depuis le 30 mars dernier, l’agence humanitaire de l’ONU a recensé plus de 270 morts. À ce lourd bilan s’ajoute un nombre important de blessés : plus de 29 000, soit deux fois plus que lors de la guerre de 2014. Et leur prise en charge pèse lourdement sur un système de santé déjà menacé d’écroulement, souligne le chef du bureau OCHA à Gaza, Noël Tsekouras. « Je dirais que le service de santé survit, le secteur de santé est attaché à un fil très fin. Mais vous n’allez jamais voir du jour au lendemain le service santé disparaître, c’est une dégradation lente, progressive. »

Seule évolution notable depuis le début du mouvement, un accord négocié en novembre dernier après une violente confrontation armée a permis l’envoi d’une aide du Qatar dans l’enclave et une augmentation des importations autorisées dans la bande de Gaza par Israël. Le nombre d’heures d’électricité par jour est passé de 4 à 12. Mais ces mesures sont loin d’être suffisantes, tempère Noël Tsekouras. « Tout ça est palliatif, rien de tout ça ne permet de redresser la courbe descendante de la situation à Gaza. On n’a pas de statistique qui nous montre qu’il y a des éléments d’économie ou sociaux qui ont changés. »

Pour apporter un vrai changement, les besoins de la Bande de Gaza sont estimés à 100 millions de dollars par mois pendant six mois.

Pour le Hamas, Netanyahu achète du temps

Et pour le politologue Omar Chaabane, à la tête du groupe de réflexion PalThink, le principal succès de la Marche du retour est symbolique : « Les responsables politiques israéliens ont convaincu leurs électeurs qu’ils se sont retirés de Gaza et que Gaza n’est plus de leur responsabilité. La Grande marche du retour remet Gaza sur la table des dirigeants israéliens. Et je pense que cette politique aura plus d’influence si elle continue à être non-violente. »

En novembre dernier, au terme de deux jours de confrontation armée entre Israël et la Bande de Gaza, un accord de cessez-le-feu avait été négocié sous les auspices de l’Egypte et de l’ONU. Mais pour Bassem Naïm, cadre du Hamas au pouvoir à Gaza, le gouvernement israélien n’a pas tenu parole : « Rien n’a été respecté mais à des niveaux différents. La zone de pêche, ils l’ont élargie pendant quelques semaines mais pas comme nous en étions convenus. Ils n’ont pas tenu parole non plus sur les livraisons d’électricité, l’augmentation des exportations. Ils achètent du temps. »

Le Hamas veut profiter de la période électorale israélienne pour obtenir des concessions de Benyamin Netanyahu. « La nature des prochaines heures sera liée à la réponse de l’occupation israélienne » aux demandes du Hamas, a prévenu ce vendredi le chef du mouvement.

Mais de l’autre côté, le chef du gouvernement israélien, à dix jours des élections législatives, ne peut faire des concessions trop larges à un mouvement considéré comme terroriste. Et il a adopté ces derniers jours une attitude martiale, mobilisant des réservistes et envoyant des chars près de la bande de Gaza.

Les deux parties se disent prêtes à un conflit, mais aucune n'y a intérêt. Ces derniers jours, une délégation égyptienne a multiplié les consultations des deux côtés pour tenter d’éviter une escalade des tensions ce samedi, et un accord sembalit se dessiner vendredi soir.


► Les familles qui ne veulent pas participer à la marche

Mounir Shoubeir a perdu un fils dans la Marche du retour. Ce quadragénaire, affilié au Fatah de Mahmoud Abbas, refuse de participer à ce mouvement de protestation. Il estime que seule la négociation pourra amener Israël à faire des concessions.
Mounir Shoubeir a perdu un fils dans la Marche du retour. Ce quadragénaire, affilié au Fatah de Mahmoud Abbas, refuse de participer à ce mouvement de protestation. Il estime que seule la négociation pourra amener Israël à faire des concessions. RFI/Guilhem Delteil

Si des dizaines de milliers de personnes devraient participer au premier anniversaire de la « Grande marche du retour », la Marche fait aussi des mécontents.

Dans les rues, des voitures équipées de haut-parleurs circulent en diffusant les appels à manifester ce samedi. Mais Mounir Shoubeir, lui, restera dans son appartement délabré du camp de réfugiés de Deir El Balah. Il est opposé à la Marche du retour depuis le début : « Israël fait usage d’une force intense contre les manifestations et nous ne voulons pas perdre des vies. »

Mounir Shoubeir est affilié au Fatah, le grand rival du Hamas qui contrôle la bande de Gaza. A ses yeux, seule la négociation peut permettre d’obtenir des concessions d’Israël. Mais son fils Ayman, âgé de 18 ans, a joint la protestation à deux reprises. « Mon fils s’y est rendu car il était frustré de rester ici à la maison. Il n’avait pas de travail, n’étudiait plus. Il ne faisait rien. »

Des bannières avec le portrait de son fils sont accrochées sur les murs de son séjour. Le 21 décembre, Ayman a reçu une balle dans le dos : il a succombé à ses blessures.

Juliette Abu Shanab, elle, a participé aux débuts du mouvement. Avec des groupes de femmes, elle distribuait des repas aux protestataires. Mais dénonçant l’emprise du Hamas sur ce qu’elle voulait être un mouvement populaire, elle a fini par renoncer à s’y rendre : « C’est devenu de plus en plus politique. Ils l’ont utilisé comme un moyen de marchandage avec Israël. Et il est apparu alors qu’ils cherchaient plus de martyrs, plus de morts. » Juliette Abu Shanab reproche aux autorités de ne pas avoir empêché les frictions entre les protestataires et l’armée israélienne.

G.D

01:30

Ecouter le reportage

Guilhem Delteil

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