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Iran

Présidentielle en Iran: retour sur une longue journée de vote

Ce vendredi 19 mai, 56,4 millions d’électeurs iraniens étaient appelés aux urnes pour élire leur président. Le sortant Hassan Rohani, religieux réformateur, partait favori mais le camp conservateur s’est considérablement renforcé avec le ralliement du maire de Téhéran à l’ex-procureur Ebrahim Raissi. Par leur vote, les Iraniens devaient décider aussi de poursuivre ou non la politique d’ouverture vers l’Occident entamée par Rohani.

Dans un bureau de vote à Téhéran, peu avant la fermeture, le 19 mai.
Dans un bureau de vote à Téhéran, peu avant la fermeture, le 19 mai. TIMA via REUTERS
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Avec nos envoyés spéciaux à Téhéran.

• Les bureaux de vote ont fermé à 00h00 (21h30, heure de Paris). Le dépouillement des bulletins a commencé. Les premières estimations donnent le nombre de votants aux alentours de 40 millions (75%).

• Comme attendu, la fermeture des bureaux de vote est repoussée. Ils restent ouverts jusqu'à minuit. Aucun chiffre officiel sur le taux de participation n'a encore été publié. Certaines agences évoquaient 30 millions d'électeurs à 20h.

• Devant la forte affluence, les autorités ont à plusieurs reprises repoussé la fermeture des bureaux de vote. Car malgré l'heure tardive et une chaleur toujours suffocante, les Iraniens continuent de faire la queue pour aller voter ce soir, rapporte notre envoyée spéciale Murielle Paradon. Une longue file d'attente s'étend devant le bureau de vote de l'école Al Zahra.

Mir Taher, la quarantaine, est là depuis près d'une heure. « Il faut voter, pour la survie de la république islamique. Le Guide suprême a demandé aux gens de voter, j'imagine que ça a influencé beaucoup de monde. De toute façon c'est un devoir religieux. »

Reza, un jeune étudiant en droit, a tenu à venir pour faire barrage au candidat qu'il n'aime pas. « Si j'étais sûr que mon candidat passe, peut être que je ne serais pas venu voter. Mais parce qu'on a en gros le choix entre deux personnes, j'ai peur que l'adversaire de mon candidat soit élu, c'est pour ça que je suis là. »

Ce qui pousse Mariam, une élégante femme au foyer à venir voter, c'est un espoir d'évolution dans le pays. « J'espère un peu de liberté pour les femmes, on n'a pas de liberté. On nous arrête même dans notre voiture pour nous dire : pourquoi vous avez des chaussures ou des pantalons comme ça. On voudrait enlever les restrictions. »

• A 20h, dans la bastion réformateur de Shariati, dans le nord, notre envoyé spécial Marc Etcheverry constate que des foules entières attendent de voter.

A la mi-journée, dans les quartiers populaires du sud de la ville, les électeurs ne se pressent pas aux urnes. Le soleil, haut et cuisant, a poussé bon nombre d'entre eux à reporter leur déplacement vers la fin de journée. Néanmoins, dans l'une des nombreuses écoles transformées en bureaux de vote, on accueille quelques vaillants, hommes et femmes, venu faire leur devoir.

Une école transformée en bureau de vote, dans un quartier populaire du sud de Téhéran, le 19 mai 2017.
Une école transformée en bureau de vote, dans un quartier populaire du sud de Téhéran, le 19 mai 2017. RFI / Marc Etcheverry

« Je suis venu voter pour offrir un avenir à mon fils et à sa génération. La situation économique du pays n'est pas terrible, mais finalement comme dans beaucoup d'autres pays. Et je suis persuadé que ça va changer après cette élection », se persuade Saeed, qui n'a pas voulu révéler le nom de son candidat.

Ici, les conservateurs sont bien mieux implantés que dans d'autres quartiers cossus et jeunes du centre et du nord de la ville. Le discours d'Ebrahim Raissi, qui se veut le protecteur des défavorisés face à l'Iran « des riches » de Rohani, séduit beaucoup de laissés-pour-compte de l'ouverture entamée sous le mandat du président sortant. La religion y est aussi plus présente. Dans ce quartier, peu de femmes sont venues voter coiffées d'un simple voile, beaucoup portent un hidjab noir.

Je suis venu pour dire qu'on est toujours là, qu'on résiste. On se présente avec toutes nos forces pour avoir un Iran plus prospère. Moi je vote pour Raissi. Parce que je pense que ses idées et ses pensées sont différentes. Et peut être qu'il aura une bonne compréhension des jeunes.

00:42

Un électeur pro-Raissi défend son candidat

Murielle Paradon

Il y avait du monde ce matin dans des bureaux de vote de Téhéran, comme l'a constaté notre envoyé spécial Marc Etcheverry :

• Notre envoyé spécial Toufik Benaichouche a rencontré une restauratrice de Téhéran, combative et divorcée. Mme Taghirat est la fondatrice des trois restaurants qu'elle possède. Elle va voter pour Hassan Rohani, « surtout pour ne pas permettre à des imbéciles de nous gouverner ». Ecoutez le portrait de cette femme :

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Portrait d'une femme d'affaires iranienne

Toufik Benaichouche

Nos envoyés spéciaux Murielle Paradon et Boris Vichith étaient ce matin au bureau de vote installé dans la mosquée de Hosseiniyeh Ershad, à Téhéran, là où le président sortant a voté sous les acclamations de la foule. Il a glissé son bulletin dans l’urne sous l’œil de dizaines de caméras.

Dans ce quartier aisé, Mir Damad, beaucoup de personnes soutiennent Rohani, comme cet électeur qui explique pourquoi il a voté pour le président sortant : « Mon vote est pour un meilleur futur pour l’Iran. Mon vote est pour la liberté en Iran. Chaque Iranien ici pense au futur. » Un meilleur avenir, c'est aussi l'argument qu'avance Farhad, médecin, pour expliquer son vote en faveur du candidat sortant : « Si on regarde les 4 dernières années du mandat de Rohani, ça a évolué dans le bon sens du point de vue des relations internationales, sur le plan intérieur et aussi pour les libertés. »

Même son de cloche, du côté de Vafa Miremadi, fervent partisan d'Hassan Rohani :

On choisit entre la guerre et la paix. Si on choisit Raïssi, on aura la guerre, peut-être la guerre nucléaire. Mais avec Hassan Rohani, on aura la paix, il nous l’a démontré ces quatre dernières années

00:39

Vafa Miremadi, jeune étudiant en littérature à l'université de Téhéran

Murielle Paradon

Salman, lui, en revanche, donne sa voix à Ebrahim Raissi. « Je suis venu voter pour le régime islamique, on verra qui sera élu. Je pense qu'il faut se concentrer sur le chomage et sur les préoccupations quotidiennes du peuple. Pour moi ce qui est important c'est également d'assurer les capacités de défense du pays. »

Notre envoyé spécial Marc Etcheverrys'est rendu dans le nord de la capitale. Autour de la place Vanak, les électeurs sont arrivés tôt pour être les premiers à faire leur devoir de citoyen. Ainsi, à l'école Afsharzadeh, près d'une cinquantaine de personnes attendaient leur tour en tout début de matinée.

A l'école Afsharzadeh, « je n'avais pas vu un tel monde à ce bureau en 2013 [lors de la dernière présidentielle, NDLR], tient à signaler Arash, un habitant du quartier. Les gens sentent qu'ils ont la responsabilité d'élire les personnes les plus compétentes. » Il faut dire que le scrutin présidentiel est couplé à des élections municipales.

Dans cette partie de la ville aux allées bordées d'arbres fleuris et aux bâtiments modernes, la bourgeoisie de Téhéran a pris le parti de Rohani depuis longtemps. C'est le cas de Negin, qui estime que le président sortant « a fait beaucoup pour le pays ces quatre dernières années. Et la mentalité du peuple est en adéquation avec le programme qu'il propose aujourd'hui. »

Une cinquantaine de personnes attendent de pouvoir voter à l'école Afsharzadeh, dans le nord de Téhéran, ce vendredi 19 mai 2017.
Une cinquantaine de personnes attendent de pouvoir voter à l'école Afsharzadeh, dans le nord de Téhéran, ce vendredi 19 mai 2017. RFI / Marc Etcheverry

Selon les estimations officielles, la participation pourrait dépasser les 72%. Une forte participation, appelée de ses vœux par le guide suprême (lire ci-dessous), serait notamment un moyen de renforcer le régime alors que le président américain Donald Trump a adopté une attitude hostile à l'égard de l'Iran, malgré l’accord nucléaire.

• Des électeurs de Téhéran ont confié leurs attente à notre envoyée spéciale Murielle Paradon :

Je veux qu'on mette fin à la corruption et au chômage

01:03

Paroles d'électeurs à Téhéran

Murielle Paradon

Avant même le début des opérations de vote, il y avait des files d’attente devant certains bureaux à Téhéran, mais aussi dans les villes de province, selon les images diffusées par la télévision et les agences de presse. Le guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, a été l’un des premiers à voter.

Les bureaux de vote ont ouvert à 8 h heure locale à Téhéran comme dans le reste du pays. Ils fermeront, pour les derniers, à 10 h du soir. L'ayatollah Ali Khamenei, a appelé la population à se mobiliser « massivement, et le plus tôt possible », à l'antenne de la télévision publique. « Lorsqu'on accomplit une bonne action, on doit le faire le plus tôt possible », considère le guide suprême.

Plusieurs personnalités politiques ont déjà indiqué dans quel lieu elles voteraient. L'ancien president Khatami a par exemple déclaré qu'il voterait « dans les premières heures de la matinée », à Jamârân, dans le nord de la capitale. L'un des quatre candidats en lice, Mostafa Hashemitaba devait faire son devoir de citoyen aux alentours de 8h30 dans l'est de la capitale.

Une campagne menée tambours battants

Pour rappel, la campagne électorale a officiellement débuté le 21 avril dernier et s’est donc déroulée sur moins d’un mois. Les candidats ont multiplié, à un rythme effréné, les conférences de presse mais aussi les rassemblements monstres. Ce fut notamment le cas pour Hassan Rohani samedi dernier, lorsque 20 000 de ses partisans l’ont retrouvé dans un stade de la banlieue ouest de la capitale. Raissi a répondu par une démonstration similaire mardi, dans une immense salle de prière de Téhéran.

Des 1600 candidatures déposées mi-avril, la Conseil des gardiens, l’instance chargée de veiller entre autres sur le bon déroulement du scrutin, n’en a retenu que six, éliminant au passage l’ancien président Mahmoud Ahmadinejad. Et si ce vendredi seuls quatre d’entre eux sollicitent les suffrages des électeurs, c’est que les jeux d’alliance, coutumiers dans le jeu électoral iranien, ont été à nouveau à l’œuvre.

Dans le camp réformateur, le vice-président Eshagh Jahanguiri s’est retiré en faveur de son supérieur, comme attendu. Durant la campagne, il a surtout joué les « porte-flingues », défendant le bilan de l’administration sortante et tirant des salves de critiques à l’endroit des conservateurs, notamment durant les débats télévisés.

RFI / Marc Etcheverry

Dans le camp adverse, le maire de Téhéran, le populiste Mohammad Bagher Ghalibaf s’est finalement rallié à Raissi, après avoir maintes fois affirmé qu’il irait jusqu’au bout. Au moment de la conclusion de cette alliance, la semaine dernière, les deux candidats pesaient pour un quart chacun des suffrages. Mais il ne s’agit pas de simples mathématiques et il est peu probable que tous les suffrages de Ghalibaf se reportent sur Raissi.

Les conservateurs ont en outre un autre candidat, l’ancien ministre de la Culture Mostafa Mirsalim, qui a été investi par le Parti de la coalition islamique, l’une des plus anciennes formations politiques du pays. Si le candidat Mirsalim fustige les stratégies d’alliance et a marqué sa volonté d’aller jusqu’au bout malgré de faibles intentions de vote, il espère une chose : « que Rohani ne soit pas le gagnant… »

La participation, clé du scrutin

Ce que le camp modéré regardera avec attention, c’est la participation. « C’est le pari de Rohani, résume Azadeh Kian, professeur à l’université Paris-Diderot et spécialiste de l’Iran. Il y a des déçus de la politique menée par Rohani qui disent qu’ils n’iront pas voter. Il n’y a pas eu autant de création d’emplois qu’attendu. Les lois n’ont pas été changé en faveur des femmes non plus. La corruption existe toujours. Si le taux de participation atteint les 65% cela serait déjà bien, autour de 50% les modérés seraient pénalisés. »

Les déçus, voilà l’électorat sur lequel compte bien capitaliser Raissi. Durant la campagne, les conservateurs n’ont cessé de qualifier Hassan Rohani de « candidat des riches », se posant en défenseurs des classes défavorisés. Il est vrai que si la croissance devrait atteindre les 5,2% cette année, et que l’administration sortant a réussi à diviser par trois l’inflation. Mais les Iraniens, notamment les moins aisés, se plaignent de ne pas en ressentir les effets. Même stratégie sur l’accord nucléaire, un accord « mal négocié » dont les Iraniens sortent grands perdants, selon les adversaires de Rohani.

→ Présidentielle iranienne : écouter en direct de Téhéran notre édition spéciale

►Suivez également cette élection sur RFI en persan

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