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Israël / Gaza

Un an après la guerre, le désespoir des Gazaouis

Le 8 juillet 2014, Israël déclenche l’opération « Bordure Protectrice » à Gaza. Cinquante jours de guerre qui font près de 2200 morts coté palestinien, en majorité des civils, et 73 côté israélien dont six civils. Les destructions sont immenses. 100 000 maisons sont partiellement ou complètement détruites, selon l’ONU. Un an plus tard, la reconstruction n’a pratiquement pas commencé et les Gazaouis sont sans espoir.

Chejaya, quartier fantôme près de Gaza, l’un des plus détruits pendant la guerre.
Chejaya, quartier fantôme près de Gaza, l’un des plus détruits pendant la guerre. RFI/Murielle Paradon
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De notre envoyée spéciale à Gaza,  Murielle Paradon

• Au nord : Jabaliya, la douleur d’un père

Il a le visage rond et rieur de n’importe quel enfant de 10 ans. Pourtant, Thaer Juda est un survivant. Il a perdu une jambe, et a eu les bras broyés dans le bombardement de sa maison de Jabaliya, le 24 août 2014 durant la guerre avec les Israéliens. « J’étais avec ma famille juste là, dans le jardin, après il y a eu une explosion et je ne me souviens plus de rien ».

Les hôpitaux de Gaza manquant de tout, Thaer a été transféré en Allemagne, grâce à une association. Il y a été soigné pendant dix mois et peut à présent remarcher et se servir de ses mains. Mais le traumatisme est toujours là, un an après. Sa mère et quatre de ses frères et sœurs sont morts dans le bombardement.

« Quand Thaer est rentré d’Allemagne, début juin, il s’est mis à pleurer en arrivant à la maison, raconte son père Essam Juda. Il m’a dit : "maman et mes frères et sœurs me manquent", et là je n’ai pas pu me contrôler, j’ai craqué. » Essam a du mal à retenir ses larmes à l’évocation de ces souvenirs et accuse les Israéliens de crimes de guerre.

Un an plus tard, il a rénové sa maison et son jardin pour effacer les traces du bombardement, il s’est également remarié, récemment. Mais il dit avoir toujours besoin d’un soutien psychologique.

• A l’Est : Khuza’a, la reconstruction n’a pas commencé

A Khuza’a, l’une des villes les plus détruites durant la guerre, seules les routes ont été déblayées. Les bâtiments détruits il y a un an sont restés à terre. La reconstruction n’a pas commencé. La famille Al Najar vit à côté d’un trou béant, c’est tout ce qu’il reste de sa maison. Elle n’a qu’une tente pour s’abriter et la chaleur y est insupportable.

« Après la guerre et la destruction de ma maison, j’ai loué un appartement, explique le père de famille. On m’a donné de quoi payer quatre mois de loyer, mais après je n’ai plus eu d’argent. Le propriétaire m’a demandé de partir. Alors la municipalité m’a donné une tente. Je n’ai pas de moyens, pas de travail. La situation est très difficile. »

L’agent manque. L’UNRWA, l’agence de l’ONU qui fournit des aides à plusieurs milliers de familles à Gaza, n’a reçu qu’un tiers des aides promises par la communauté internationale après la guerre et ne verse de l’argent qu’au compte-goutte.

Et puis il est difficile de reconstruire sa maison lorsqu’on n’a pas de matériaux. « Les Israéliens maintiennent le siège sur Gaza. Ils laissent les points de passages fermés et ne laissent pas passer les matériaux de construction, ils s’en moquent de la reconstruction », accuse Chahid, 23 ans, un des fils Al Najar.

Les Israéliens laissent bien passer des matériaux de construction mais en faible quantité, de peur que le Hamas, le mouvement islamiste au pouvoir à Gaza, ne les utilise pour construire des tunnels afin de commettre des attaques en Israël.

• Au Sud : Rafah, porte de sortie pour des jeunes sans espoir

Rafah, point de passage entre la bande de Gaza et l’Egypte. Ce jour-là, les portes sont ouvertes, certains Gazaouis peuvent sortir, eux qui sont enfermés la plupart du temps, soumis au blocus d’Israël et aux restrictions de passage de l’Egypte. Djihad, un étudiant de Gaza, a obtenu le précieux sésame, et il ne compte pas revenir.

« Je vais d’abord en Egypte et si je peux j’irai ailleurs, en Suède, si Dieu le veut. Là-bas on peut étudier et travailler. Ici, pour les jeunes il n’y a rien. Pas de travail, alors qu’il y a beaucoup de diplômés, comme moi. C’est pour ça que je veux partir ailleurs tenter ma chance. »

Avec le blocus et cette nouvelle guerre l’an dernier à Gaza, la situation est devenue intenable. 44% de la population au moins est au chômage, selon la Banque mondiale, probablement le taux le plus élevé au monde.

• Risque de radicalisme

Les jeunes n’ont pas d’avenir, selon l’économiste gazaoui Omar Shaban : « Deux tiers des jeunes ne sont jamais sortis de Gaza. Ils n’ont jamais voyagé. Ils n’ont pas de travail. Ils sont pourtant éduqués, parlent anglais, sont connectés à Facebook. Ils comparent leur vie à celle des jeunes Européens. Ils voient la différence, énorme. Et cela peut créer du radicalisme ou mener à une nouvelle guerre. »

Des groupes islamiques radicaux, dont certains se réclament de l’organisation Etat islamique, ont refait surface après la guerre. Ils ont revendiqué plusieurs tirs de roquettes contre Israël récemment. Le Hamas au pouvoir dans la bande de Gaza, mène des arrestations et affirme maîtriser la situation. « La situation est sous contrôle à 99%, estime Ghazi Ahmad, un responsable du Hamas, nous travaillons à maintenir le cessez-le-feu et Israël le sait parfaitement. »

Mais Omar Shaban se dit inquiet. « La montée du radicalisme chez les jeunes est un réel phénomène, si Israël ne lève pas son siège sur Gaza, ce phénomène va s’accentuer. »


■ Reconstruction difficile

Un an après le lancement de l'offensive israélienne, aucune des 12 000 maisons entièrement détruites n'a été reconstruite, rapporte notre envoyé spécial à Gaza Nicolas Ropert. Plus de 80 000 de celles endommagées attendent elles aussi des réparations. Conséquence, aujourd'hui, environ 100 000 personnes sont considérées comme sans-abris. La situation économique est catastrophique dans une région qui subit un blocus israélien notamment sur les matériaux de reconstruction.

S'ajoutent en plus les difficultés financières de l'UNRWA, l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens, dont les aides pour les habitants sont versées au compte-goutte.
Gaza baigne dans un pessimisme évident. Une parade des groupes militaires est prévue dans la journée à Gaza mais ce ne sera pas la grande célébration qui avait marqué la fin de la guerre à l'été 2014. De plus en plus de Gazaouis disent vouloir quitter la bande côtière, mais ils sont coincés entre Israël et l'Egypte qui n'ouvre que quelques jours par mois ses frontières. L'espoir paraît donc bien mince pour les habitants de s'échapper.

Pour envenimer encore un peu la situation, des groupes salafistes menacent le Hamas au pouvoir. Les Palestiniens disent craindre une nouvelle guerre avec Israël. La question est simplement de savoir quand elle aura lieu.

Y a-t-il eu crime de guerre ?

Si le 3 juillet, le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU a appelé à juger tous les responsables des crimes commis durant le conflit, la Cour pénale internationale est en phase d’examen préliminaire pour savoir s’il y a matière à enquête. Un an après les 51 jours de combat à Gaza, les autorités israéliennes essaient toujours de justifier l'opération militaire « bordure protectrice », explique notre correspondant à Jérusalem Michel Paul.

Le Hamas subit un coup sévère comme il n’en a pas connu depuis sa création, proclame le Premier ministre Benyamin Netanyahu. Le Proche-Orient n’est plus ce qu’il était, reconnaît de son côté le ministre israélien de la Défense, Moshe Yaalon.

En Israël, on semble pourtant comprendre les limitations de l’usage de la force. Selon le quotidien Haaretz, plusieurs responsables de l’armée israélienne recommandent d’assouplir les restrictions sur la circulation des personnes au point de passage entre Israël et la bande de Gaza. Cela pourrait permettre, estime-t-il, de « maintenir le calme à long terme ».

On parle aussi de contacts entre Israël et le Hamas pour le retour des dépouilles des deux militaires israéliens disparus pendant l’opération. Et après le succès du système de missile anti-roquettes Dôme de fer, Israël annonce la mise en place d’un dispositif de détection des tunnels offensifs entre Gaza et le territoire israélien. Mais pour tous, après les tirs isolés de roquettes à partir de la bande de Gaza ces dernières semaines, il semble évident qu’une nouvelle confrontation entre Israéliens et Palestiniens dans ce secteur est inévitable.

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