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Le quotidien pousse les femmes à devenir vendeuses

Afin de subvenir aux besoins des familles et de financer les nombreuses cérémonies traditionnelles qui rythment la vie sur l'archipel des Comores, certaines femmes n'ont pas d'autres choix que de lancer leurs propres petits commerces et de s'organiser entre elles. Maman Subira, l'une d'entre elles, nous raconte son quotidien.Article publié dans Hors Antenne en juillet 2017.

Maman Subira
Maman Subira Soidroudine Mohamed
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Maman Subira est une mère de quatre enfants, originaire de Mitsoudjé à 15 km de Moroni, la capitale des Comores. Contrainte à se marier très jeune, comme la plupart des femmes comoriennes, elle n’a pas pu aller au bout de ses études. Tous les jours, sauf les dimanches, elle paie 800 FC (environ 1,60 euro) pour se rendre au marché vendre des légumes depuis 20 ans. Le père de son aîné l’a quitté pour rejoindre l’eldorado des Comoriens, Mayotte, l’île vers laquelle accourent beaucoup d'entre eux au péril de leur vie.
Son second mari, père de ses trois derniers enfants, est cultivateur, un métier peu rentable pouvant à peine subvenir aux besoins de la famille. Maman Subira se devait d’abandonner sa vie de ménagère afin d’aider son mari : « Je suis devenue marchande de légumes. Tous les matins, je ramène la récolte de mon époux ici à Volovolo. Pour survivre, la plupart des femmes n’ont pas d'autre choix que de devenir vendeuses au marché, dans ce pays où tout est coûteux. »

Le petit commerce, pratiqué particulièrement par des femmes, permet aux familles de mieux vivre et d'assurer aussi la scolarité des enfants. Aujourd'hui, tout passe par le biais des écoles privées car les écoles publiques ne répondent pas aux attentes des familles : « Pour la scolarité de mes trois enfants, je paie 7 500 FC par mois pour le plus jeune qui est au primaire, 11 500 FC pour celui qui est en cinquième et 14 000 FC pour celui qui prépare son brevet. Dieu merci, mon travail me permet d’éduquer mes enfants et avec leurs diplômes, ils auront des vies meilleures ».

Des femmes de toute classe sociale

Mais il n’y a pas que les plus démunies qui se lancent dans ces différents types de commerces. Les femmes de toutes classes deviennent vendeuses un jour ou l’autre afin de pouvoir s’offrir un capital personnel leur permettant de combler toutes sortes de dépenses (lire ci-dessous). Ainsi, devant chaque porte, des cacahouètes, des cigarettes, des oignons, des tomates fraîches sont disposés sur de petites tables.

Soidroudine Mohamed
Journaliste et responsable de la production de la radio HaYba
Moroni, Comores
mohamed.s.moilim@gmail.com

Des tontines pour financer mariages et cérémonies mortuaires

Scolarité des enfants, produits de luxe, cérémonies annuelles... L’Union des Comores étant un pays de forte consommation, une grande quantité de nourriture est importée. Et les prix ne sont pas toujours abordables pour tous. Pour autant, Maman Subira ainsi que toutes les autres marchandes de produits agricoles veulent s’offrir le luxe de consommer également des produits exotiques. Et malgré les rudes conditions de vie pour certaines, les femmes comoriennes adorent les festivités. Chaque événement est une occasion de sortir les plus beaux pagnes et saris, mais surtout de faire beaucoup de dépenses dans la nourriture.

Les Mashihuli

Les plus grands défis des femmes de cet archipel sont les Mashihuli, ces festivités de noces qui se font pendant les vacances car elles requièrent la présence des «Je viens », des Comoriens venus d’ailleurs. Les femmes se regroupent pour cotiser des tontines, et à la fin de chaque semaine ou mois, l’une d’entre elle obtient le jack pot : « Les Mitsango par-ci, par-là m’aident à remonter la pente surtout lors des mariages. Moi, je fais partie de deux groupes. Dans le premier, on cotise 2 500 FC toutes les deux semaines, et dans le second 5 000 FC par mois. explique Maman Subira, Quand mon tour vient, j’ai assez d’argent pour m’acheter tout ce que je veux. L’argent des tontines permet aux femmes de s’acheter le nécessaire pour les mariages traditionnels. Les habits et les ornements sont importants. Nous sommes peu nombreux donc tout le monde connaît tout le monde, il faut éviter d’être celle que l’on montre du doigt ». En plus des mariages, dans les quatre îles de l’archipel, les cérémonies mortuaires sont des occasions de rassemblements et de festivités. Même s'il s'agit de deux mondes opposés, on peut remarquer plusieurs similitudes telles que les regroupements humains et l’extravagance matérielle.

Les derniers Kaswida au défunt

Certains jours qui suivent la mort d’un être cher sont consacrés à des prières. La famille dépense une forte somme d’argent provenant des uns et des autres pour payer et nourrir les femmes qui chantent les derniers Kaswida au défunt, sans compter le grand festin du 40ème jour de deuil, durant lequel, tout comme pour les noces, la nourriture est en abondance puisqu'il doit y en avoir pour tout un village. Le quotidien des Comoriens relate le côté festif et convivial de ce peuple qui cache derrière la misère une vie épanouie, humaniste et égalitaire. Ainsi, sans la moindre dissemblance, se retrouvent ensemble femmes de pêcheur et de ministre, femmes d’agriculteur et d’entrepreneur, toutes vêtues de pagnes et de saris coûteux achetés grâce aux bénéfices de leurs petits commerces lors des Mashihuli ; ou bien vêtues de hijab, de gawuni ou de shiromani lors des cérémonies funéraires. La richesse de ce pays ne se laisse voir que dans l’amour ou la mort, dans la joie ou la tristesse. Quand ils ont besoin les uns des autres, les Comoriens sont tous riches et dans ces moments-là, les simples marchandes comme Maman Subira sont pareilles aux femmes de l’aristocratie comorienne

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