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Afrique

Afrique: les sanctions occidentales sont-elles efficaces ?

Plusieurs pays africains ont été soumis à des sanctions internationales ces dernières années, à l'instar du Burundi, du Zimbabwe, de l’Érythrée, du Soudan ou de la République démocratique du Congo (RDC). Mais ces pressions parviennent rarement, à elles seules, à faire plier les régimes isolés, notamment parce que ces derniers trouvent des sources alternatives de financements lorsque le robinet de l’aide internationale ou occidentale est coupé.

Une mine d'or en République démocratique du Congo, pays d'où provient principalement l'orqui transite par le Burundi.
Une mine d'or en République démocratique du Congo, pays d'où provient principalement l'orqui transite par le Burundi. REUTERS/Pete Jones
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En crise depuis le 25 avril 2015, en raison de la volonté de son chef d’Etat, Pierre Nkurunziza, de se maintenir au pouvoir, le Burundi est frappé depuis lors par des sanctions ciblées de la part des Etats-Unis et de l'Union européenne (UE). Il a ainsi perdu un appui budgétaire annuel de 432 millions d’euros en provenance de l’UE, qui représentait 20% du budget de l’État.

Comment ce pays, l’un des plus pauvres de la planète, s’en sort-il sans cette aide ? Il peut compter sur ses exportations de thé et de café pour capter des recettes en devises, mais plus sur les 5 millions d’euros versés chaque mois... par l’UE pour payer les soldes de quelque 5 000 militaires burundais déployés en Somalie dans le cadre de l’Amisom, la Mission de l'Union africaine sur place. L’Etat prélevait 20 % de ces montants, qui seront désormais versés non pas à la Banque centrale, mais dans des banques commerciales.

Olivier Van Beemen, un journaliste néerlandais, a déjà pointé la responsabilité de la brasserie Heineken, dont les filiales en RDC et au Burundi font le lit des régimes en place. Le journaliste dénonce le fait que Brarudi, détenue à 59% par Heineken et 41% par l’Etat burundais, « est la plus grande entreprise du pays avec des activités qui représentent 10% de l’économie nationale et un tiers des recettes fiscales du pays ». En d’autres termes, tant que la bière coule, l’État burundais peut payer une partie des fonctionnaires.

L’aide chinoise comme palliatif ?

Onesime Nduwimana, ancien porte-parole du gouvernement et dissident du parti au pouvoir depuis mars 2015, affirme pour sa part que le régime survit des « trafics venant du Sud-Kivu en RDC, portant sur des minerais exportés vers la Tanzanie ». Ces trafics sont documentés. Le pays a été décrit comme une plaque tournante du commerce illégal d’or dans la région des Grands Lacs.

Par ailleurs, l’ancien ministre, que RFI a rencontré à Bruxelles, accuse le président d’être « convaincu que les ressources du sous-sol burundais, des gisements d’or, de cassitérite et de nickel qui restent à explorer, lui appartiennent en propre, et qu’il ne saurait ne plus être là quand on commencera à les exploiter ». Cet ancien proche de Pierre Nkurunziza estime que le départ du régime actuel« ne pourra pas se faire sans lutte armée, même de faible intensité, ajoutée à de plus fortes pressions extérieures ».

Seul problème : l’aide de la Chine, une puissance qui dispose d’un droit de veto au Conseil de sécurité, permet au régime burundais de rester à flot. Le vice-président chinois Li Yuanchao s’est rendu à Bujumbura en mai 2017 pour annoncer un renforcement de cette aide « alimentaire et budgétaire sans contrepartie », dont les montants restent confidentiels. A la clé : un nouveau palais présidentiel, des routes, une centrale hydro-électrique et des écoles…

La même problématique se pose dans bien d’autres pays, frappés par des sanctions internationales à divers degrés en raison de leurs violations des droits de l’homme, comme l’Erythrée, le Soudan et la République démocratique du Congo (RDC). Là aussi, la coopération avec la Chine, un partenaire commercial de premier plan, réduit l’impact des pressions internationales.

Celles-ci s’aggravent dans le cas de la RDC, le Trésor américain ayant efficacement ciblé en décembre dernier l’homme d’affaires israélo-congolais Dan Gertler, en raison de sa proximité avec un pouvoir qui viole les droits de l’homme. L’objectif : geler ses avoirs et ceux de dix-huit de ses sociétés aux Etats-Unis, et interdire toute transaction d’entités américaines avec lui.

Les amis du Zimbabwe des années 2000

Dans le Zimbabwe de Robert Mugabe, les sanctions n’ont eu là aussi qu’un effet limité. Pour mémoire, les Zimbabwéens avaient voté « non » à 54,7% en février 2000 à une réforme de la Constitution qui proposait la confiscation des 60% de terres arables détenues par quelque 5 000 fermiers blancs.

La riposte  du pouvoir face à la montée de l’opposition : une réforme agraire menée tambour battant, qui vaut au pays des sanctions économiques et un embargo sur les exportations d’armes émanant d’abord de Londres et du Commonwealth puis de l’Union européenne en 2002.

Mais pas du Conseil de sécurité, où la Chine et la Russie opposent en 2008 leur veto à un embargo général sur les armes et une interdiction de voyager pour les responsables du régime. La réforme agraire met à genoux l’économie du pays, dépendante à 80% de son agriculture, mais ces sanctions sont présentées par le régime comme la cause d’une crise économique interne sans précédent, avec pour conséquence disette, pauvreté et exode massif vers l’Afrique du Sud.

A court de soutiens étrangers, Robert Mugabe s’est d’abord employé à faire payer ses amis sud-africains du Congrès national africain (ANC) pour ses factures d’électricité. La dette auprès d’Eskom, la compagnie nationale sud-africaine, avait ainsi atteint 41 millions d’euros en mai 2017.

Le président zimbabwéen s’est d'abord tourné vers la Libye de Mouammar Kadhafi puis la Chine pour éponger sa dette publique, qui atteignait 45,4% du produit intérieur brut (PIB) en 2016. Pékin s’est engouffré au Zimbabwe au moment des sanctions occidentales, pour investir dans de grands projets, acheter les biens agricoles et miniers du pays, financer un nouveau Parlement pour 46 millions de dollars et promettre 5 milliards de dollars d’aide en 2015.

Fort de ces soutiens, Robert Mugabe a dû céder le pouvoir en novembre 2017 non pas à cause de considérations financières mais bien politiques. Il est parti sous une intense pression interne, émanant de son propre parti, de l’armée et de la rue, qui ne voulaient pas d’une succession dynastique en faveur de son épouse, Grace Mugabe.

Un précédent historique : la mobilisation anti-apartheid

Un seul exemple de sanctions économiques efficaces en Afrique reste dans les annales de l’histoire africaine. D’abord prises par la Suède et la Norvège en 1985, elles sont imposées en 1986 par le Congrès américain, suivi par le Japon et l’Europe. La plupart des sociétés étrangères quittent l’Afrique du Sud raciste. Mais pas Ford, IBM ou Daimler Chrysler. Elles seront accusées plus tard parmi 23 sociétés de complicité avec l’apartheid, sans suites auprès de la justice américaine.

Les sanctions sont complètes : l’achat de la devise sud-africaine est interdit et l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) met en oeuvre un embargo pétrolier. Les grands groupes miniers et financiers sud-africains, asphyxiés, investissent les uns dans les autres, faute de mieux. Les stratèges de l’ANC réalisent que la victoire ne sera pas nécessairement militaire. Cet exemple reste unique dans l’histoire de l’Afrique. Israël avait certes maintenu son aide militaire, sans faire une grande différence. Il est vrai que la Chine, à l’époque, n’était pas encore entrée dans la danse.

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